Quelqu'un dit mon nom. Non il le crie. Il le crie si fort. C'est insupportable. Il hurle. C'en est trop, j'ai mal à la tête. Je ne sais pas d'où provient cette plainte. Ça me rend folle. Je me bouche les oreilles. C'est pire. Les ondes parcourent mon corps à une telle vitesse. Je n'entend plus mon nom mais un bourdonnement imperceptible. Je ne peux plus. Ma tête va exploser. Je vais exploser. Je dois faire quelque chose. J'ouvre alors la bouche, lentement, très lentement, ne laissant sortir qu'un petit bruit aigu. Le silence règne. Je me sens reine.
Tout le train m'avait entendu, si ce n'est la gare aussi. Le son faible que je pensais avoir poussé était en réalité un hurlement si intense que le monde s'était figé autour de moi. Ils me fixent tous. On n'a pitié de moi. On pense que je suis folle. J'ai l'impression de réentendre mon nom. Je ne l'ai jamais autant détesté. Des secondes interminables où je me sens si vulnérable. Les pleurs d'un enfant viennent briser cette atmosphère pesante. Mais je craint qu'il ne pleure à cause de moi. Cette fois je veux disparaitre. On ne peut que se sentir coupable quand on est la cause du malheur de l'innocence. Sans savoir pourquoi, je baisse la tête. Peut être me suis-je dit que s'ils ne peuvent pas me voir, ils ne peuvent pas me juger. Les pleurs continuent. Mais ils ne sonnent plus pareil maintenant. Ce n'est plus des sanglots que j'entends mais un bruit qui a, je crois, toutes les compétences pour réparer un cœur en peine: le rire d'un enfant. Je n'en suis pas certaine mais un coin de ma bouche semble s'être étiré ,le plus beau des reflexes. Un deuxième bruit retentit. Il provient de mon téléphone. Mon cœur bat plus fort mais c'est agréable. J'ouvre mon téléphone. C'est lui bien sur. Je remarque que son message est un peu plus long que d'habitude. Il n'a jamais aimé écrire. Un jour il m'a dit qu'il ne servait à rien d'écrire tant qu'on pouvait parler. On n'était toujours d'accord, pas cette fois là. Alors voir qu'il a formé plus d'une phrase m'étonne.
Je sais que tu devais me retrouver à l'aéroport mais j'ai décidé de te rejoindre avant. Ca fait si longtemps qu'on s'est pas vu, je veux être le premier à faire un pas vers toi. Je suis dans le café au fond de la gare. Retrouve moi là-bas Zemra.
Zemra est le surnom qu'il me donne. C'est un mot albanais qui signifie cœur. Il a décidé que c'était le meilleur surnom que je puisse avoir, puisque pour lui, on n'a besoin d'un cœur pour vivre autant qu'il a besoin de moi pour survivre. Je suis sa vie et sa survie. Je n'arrive pas à me faire entrer cette idée dans la tête, je n'y trouve pas vraiment de sens, des paroles en l'air. Je pensait avoir plus de temps avant de le retrouver, le temps d'admirer la ville car je sais que, peu importe ce qui se passera, tout aura changé ici. Pour un très court instant, je pense que je lui en veut. Je n'ai pas le choix. Le train était le voyage et chaque voyage est accompagné d'une arrivée. Je dois aller le rejoindre et le plus vite possible. Je dois faire cesser tous ces doutes qui planent en moi.
La gare a une odeur étrange. Je sens l'odeur des retrouvailles, des regrets et des rencontres mélangées à l'odeur alléchante du chocolat chaud. Je crois que la gare est l'endroit où les Hommes sont les plus beaux. Ils ne sont plus vraiment chez eux, ni vraiment ailleurs. Ils sont partout et nul part.
J'arrive presque au fond de la gare où j'aperçois le café. Mais à chaque fois que j'avance, il semble s'éloigner. Je me sens attirée en arrière. J'ai l'impression de marcher dans une substance visqueuse qui me retiens. Mais je lutte de toutes mes forces car je ne veux plus m'enfuir. Je me répète que je suis là parce que c'est ce dont j'ai toujours rêvé depuis dix ans. Je ne fais pas attention où je pose les pieds. Je sais qu'ils me porteront là où je dois aller, que ma tête est maintenant en accord avec mon corps. La porte du café se trouve juste devant moi. Je ne peux pas croire que le moment soit arrivé. J'ai envie de hurler de joie. J'observe ce qu'il se passe à l'intérieur avant d'entrer. J'ouvre la porte, je rentre et je commence déjà à visualiser la pièce ,et les gens qui la composent ,à la recherche d'un visage familier. Le café n'est pas très grand. Je fais vite le tour des visages. Je vérifie tout de même trois fois pour être certaine. Non, il n'est pas là. J'ai du me tromper d'endroit. Je me dirige vers la sortie quand j'entends crier mon nom. Je panique. Je me dit que le cauchemar recommence. Mais la voix est féminine et douce et surtout elle est réelle. Charlie! Charlie! Je me retourne, je ne vois personne s'avancer vers moi mais je continue à entendre mon nom. Charlie! Charlie!. C'est là que j'aperçois une femme dans ma direction. Elle est grande, taille mannequin. Elle s'approche vers moi et je la reconnais. Elle est dans la plupart des photos qu'il m'a envoyés. Sa bouche sourit mais c'est plus compliqué pour ses yeux. Ça me soulage de la savoir ici. Elle est maintenant en face de moi. J'ai envie de la saluer mais j'ai la vague impression que ce n'est pas à moi de parler en première. J'ignore pourquoi elle est là et pourquoi elle semble si étrange, à elle de me l'expliquer. Ses yeux sont plongés dans les miens comme si elle attendait un signe avant de parler. Elle fait un pas en arrière. Elle va parler. Puis elle se réavance, approche une main sur mon épaule. Elle est entrain de m'enlacer. Je ne comprends pas ce geste mais je la serre plus fort en retour. Une presque inconnue est si proche de moi mais étrangement je ne crains pas cette proximité. Personne n'a encore prononcé de mot. Soudain je la sens tomber dans mes bras. J'essaie de la retenir mais je n'y arrive pas. Nous nous écroulons toutes les deux au sol, toujours enlacées. Son corps commence à trembler, elle respire fort dans mon épaule, elle pleure.
________________________________________________________________________________ Voilà le chapitre 2 est terminé!
J'espère que vous avez apprécié votre lecture. C'était vraiment un plaisir d'écrire ce chapitre!
Pour l'instant, je pense à poster au moins une fois par semaine.
Alors à très bientôt!<3
Lilly
VOUS LISEZ
Effigie
RomanceLa place bondée et au milieu un garçon sur son tabouret, de la peinture sur ses doigts, son pinceau dansant sur la toile, son chapeau sur les pavés où reposent des pièces abandonnées .Une fille observant le travail d'un peintre ,la pensée qu'il pour...