Dans le métro
Comme tous les matins, Pierre se lève, s'habille et part vers le métro. Il en a pour 1h30, "le temps de réfléchir," comme il dit. Mais depuis voilà 4 mois, il ne parle plus, se renferme sur lui même. Quatre mois que sa fille de 14 ans lui ait été arrachée violemment. Il a tout fait, mais les pompiers n'ont pas réussi à la réanimer. Le seul et unique être qui l'empêchait de sombrer dans la dépression. Il rentrait avec elle, elle était joyeuse, pleine d'entrain. Puis est arrivé ce jour. Ce terrible moment où des gamins l'ont bousculée dans l'escalator du RER. Elle a chuté, sans pouvoir se rattraper, elle a heurté la rame qui démarrait. Le train s'est arrêté, en urgence, en coup de frein sec. Mais c'était trop tard. La jeune adolescente était déjà partie, électrifiée par le courant des rails, déchiquetée par le train... Personne ne la vu partir, personne ne pensait la voir s'éloigner aussi vite de la terre. Après 1h d'acharnement, les pompiers annoncent la terrible nouvelle au père. Pierre s'effondre. L'enfant est emmenée. Et Pierre continue sa vie d'ouvrier. Il travaille bien, comme avant.
Mais ce matin, dans le métro, il se fige. Une autre adolescente, même âge, même taille, même coupe de cheveux, est là, à quelques mètres, sac au dos, en jean. Elle est plongée dans ses pensées et ne remarque pas la stupeur de Pierre. Les autres passagers le voit, ne disent rien, détournent le regard. La jeune fille vient de monter dans la rame, elle ne se doute de rien. Durant les 45 minutes de trajet, Pierre la regarde à la dérobé, tandis que l'adolescente écoute tranquillement sa musique. Il aimerait tant lui demander son prénom. Et si c'était Jeanne ? Non, impossible. Un brusque coup de frein le réveille. La jeune fille passe devant lui, sourit en le voyant, sort sur le quai et disparaît. Mais Pierre s'est déridé. Elle s'appelle Layla, il l'a vu sur le collier qu'elle porte à son cou.
Les jours suivants, il la cherche du regard mais il ne la reverra plus jamais. Pourtant, malgré cette stupéfaction pour autant de ressemblance, sans le savoir, elle lui a redonné le goût de vivre. Un an après, il apprendra qu'elle est aussi décédée sur une voix de métro le jour où il l'a vu...
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Echos du chaos - Le chant des abîmes
PoetryDivers poèmes/nouvelles écrits au fil de mon imagination dans le RER D de Paris...