Deux frères, un destin, une seule et même fin...

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C'est une nuit d'hiver où tout dérapa. 


Dans la chambre parentale, il entend les disputes, les cris. Il en a trop entendu, trop vu, trop bien compris du haut des sa dizaine d'années. Son frère de deux ans son aîné est déjà parti, tout à l'heure, en montagne avec son chien. Il en a aussi eu assez... Alors le petit prend une décision : celle de partir, pour la nuit au moins. il ramasse quelques menues affaires telles son ourson, son pipeau, lève son chien Bipo et sort par la fenêtre. Atterrissant violemment la tête la première sur un rocher recouvert par la neige, il eut un petit gémissement qui eut effet de faire aboyer Bipo. Alertés par les jappements de l'animal, les parents de l'enfant se penchèrent à la fenêtre. Se voyant démasqué, l'enfant, brisé, secoué de sanglots, le sang dégoulinant de son front, sortit en courant de la propriété. Il courut, en sandalettes, vêtu d'un léger pantalon et d'une courte veste en laine, vers le pont qui séparait la montagne et le village. Sans se rendre compte du risque qu'il courait de traverser à fond la frêle passerelle, il fonça, les yeux aveuglés par les larmes. 100m de ponceau, et il sera de l'autre côté, irrattrapable. Le pont tanguait, vieux de 1890 et secoué par le vent. L'enfant, trempé par la neige abondante, courait à perdre haleine. Encore vingt mètres, encore quinze, plus que dix et arriva ce qui devait arrivé : la passerelle se décrocha. Hurlant de terreur, il s'accroche fermement à la mince corde... qui se détache et tombe dans la cascade du ravin. Atterrissant violemment dans l'eau glaciale, choqué, épuisé, sanguinolant, terrifié, l'enfant se laisse couler sur une planche, qu'il a attrapé lors de sa chute. Porté par le courant, il échoue trois cent mètres plus loin, sur les pierres, sur la neige. Avec le peu de force qu'il lui reste, il se traîne vers une cavité de la roche qu'il entre-aperçoit à travers ses yeux mi clos par le vent, la fatigue, et la faiblesse corporelle. Il y entra, et se coucha, sur un lot de branche d'arbre qui s'y trouvait. Avant de fermer les yeux pour toujours, il aperçut une étoile, la petite étoile du Berger, qui brille fort, très fort, comme pour l'appeler à la rejoindre, tout en haut, dans le ciel. Et il partit. En haut du ravin, les hommes et les femmes s'activent à rechercher l'enfant. Une avalanche a eu lieu, le pont est détruit, et sur le sommet de la montagne, la silhouette majestueuse d'un loup se détache. Au dessus de lui, une étoile brille aussi fort qu'elle peut. L'animal hurle, puis disparaît. 



Le même soir d'hiver, en pleine montagne, sous la chute des flocons et la lueur froide de la lune, un autre enfant solitaire pleure. C'est l'aîné, qui sent qu'il est arrivé malheur à son petit frère. Il ressent brusquement un grand vide dans son âme. La neige tombe silencieusement, enveloppant le monde d'un manteau blanc. Son chagrin est tant immense que même les flocons qui tombent doucement ne l'intéressent pas.

Un gros sanglot, écho douloureux, étreint le petit être, menaçant de l'étouffer dans sa tristesse. C'est alors qu'un murmure doux se fait entendre, porté par le vent glacé. Une voix lointaine, douce comme une berceuse, se mêle au tintement des flocons. Au lointain, des cloches sonnent.Peu à peu, la neige semble prendre vie, dansant autour de l'enfant comme des étoiles réconfortantes. Les flocons se déposent délicatement sur ses épaules, essuyant ses larmes avec une tendresse apaisante. La magie de l'hiver crée un cocon protecteur, transformant la douleur en une douce mélodie de consolation.


L'enfant relève doucement la tête, émerveillé par cette danse mystique. Les sanglots se transforment en souffles de joie, et dans ce moment de communion avec la nature, l'enfant découvre que même au cœur de la tristesse, la neige, les étoiles et le vent portent en eux une promesse de réconfort et d'espoir. La nuit d'hiver, jadis glaciale et sombre, s'illumine de la magie d'un amour réconfortant, et l'enfant, enveloppé par la douce caresse de la neige, se sent apaisé, prêt à affronter la nuit avec une nouvelle lueur dans les yeux. Se relevant, ramassant son sac et son courage, il s'en va continuer sa route longue et pénible pour finalement arriver à destination, ce même soir de février, sans plus aucune douleur ni chagrin. Destination éternelle, la mort dans la joie, au milieu de la paille du chalet.



Au village, tout le monde cherche les deux enfants, sans les retrouver... Seulement 6 jours après, un mystérieux inconnu déposera les deux corps au pied de l'église, bien conservés, pas abîmés. Tels quels... 

Echos du chaos - Le chant des abîmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant