Justine

Chapitre 33 - Partie 1/2

Axel s'est efforcé de ne pas penser à Héloïse, qu'il abandonne sans un adieu. Il savait que leur relation ne serait pas facile, mais jamais il n'aurait pu s'imaginer la voir se terminer ainsi.

Seulement, c'est la vie de Justine qui est en jeu. Et elle a toujours compté plus que quiconque.

« Est-ce qu'on va rester en France, au moins ?

– Je ne sais pas. Non, je ne crois pas. L'armée est impliquée, tu ne seras pas en sécurité tant que nous serons sur le territoire. »

Le calme de sa protégée rassure Axel. Une perte de contrôle dans la voiture serait catastrophique. Dans le rétroviseur, il constate que Bart n'est pas en grande forme et regrette de le mêler à tout ça. Si seulement l'infirmière n'avait pas vu son visage, il pourrait encore renoncer à les suivre dans cette folie...

La confusion règne en maîtresse dans l'esprit de Justine. Tout cela lui semble si irréel. C'est sa vie entière qu'elle vient de quitter avant même de pouvoir le réaliser. La voilà maintenant sur une autoroute, fuyant une menace avec laquelle elle a vécu jour après jour sans jamais en avoir eu conscience.

Pourtant, elle reste calme. Parce qu'Axel est avec elle et qu'elle a suffisamment confiance en lui pour croire qu'ils vont s'en sortir. Elle ne veut pas en douter. Surtout pas.

« Tu vas bien ? » lui demande-t-il, brisant le silence qui s'est établi entre eux depuis un long moment.

Elle hoche la tête.

« J'ai juste besoin d'aller aux toilettes.

– On fera une pause à la prochaine aire de repos. »

Axel a l'air si calme. Elle pourrait presque croire qu'ils partent simplement en vacances. Mais lorsqu'elle tourne la tête vers lui, elle voit bien qu'il contient toutes ses inquiétudes et sa colère pour ne pas l'effrayer ; corps tendu, mâchoire crispée, sourcils froncés. Bart s'efforce de lui sourire quand elle le regarde, mais son genou qui s'agite frénétiquement trahit son stress.

Enfin, ils s'arrêtent sur une aire d'autoroute. Justine n'a jamais aimé les toilettes publiques, mais elle ne sait pas combien de temps encore ils vont rouler ni même où ils vont dormir. Alors qu'elle se lave les mains avant de rejoindre Axel et Bart, l'ampoule au-dessus de sa tête se met à grésiller. L'adolescente ferme les yeux pour se forcer à se calmer. Inspirer. Expirer. Elle ne doit pas laisser l'angoisse s'insinuer en elle.

Les garçons l'attendent dans la supérette, parcourant le rayon des sandwichs.

« On a des chips et des gâteaux dans le coffre, précise son tuteur, mais si tu veux autre chose, prends ce qui te tente.

– Je n'ai pas très faim. Une boisson chaude, peut-être, pour prendre mon... »

Elle s'arrête en réalisant ce qu'elle allait dire. Il ne faut plus qu'elle prenne son médicament si elle veut se débarrasser de ses pouvoirs... Mais si elle s'en passe, une crise d'une grande violence l'attend d'ici quelques heures... Comme s'il avait lu dans ses pensées, Axel s'agenouille devant elle et saisit ses mains pour la rassurer.

« Il va falloir que tu arrêtes progressivement ton traitement, de manière à te sevrer. Nous n'avons plus beaucoup de comprimés, mais si je les coupe en deux, ça devrait aller. Seulement, il faut écarter les prises au maximum. Ce soir, tant que tu peux tenir sans perdre le contrôle, tu devras t'en passer. »

Justine hoche la tête puis son tuteur lui donne quelques pièces pour le distributeur. Elle commande un chocolat et regarde le gobelet en carton tomber de la machine et se remplir du liquide fumant. La première gorgée lui brûle la langue. La suivante la réchauffe un peu. Elle n'avait pas réalisé qu'elle avait si froid. Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle grelottait.