Chapitre 36 - Partie 2/2

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Axel a vu juste, ce garçon a le même passé que Justine. Est-ce lui, le plus grand, la tête brûlée dont lui parlait Robert ?

« C'est ce que je pensais moi aussi, murmure-t-il malgré la menace du poing tendu. Je croyais qu'ils avaient sauvé Justine. Mais ils ont continué les expériences en prétextant essayer de la soigner. Ils te mentent sans doute comme ils lui ont menti. »

Axel attend le coup. Prêt à supporter la douleur. Mais l'autre reste immobile. Axel se demande un instant si, comme tout ce qui l'environne, il s'est figé, mais la grimace de colère qu'il affichait disparaît. Les doigts crispés sur le col de sa chemise la seconde d'avant se desserrent. Axel a soudain l'impression que le garçon est sur le point de changer d'avis. De lui accorder du crédit. Pourquoi ?

« Répète, ordonne le jeune homme. Comment elle s'appelle, la gamine ? Répète.

Elle s'appelle Justine.

Montre-la-moi. Montre-moi son visage. Amène-moi dans un de tes souvenirs où elle est présente.

Je... j'ignore comment faire.

On est dans ta tête. Qu'est faite bizarrement par rapport aux autres que j'ai déjà visitées, j'avoue, mais ça doit pas être plus difficile que pour un type lambda. T'as juste à y penser. »

Le jeune se relève et tend la main à Axel, qui l'accepte et se redresse en recherchant un autre souvenir. Première image qui le frappe, son sourire le soir du réveillon de Noël, quand elle lui a fait découvrir sa robe... Il s'y accroche alors que les contours de la forêt deviennent flous.

Il se retrouve dans leur maison. Justine, statue de cire devant la porte de la salle de bain, son sourire timide, ses bras croisés sur son ventre, encore gênée par cette tenue inhabituelle... L'inconnu s'approche d'elle. Par réflexe, Axel le retient par l'épaule.

« Tout doux, le pitbull. Je vais pas lui faire de mal. »

Axel retire sa main. Avec défiance, il laisse l'autre caresser le visage de la Justine de son souvenir.

« Son nom de famille... C'est quoi, son nom de famille ?

La SPC l'a renommée Justine Martin, mais elle est née Justine Dubois.

Est-ce que c'est possible ? »

Axel a la sensation que cette question ne lui est pas destinée. Il pense comprendre que ce garçon étrange se souvient de Justine. Mais de ce qu'il sait, il n'y a qu'une personne à qui elle a pu confier son nom, alors qu'elle était captive. Le jour où ils sont retournés sur les lieux de son sombre passé, elle lui a dit qu'il s'appelait Sándor, mais également qu'il était mort.

« Qui es-tu ? tente-t-il. Est-ce que tu as connu Justine ?

T'as l'air doué pour plonger dans tes souvenirs. Ramène-moi plus loin. Ramène-moi à elle, enfant.

Pourquoi ?

Fais-le ! »

L'inconnu s'est retourné vers Axel, plein d'une colère à peine contenue. Il vaut mieux le satisfaire. Gagner sa confiance. Il cherche un souvenir ancien et heureux. Voilà. Justine, agenouillée devant la table du salon, qui sourit en lui montrant les lettres qu'elle a tracées avec application.

« Elle était avec moi depuis presque un an. Ses cheveux commençaient à bien repousser. Elle était encore chétive, picorant plus qu'elle ne mangeait, mais je n'avais déjà plus l'impression que je risquais de la briser en la prenant dans mes bras. Est-ce que tu la reconnais ? Ou bien faut-il que je t'emmène encore plus loin ? »

Il n'attend pas la réponse pour remonter aussi loin qu'il le peut. Jusqu'à la nuit où il l'a découverte, recroquevillée dans sa cellule.

Il se tient sur le seuil et la petite Justine le regarde avec inquiétude. La revoir ainsi, si affaiblie par les mauvais traitements, c'est une vision dont il se passerait bien, mais elle lui revient souvent en mémoire. Avec tout ce qu'il sait maintenant, il voudrait pouvoir réellement retourner à ce moment. Changer tout ce futur.

Le garçon le bouscule pour entrer dans la pièce. Il se laisse tomber à genoux près du lit, les yeux rivés sur le visage de Justine.

« Alors c'est vraiment elle, murmure-t-il. C'est bien elle.

C'est elle. Et je n'ai jamais rien voulu d'autre que son bien. »

Quand le garçon se relève, ses larmes n'échappent pas à Axel.

« C'est ce que tu dis. Mais j'ai aucune preuve que tu me mens pas. Que t'as pas fini par l'enlever comme le big boss a dit. »

Axel le sent : il lui suffirait d'un faux pas pour perdre cette lutte. Mais ce garçon, malgré son agressivité, n'a pas l'air de quelqu'un de mauvais. Comment persuader un inconnu que le menteur n'est pas celui qu'il croit ?

« Je n'ai aucun moyen de te convaincre, avoue-t-il. Mais toi, tu n'en as aucun pour me faire parler. Tu peux frapper autant que tu voudras. Tu peux même me tuer. Je ne trahirai pas la confiance que Justine a placée en moi. »

Contre les manipulations de son beau-père, il n'a plus que l'honnêteté. Si celle-ci doit lui coûter la vie, il ne peut qu'espérer que Bart pourra mettre sa protégée à l'abri. Qu'ils échapperont à ce garçon capable de s'introduire dans les esprits endormis, qui, de plus en plus, a l'air d'un gosse totalement perdu. Et qui, d'un coup, disparaît.

Axel se retrouve seul. Seul dans un vide angoissant : le lieu de son souvenir s'est évaporé, il n'y a plus autour de lui qu'un noir sans aucune nuance, un noir sans lumière, sans reflets, et pourtant son corps lui apparaît comme en pleine journée. Désorienté, incapable de discerner ne serait-ce qu'un sol, une limite, il sent la panique gonfler en lui.

« Hé ! hurle-t-il. À quoi joues-tu ? »

Mais l'autre ne lui répond pas. Il doit rester calme. Trouver un moyen de se réveiller ou attendre que quelqu'un s'en charge pour lui. Alors, il s'installe en position du lotus et ferme les yeux.

« Je suis de retour, maître Yogi. »

Axel rouvre les yeux. Dans l'environnement toujours noir, le jeune homme lui fait à nouveau face avec son sourire insolent. Il lui tend la main et Axel s'en saisit pour se relever.

« J'avais besoin de vérifier tout ça, se justifie le garçon. Dans un cerveau plus malléable que le tien. Celui du doc a été parfait. Ce salopard s'est bien foutu de nous, toutes ces années, t'as pas menti. Alors je vais t'aider, mais tu vas nous aider mes amis et moi en échange. Il est hors de question qu'on reste là et qu'on continue de se faire manipuler par nos prétendus bienfaiteurs.

Tes amis ?

Je vais pas pouvoir sortir tout le monde de là, mais j'abandonnerai pas Chat et Poisson. Et leurs pouvoirs nous seront très utiles. Tu verras. Je suis prêt à te faire confiance. Est-ce que tu m'accorderas la tienne en échange ? »

Il tend la main à Axel qui, après un instant d'hésitation, accepte de la serrer.

« Au fait, je m'appelle Sándor. »

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Il s'appelle donc Sándor

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Il s'appelle donc Sándor... C'est un prénom qui vous parle ?

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