Chapitre 9 - Partie 3/4

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Justine pose son sac trop lourd à terre et tente de contrôler son souffle et de se concentrer sur la serrure ; le déverrouillage est un exercice que le docteur Lefort lui a déjà fait pratiquer, mais qui demande plus de concentration que ce qu'elle peut fournir ce soir ; faire disparaître l'ensemble du mécanisme est plus simple. Justine n'a plus qu'à pousser la grille pour entrer. Sa tête lui fait mal. Son estomac se comprime. Elle continue d'avancer et sort son téléphone de son pantalon. Prise de vertiges, elle s'arrête. Tout va trop vite...

Appuyée contre un tronc pour garder l'équilibre, elle regarde, impuissante, les buissons et les branches des arbres s'agiter sous une tempête dont elle est la source. Elle est pliée en deux par la souffrance et son ventre rejette ce qu'elle a grignoté dans la soirée, brûlant sa gorge, l'affaiblissant un peu plus. Elle se redresse, fait encore quelques pas avant de tomber à genoux dans l'herbe, la main crispée sur son téléphone. Chacun de ses muscles est douloureux, elle ne contrôle plus rien, pas même sa respiration hachée, pas plus que ses jambes qui refusent de la porter. La branche qui passe tout près d'elle et arrache une moitié de buisson lui tire un cri de terreur ; elle se roule en boule et, mains tremblantes, appelle Axel ; une sonnerie à peine et il décroche.

« Justine ? »

Tout à sa panique, elle remarque à peine l'inquiétude extrême dans sa voix.

« Je suis dans le parc, souffle-t-elle. Je contrôle plus rien...

J'arrive. »

Elle lâche son téléphone et croise les bras contre son ventre pour essayer de contenir la douleur. Elle ne peut plus qu'attendre.

« Justine ? »

La voix de Vincent fait monter sa frayeur d'un cran. Tant bien que mal, elle redresse la tête pour l'apercevoir à travers le brouillard de ses larmes : il est à quelques mètres d'elle à peine, le sac qu'elle a oublié près du portail à la main. Immobile et livide.

Elle essaie de lui dire de reculer. De s'en aller. C'est trop dangereux. Mais la douleur dans son crâne lui coupe le souffle. Lui vole la voix.


Axel raccroche ; il espérait pouvoir échapper à ce scénario mais, prêt à toute éventualité, il avait déjà préparé un sac avec une bouteille d'eau et le médicament de Justine. L'esprit en alerte, il le saisit puis se précipite dans le garage sans prendre le temps de mettre une veste ; dans un tiroir de son établi, il récupère une lampe frontale qu'il glisse dans le sac avant de monter en voiture. La route s'avère peu fréquentée et il lui faut moins de cinq minutes pour arriver au parc. Le portail est fermé, Justine a dû emprunter l'autre entrée ou créer son propre passage, mais Axel ne perd pas de temps à vérifier ; il prend son élan et saute pour se hisser au-dessus des grilles à la force des bras. Il s'équipe de la lampe frontale et avance, aux aguets, à l'écoute de bruits inhabituels pour repérer sa protégée ; rapidement, des craquements lui parviennent, et la pierre qui passe devant ses yeux lui confirme qu'il a pris la bonne direction. Il l'aperçoit enfin, recroquevillée au milieu de sa tempête, agitée par les tremblements de son corps et les sanglots qu'il devine... Mais elle n'est pas seule : un peu plus loin, Vincent est statufié, les yeux arrondis par la peur.

Un problème à la fois.

L'adolescent est trop proche de Justine pour être à l'abri de ses pouvoirs ; Axel contourne au mieux la zone la plus dangereuse pour le rejoindre et, d'une main ferme, il l'attire en arrière. Le garçon trébuche sans résistance, et Axel le pousse à s'asseoir entre deux arbres presque épargnés par le tumulte.

« Tu es blessé ? »

Vincent secoue la tête, son regard perdu posé sur Axel.

« Bien. Tête entre les genoux, mains au-dessus, et tu ne bouges pas. »

Axel n'a pas le temps de s'assurer que Vincent suit ses consignes ; il a déjà perdu un temps précieux à cause de lui. Protégeant son visage de ses bras, il marche en direction de Justine aussi vite que les objets qui volent autour de lui le lui permettent. Une bourrasque le déstabilise un instant, et il évite de justesse une roche en se baissant. Quelque chose le frappe à l'arrière du crâne et il bascule à genoux juste à côté de l'adolescente. Ignorant la douleur, il récupère dans son sac la bouteille et le médicament.

« Justine, je suis là, ça va aller. Tu peux t'asseoir ? C'est bien. Voilà ton comprimé. Bois. Essaie de te calmer. Inspire. Lentement. Vide tes poumons. C'est bien. Reste concentrée sur ta respiration. »

Il la serre contre lui, tentant de faire rempart contre les objets qui volent autour d'eux, résistant à l'envie de la porter pour l'éloigner des arbres qu'elle martyrise. Justine cale sa respiration sur la sienne, comme il le lui a appris ; petit à petit, les corps en mouvement deviennent moins nombreux et perdent de leur vigueur. La crise passe.

Lorsque tout est enfin calme, qu'il n'y a plus d'autres bruits que leur respiration synchrone et le faible souffle du vent, Axel prend la jeune fille dans ses bras et se relève tant bien que mal.

« Vincent, souffle-t-elle d'une voix rauque. Il a vu.

– Je sais. Ne t'en fais pas. »

Il fait signe au garçon, qui a commencé à se redresser sur des jambes tremblantes, et lui ordonne de les suivre. Une fois à la voiture, il aide Justine à s'asseoir sur le siège passager et fait monter Vincent à l'arrière. D'une main, il vérifie discrètement sa blessure avant de monter à son tour ; douloureuse mais sans doute superficielle, puisque le sang s'est déjà arrêté de couler. En s'installant derrière le volant, il enclenche le chauffage et jette un œil à l'adolescente. Une part de lui a envie de lui hurler que son inconscience aurait pu la tuer. L'autre est simplement soulagée de la voir saine et sauve.

« C'était quoi ? lâche enfin Vincent d'une voix blanche.

– On en parlera une fois rentrés. »

Il fait de son mieux pour contrôler sa voix mais Justine, sans doute alertée par son ton trop froid, tourne la tête vers lui ; elle ne peut que remarquer ses mains serrées sur le volant, son visage fermé.

« Vas-y, souffle-t-elle. Engueule-moi. Je l'ai mérité. Et je suis trop vidée pour faire exploser des trucs par accident, profites-en. »

Axel soupire et démarre. Il n'est pas sûr que crier l'aidera à se sentir mieux. Et Justine a eu sa dose d'émotions aujourd'hui.

« Ce n'est ni le lieu ni le moment, répond-il en indiquant Vincent d'un signe de tête. Mais nous en reparlerons. »

Et voilà, Justine vient de trahir son secret bien malgré elle ! Maintenant que Vincent sait, que va-t-il se passer, à votre avis ?

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Et voilà, Justine vient de trahir son secret bien malgré elle ! Maintenant que Vincent sait, que va-t-il se passer, à votre avis ?

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