CHAPITRE 8

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[James]

- Si nous n'intervenons pas James, personne ne le fera.

Les derniers mots de Daria me coupent le souffle. Je crains la suite. J'ai l'impression d'être spectateur de la situation et de plonger tête la première dans un précipice. Malheureusement, personne ne se trouve en contre bas afin de me rattraper. Face à la peur et l'incompréhension naissante visibles sur mon visage, Daria plonge son regard dans le miens et affiche un léger sourire qui se veut rassurant.

Après quelques minutes, elle décide de rapprocher sa chaise, de manière à saisir l'une de mes mains.

- John et moi avons beaucoup parlé de vous. Nous voulons à tout prix vous aider, Lou et toi. Vous faites partie de cette grande famille. Dit-elle les yeux larmoyants.

Elle se reprend rapidement en fermant les paupières, puis affiche un air plus sérieux, plus grave.

- Pour tous nous en sortir, il faut avant tout se faire confiance. C'est pour ça que ton oncle et moi avons pris la décision de t'avouer beaucoup de choses.

Ma gorge se fait de plus en plus sèche à mesure que cette conversation se poursuit.

- Lesquelles Daria ?

- John, ta mère et moi avons commencé toute cette aventure ensemble. Tout a commencé après ce soir là ...

Son regard se perd dans la pièce, elle est ailleurs, elle se remémore un souvenir.

[Flashback]

13 décembre 1982. 

[Rose]

20 ans, enfin. Je les ai attendu ! Pour moi avoir 20 ans c'est comme atteindre enfin le sommet de la montagne que j'ai passé mon adolescence à escalader difficilement. Placée de foyer en foyer, j'ai essayé de m'en sortir comme je le pouvais. Malgré tout, mon point d'ancrage se résume à deux personnes : John et Daria. Deux personnes perdues comme moi. Nous nous sommes rencontrés le 2 avril 1976 lorsque je suis arrivée à l'orphelinat de Primose. Je n'avais que 5 ans, je ne comprenais pas trop ce qu'il m'arrivait. Ce jour-là, on m'a emmenée dans une chambre dans laquelle se trouvait une petite fille aux couettes brunes, Daria. Jamais plus nous nous sommes quittées. Quant à John, il avait grandit dans l'établissement, tout comme ma voisine de chambre. Chacun était arrivé alors qu'ils n'avaient que 1 et 2 ans. La chance dont avait bénéficié John a l'époque était qu'il avait été accompagné de son frère, Georges.

Ce soir, John et Daria viennent me retrouver devant chez moi, enfin du moins chez la dernière famille d'accueil avec laquelle j'ai pu rester plusieurs mois. J'ai hâte de partir, de gagner mon propre argent. Cette famille a été gentille  avec moi je ne peux pas le nier, mais je ressens le besoin d'être seule, de tracer mon propre chemin.
Je regarde ma montre avec empressement, 19h55, plus que 5min avec que mes deux acolytes n'arrivent. Je souris à l'idée de les revoir, cela fait deux semaines que nous ne nous étions pas vus. John était partie avec son frère Georges à la montagne et Daria avait commencé un petit job pendant les vacances scolaires dans un restaurant du coin. À présent, chacun de nous avions des familles avec lesquelles cela semblait bien se passer.

Ma rêverie et ma joie sont interrompues subitement par un énorme crissement de pneu au bout de ma rue. Mon cœur se met à battre la chamade et je m'élance à grandes enjambées. « Pitié faites qu'il ne soit rien arrivé à Daria et John. »

Au bout de quelques minutes, mon souffle se fait plus court, je ne suis pas une grande amatrice d'endurance. Malgré l'adrénaline qui pulse dans mes veines, je ralentis quelque peu pour remplacer ma course par une marche rapide. Après quelques mètres, je perçois enfin quelques silhouettes et un soupir de soulagement s'échappe de ma bouche lorsque je remarque que ni John ni Daria ne se trouvent sur place. Je commence à rebrousser chemin lorsque des voix menaçantes me parviennent. Curieuse, je m'avance et me cache derrière un énorme tronc d'arbre pour assister de plus près à la scène qui se joue sous mes yeux. Trois motards barre la route à un grand fourgon noire. 

- Tu ne passeras pas, c'est notre territoire, tires-toi de là ! Crie l'un des motards à l'intention du chauffeur. 

Fixant scrupuleusement la scène, je m'aperçois que de grandes traces de pneus figurent sur la route, signe du freinage forcé et urgent du fourgon. Le bruit assourdissant d'un claquement de porte attire de nouveau mon attention sur l'altercation. Le conducteur est à présent en dehors du véhicule et semble sur le point de bondir furieusement sur les trois hommes face à lui. Sa carrure est imposante, ses traits sont durs et accentués par l'âge, tandis qu'une cicatrice recouvre l'entièreté du côté droit de son visage. Il porte une veste en cuire sans manche et ses bras sont noircis par de nombreux tatouages, plus terrifiants les uns que les autres. La prestance qui émane de cet homme me glace le sang. 

- Barrez-vous. Dit-il simplement avec les poings serrés. 

Un rire tout sauf ironique me provoquent de nombreux frissons. L'un des motards, toujours dos à moi semble trouver la situation comique, ou plutôt ne se laisse pas impressionner par le quarantenaire. 

- Tu sais très bien que ces terres ne sont pas les tiennes Alessio. Toi et ton gang menez des activités beaucoup trop proches des nôtres. Tu n'es pas sans le savoir en t'aventurant ici. 

"Attendez. Pause. Toi et ton gang ??" 

Ma gorge devient sèche et je peine à déglutir. Dans quelle galère est-ce que je me suis encore fourrée...

Je colle furieusement mon dos au tronc d'arbre et ferme les yeux afin de calmer les battements beaucoup trop rapides de mon coeur. Rien n'y fait. Malgré tout, ma curiosité prend le dessus et je faufile de nouveau ma tête sur le côté de l'arbre pour continuer d'assister au "spectacle" qui je le sens, promet d'être brutal.







James. TOME 2. [Douleurs passées.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant