Jamais la villa ne lui avait paru aussi grande et aussi vide.
Jimin se laissa tomber sur le canapé du salon et appuya sa nuque contre les coussins d'un mouvement las. Son regard parcourut la pièce noyée de soleil, s'arrêta malgré lui sur le piano à queue. Les visages rieurs de Jungkook et de Sergio Giulini flottèrent un instant devant ses yeux puis s'effacèrent. Les traits du jeune pilote italien lui parvenaient dans une sorte de brume lointaine. Deux mois déjà qu'il n'était plus qu'un corps sans vie. Lorsqu'il pensait à lui, il revoyait seulement le petit cimetière italien où on l'avait enterré, son cercueil recouvert de fleurs et les larmes de Suzanna.
Il chassa ces pensées morbides d'un mouvement de tête impatient. Là haut, Jungkook procédait à sa rééducation quotidienne. Enfermé dans la chambre d'amis reconvertie en gymnase, il faisait travailler sans relâche les muscles de son bras et de sa jambe. Jusqu'à l'épuisement. Trop fier pour s'avouer vaincu, trop orgueilleux pour trahir sa souffrance devant lui. Il l'excluait de sa guérison comme il l'excluait de son chagrin.
Jimin refoula farouchement les larmes qui lui montaient aux yeux. Il avait su en venant ici que ce serait dur, mais il n'avait pas mesuré à quel point. La villa était luxueuse, mais elle n'avait pas été conçue pour accueillir un blessé. Trop d'escaliers à descendre et à monter, trop de distances à parcourir. De jour en jour, Jungkook s'était heurté à des obstacles ridicules qui le mettaient en fureur. L'incapacité qu'il avait de se servir de son bras et de sa jambe entravait ses moindres gestes, et le rendait dépendant de lui pour les actes les plus banals. Enfiler un vêtement, couper un morceau de viande, se rendre chez le médecin... Il était obligé d'avoir recours à lui à chaque instant de la journée, et cette dépendance humiliante lui inspirait parfois des paroles d'une cruauté inouïe. Comme le jour où il l'avait trouvé affalé en bas de l'escalier, le visage tordu par la souffrance...
Il s'était élancé pour l'aider à se relever et sa riposte haletante l'avait cloué sur place :
_ Ça te plaît, hein, de m'avoir complètement à ta merci ? Un pauvre infirme qui ne peut même pas monter un escalier sans se casser la figure ! Tu savoures ta revanche ?
C'était tellement monstrueux qu'il en était resté sans voix. Puis il avait tourné les talons, il était monté dans sa voiture et il avait roulé droit devant lui en songeant que cette fois, c'était fini et qu'il ne reviendrait pas.
Il faisait nuit depuis longtemps quand il s'était retrouvé malgré lui devant la villa, le cœur lourd et les yeux secs. Jungkook l'attendait, avec une telle expression angoissée sur son beau visage pâli qu'il avait tout oublié pour se jeter dans ses bras. Heureusement, il leur restait ça, avait-il songé en s'enflammant sous ses baisers.
Oui, heureusement, il leur restait ça... Le regard rêveur, il caressa Chicane qui venait de sauter d'un bond souple sur ses genoux. Il vivait à tâtons, avec la sensation d'avancer sur une corde raide. Derrière lui, la peur des jours anciens, le tumulte des médias, la foule qui scandait le nom de Jungkook. Devant lui, la lente guérison de Jungkook, ses espoirs, ses rechutes. Étape par étape, il retrouvait peu à peu la mobilité de son bras et de sa jambe. Il connaissait le prix de sa victoire. Il savait que tôt ou tard, il lui échapperait pour poursuivre son rêve insensé. Il savait que seule la volonté de piloter à nouveau mobilisait toute son énergie, conditionnait tous ses efforts, même s'il n'en parlait jamais devant lui. Mais il ne voulait pas regarder si loin. Pour l'instant, il se contentait d'avancer sur le fil tendu devant lui. Un pied après l'autre. Et de savourer le répit inespéré qui lui était accordé.
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Faux départ - JIKOOK
FanficComment aimer un homme qui a fait profession de risquer sa vie ? Comment rêver de bonheur, comment rêver d'avenir quand il pourrait mourir demain ? Depuis qu'il a rencontré Jeon Jungkook, Jimin ne vit plus. Pourtant ils et elles sont nombreux, ceux...