Son portrait de noir et de blanc

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Une sonnerie criarde siffle dans l'ensemble de l'enceintre scolaire en même temps qu'une flopée d'étudiants quittent ses différents bâtiments. Pourtant, cinq minutes plus tard, il est toujours là, à jeter ses cahiers, sa trousse et même son maigre paquet de mouchoirs, sur son bureau, il fouille au plus profond de son sac dans une plainte pleine de désespoir.

Il n'est pas là. Il a regardé entre les pages de ses cahiers, entre ses stylos, il a soulevé, reposé, plus levé de nouveau son paquet de mouchoirs, comme à la recherche d'un objet invisible. C'est inutile et surtout ridicule mais c'est plus fort que lui, il doit quand même vérifier si ce n'est pas son cerveau qui lui joue un drôle de tour.

La salle et son sac sont parfaitement vide et son carnet de croquis est porté disparu. Un grand carnet aux couvertures bleues ciel, on pourrait le distinguer même à travers un mur alors pourquoi il ne le voit pas ?

Des films plus ou moins probables s'enroulent dans son esprit, et si son carnet s'était tout bonnement téléporté jusqu'à sa chambre ? Ce serait une bonne chose qu'il devienne autonome, qu'il fasse la route tout seul, un chouette scénario difficilement réalisable.

Bien moins réjouissante, l'idée que cet insupportable d'Hoseok l'ai trouvé, qu'il puisse en rire avec ses copains, la bouche grande ouverte, lui donne des sueurs froides. Il subirait ses railleries jusqu'à la fin de ses études, c'est certain.

Le plus réaliste est sans doute la possibilité que le cahier soit rangé avec les autres dans son casier, et ce, même s'il ne se souvient pas s'y être arrêté après y avoir griffonné un portrait ou deux dans la cour. Peut-être un syndrome précoce de la maladie d'Alzheimer ?

Décidé à mettre un terme à ses angoisses, il enfonce ses affaires dans son sac et court dans les couloirs, peu importe que l'on entende que lui à l'étage du bâtiment. Il saute dans les escaliers mais trébuche sur son pied dans un cri et s'effondre dans les bras d'un petit blond, un bon mètre plus bas.

-"Heureux de constater que tu sens coupable pour ton retard mais le suicide c'est un peu exagéré comme solution.

-"Tu es plus costaud que je ne l'aurais cru. Tu viens de sauver une vie. Mon héros ! Aïe !"

-"Encore un commentaire sur ma taille et il atterrit sur ton joli minois."

-"Mais je n'ai rien dit ! C'est toi qui en fait une fixette." Son sourire lui vaut à nouveau coup dans l'épaule et ils ricanent tous les deux, lui faisant presque oublier son carnet. Presque.

-"Je peux te rejoindre ? J'ai oublié un truc dans mon casier."

-"Je prends la table près de la fenêtre si elle est libre."

-"Ok !"

Le claquement de leurs mains résonne encore lorsqu'ils se séparent, écho d'une intime amitié.

D'une glissade contrôlée, il se cogne contre son casier qu'il déverrouille en un tour de clé puis il jette presque son bazar sur le carrelage. Mais il n'y a rien. Il regarde de nouveau, attrape la feuille vierge froissée et la soulève bien haut dans l'espoir d'y trouver son carnet de croquis. On ne sait jamais.

Plus attristé que fâché, il pose sa tête contre le métal, ferme les yeux et laisse sa respiration se calmer avant de ranger le désordre qu'il a mit. Ses pieds traînent sur le sol; peut-être est-ce mieux ainsi, de toute façon c'est stupide de continuer à la dessiner, une page après l'autre, son image tracée de noir dans des courbes maîtrisées.

Il pousse la porte, la chaleur picore ses joues et il essuie son nez rouge du bout de sa manche en reniflant. La bibliothèque, bien que calme, est peuplée d'adolescents, la tête penchée sur leur table, ils travaillent seuls ou en groupe, Jimin en fait partie, près de la fenêtre, comme convenu. Son sac s'écrase en même temps que lui sur la chaise d'en face et son soupir démesurément long amuse son ami.

Le Carnet Bleu CielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant