Souvenirs d'hiver

24 janvier 2012

Ce soir on va chez Quentin. Notre frère a seulement 2 ans de moins que nous, et il nous dépasse depuis bien longtemps d'au moins 2 têtes, bon à vrai dire du haut de nos un mètres soixante c'est pas très difficile.

Quentin vient d'emménager avec sa copine dans un petit appartement, c'est dingue de me dire ça, mais ils sont plus avancés dans la vie que ma sœur qui est encore chez nos parents et moi qui suis en internat.

Je suis admirative de la manière dont ils ont tout aménagé. En même temps, comme Lilia est en formation pour devenir décoratrice d'intérieur ce n'est pas très étonnant, elle a seulement 19 ans et elle est juste extrêmement douée. Elle a réussi à aménager une seule pièce en salon-cuisine et on n'est absolument pas oppressés par le nombres de meubles présents dans la pièce. En plus de cela, les murs peints d'une couleur vert sauge donnent à la pièce une dimension "cozy".

Ce soir mon frère nous a fait son fameux chili con carne, c'est notre plat préféré à tout les trois, et il le fait juste super bien, y a pas meilleur que le sien en vérité. C'est pas pour rien qu'il est déjà second dans un restaurant alors qu'il sort à peine du lycée.

" - À Noé et Éo qui ont maintenant la vingtaine ! Dit mon frère, nous portant un toast pendant que nous trinquons.
- On a toujours deux ans de plus que toi, ni plus ni moins tu sais Tintin, répond ma sœur, en l'appelant par son surnom -qu'il déteste.
- C'est pas faux, mais en revanche il y a quelque chose que je ne vous ai pas dit...
- Quentin, pas maintenant s'il te plaît. Demande Lilia qui se raidit. Mais c'est trop tard, la curiosité de ma sœur l'emporte sur toutes demandes.
- Attendez, qu'est ce que vous nous cachez tout les deux ??
- Euuhh... On vous dira en temps voulu, tente mon frère sous le supplice que représente un interrogatoire de ma jumelle.
- S'il vous plaît !!! Implore Éoliane avec sa voix qui monte dans les aigus. Je veux sav...
- Éo, ils nous diront en temps voulu, quand il seront prêts, je coupe ma sœur en essayant de calmer la discussion, devinant au fond de moi de quoi il s'agit -un marriage maybe ?."

Si ma sœur et moi nous ressemblons comme deux gouttes d'eau physiquement, on ne fonctionne pas du tout de la même manière et avons des caractères complètement opposés. Ma sœur est curieuse, tête brûlée mais très organisée, tandis que je suis calme, timide, discrète, mais très tête en l'air alors que je réfléchis tout le temps, j'ai un don pour oublier tout je crois -ce qui n'a aucun sens sachant que je pense justement à tout, mais passons-.

La discussion se poursuit sur un tout autre sujet : les projets de vacances. Lilia fini par apporter le dessert, une pavlova, on se connait depuis 2 ans seulement, mais c'est comme si on s'était connues toute notre vie, on est presque comme des sœurs et Lilia connait nos goûts par cœur. Bref, en tant qu'amatrices de pavlova, surtout celles aux fraises, on n'en a pas laissé une miette, bien aidées tout de même par la belle rousse et par l'estomac sur pattes qu'est mon frère. Tout le monde discute de bon cœur et on profite de ce moment à 4 pour se raconter mutuellement des anecdotes sur nos enfances plus ou moins houleuses.

Bip-bip-bip-bip-bip, mon téléphone sonne, c'est ma grand-mère. J'ai un mauvais pressentiment tout à coup. Je m'excuse, je m'isole et je décroche :

" - Mamie ? Allo ?
- ... Noé, ton grand père... il a été admit en réa, il ont réussi à stabiliser son état, mais je suis inquiète...ils me proposent de lui faire suivre un traitement expérimental, qui peut commencer dans 25 jours -si il tient jusque là-, mais je n'ai pas les moyens, ça coûte presque 10 000 euros, et il me manque 1300 euros. Ta sœur et toi, est ce que vous seriez prêtes à me faire un prêt ?

- Attends quoi ? Mamie ? Papi va bien ? Je pose toutes ces questions même si j'ai déjà la réponse, je cours au salon -sans oublier de me prendre le mur dans la précipitation. Je me frotte la tête et interpelle Éo :
- C'est Mamie, ils ont besoin de 1300 euros pour traiter Papi, est ce que on a assez ?
- Noé, t'es toujours là ? Questionne la voix au téléphone
- Oui, trente secondes, je vois avec Éo.
- 1300 !?! C'est la moitié de ce que j'ai réussi à amasser pour le tour du monde depuis 1 an, mais si ça peut sauver Papi, je donne volontiers.
- J'ai aussi mes économies de mes petits jobs, je donne 800 Éo.
- Et nous on donne 300 ! renchérissent mon frère et Lilia, un sourire peiné sur leurs lèvres.
- Merci de m'épargner comme ça, surtout que je sais ce que ça vous coûte, mais laissez moi payer 600, débrouillez vous pour répartir le reste, mais je ne paye pas moins. Répond, les larmes aux yeux, ma jumelle, autant chamboulée que moi par la situation.

Je reprends le téléphone
- Mamie, t'es toujours là ?? C'est bon on a l'argent, je te fais un virement demain.
- Ohhh les filles -et Quentin si j'ai bien entendu-, merci beaucoup, merci du fond du cœur, j'espère que ça marchera, désolée de vous demander ça, je vous rembourserai tout le plus rapidement possible.
- Mamie... c'est normal... je sais que nos parents ont donné aussi, et que vous auriez fait la même chose pour nous. Il faut se serrer les coudes, Papi va s'en sortir !"
Dis-je en finissant ma phrase d'une voix teintée de peur et de désespoir avant de dire au revoir à ma grand mère, de m'effondrer dans un fauteuil et d'éclater en sanglots.

Ma sœur me prend dans ses bras, et c'est sous le choc que nous quittons l'appartement de mon frère, en s'excusant des dizaines de fois de la situation. Le pire dans l'histoire c'est que mon frère sera le plus impacté si ça tourne mal, il est le plus proche de Papi, je suis inquiète pour lui. Mais là, je n'ai pas d'autre choix que de croire en notre bonne étoile et de croiser les doigts.

Notre grand père décède 2 semaines plus tard, juste avant le début de son traitement. Je me sens vide et brisée, vous savez, cette impression que la vie n'a plus de couleurs, que tout ce qu'on entreprend ne mène à rien, plus rien n'a de sens. Je pleure entre les cours toutes les larmes que mon corps est capable de produire, j'ai l'impression d'être un fantôme, enfermé dans une cage. Mais ce n'est que le début de la tragédie qui va dès lors toucher ma vie.