Chapitre 3

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C'était la première fois que j'allais passer autant de temps avec toi. Une semaine tout au plus. Tu habitais dans le Nord et moi dans l'Ouest. Nous avions plus de six heures et demi de route et près de six cent trente kilomètres de distance.

J'ai pris le train un mardi d'automne dans l'après-midi pour arriver chez toi le soir. Tout le trajet s'était déroulé à merveille, j'avais passé mon temps à regarder le paysage, les formes des nuages, les passants sur les bords des quais que nous voyions défiler par la fenêtre et à lire Le Rouge et le Noir de Stendhal et Le Malade imaginaire de Molière. 

Je me souviens de ce voyage comme si c'était hier. Cette sensation de partir à la découverte d'un endroit inconnu me rendait tellement heureuse comme si je n'allais jamais en revenir. 

J'ai peiné à sortir ma valise lors de l'arrêt de train et, quand je suis descendue sur le quai, je suis restée plantée là quelques minutes avant de me rendre compte qu'il fallait que je prenne les escalators. J'étais toute seule, le train devant moi, on se serait cru dans une bouche de métro un peu glauque. En sortant, ils s'étaient tous rués dans l'ascenseur et dans les escaliers sauf moi qui attendait qu'on vienne me chercher comme une conne. C'est là que tu m'as appelée, j'étais soulagée. J'ai perçu ton rire dans le téléphone quand je t'ai dit que j'étais restée à attendre sur le quai. Là, j'ai atterri sur le parquet de la gare et j'avais l'impression de ne jamais pouvoir te trouver, chaque minute était interminable. La gare était vraiment immense et je me suis perdue dans tes indications mais tu essayais tant bien que mal de me guider au téléphone. Ta voix me rassurait parce qu'il n'y avait quasiment personne ce jour-là, c'était tellement désert que presque tous les bancs du halle étaient vide. 

C'était la première fois que je prenais le train toute seule, et surtout pour aller aussi loin, je ne connaissais rien ici. Je me suis retrouvée à l'extérieur de la gare, il faisait déjà nuit et je commençais à avoir vraiment peur. 

"Le vent dans tes cheveux défaits

Comme un printemps sur mon trajet

Où es tu en ce moment?

Que fais-tu maintenant?

Quoique tu fasses

L'Amour est partout où tu regardes

Dans les moindres recoins de l'espace

Dans le moindre rêve où tu t'attardes

Regarde le ciel 

Une étoile prétend qu'elle te connait

Elle est si étincelante c'est surement vrai". 

Mais il n'y avait pas d'étoiles ce soir-là, je ne voyais que les lumières de la ville. En repassant la porte de la gare, je me dirigeais vers le halle quatre et trois que tu m'avais indiquée. Je marchais lentement en trainant ma valise derrière moi. 

"Je te vois, bouge pas".

Mon cœur a explosé à ces mots.

J'ai cru t'apercevoir comme dans un lointain souvenir mais je n'ai pas réalisé tout de suite que tu te tenais devant moi. J'étais dans le brouhaha des annonces des trains qui entraient en gare et dans le brouillard de la fatigue. Cette sensation quand ton oreille siffle et que tu as l'impression de ne plus faire parti du réel. Alors je t'ai vu à la dernière seconde, si bien que tu m'avais déjà prise dans tes bras. Je retrouvais ton odeur comme dans les promenades près d'une forêt au crépuscule d'été, le parfum se répandant autour de nous comme une douce vapeur. 

Tu étais enfin là. Et tu avais grandi encore, tu avais changé aussi. Mes jambes tremblaient sans que je ne m'en rende compte une seule fois et je me sentais minuscule contre toi. Je me rappellerai toujours le regard de cette fille quand je me suis détachée de tes bras, elle ne nous avait pas décrochée du regard un instant. Mais je m'en fichais, j'étais avec toi et quand j'étais avec toi, plus rien d'autre ne comptait que toi.

Tu m'as prise par la main et nous sommes sorties de la gare ensemble. On a déboulé dans un immense carrefour de la ville, très bruyant mais avec une ambiance apaisante. Il faisait nuit noire et des lumières de toutes les couleurs, y compris la gare éclairée en violet, étincelaient dans la ville qui grouillait de monde.  Nous avons traversé presque en courant avec ma valise et on a trouvé la voiture. Pendant tout le trajet nous sommes restées tremblantes, ivres d'un bonheur que je ne peux pas décrire. Ce moment là où tu peux sourire et rire pour un rien et sentir tout ton être bouillonner de bien-être. Main dans la main comme deux jeunes enivrées qui découvraient l'amour.

"Dans une foule en train de rire fort

Personne ne sait pourquoi

Mais tu me donnes ce sourire

Rentrer à la maison à l'arrière d'une voiture

Ta main touchant la mienne".

Dès que nous sommes arrivées chez toi, j'ai su que cette semaine allait être la plus belle de toutes. Tu m'as emmenée à l'étage en courant avec mes valises et tu m'as poussée dans la chambre où nous allions dormir. J'ai enfin découvert cette pièce que je ne voyais qu'en appel alors j'ai pris le temps de l'observer en détails jusqu'à ce que je m'assois sur le lit. Là, tu as apporté une grande enveloppe et tu me l'as tendu. 

"Le plus beau chapitre".

"Tu m'as sauvé".

C'était deux magnifiques poèmes de quatre strophes chacun, écrits de différentes couleurs. Il y avait également une petite enveloppe collée sur le papier.

"Ouvre moi et je ferais de toi quelqu'un d'encore plus important".

Je te lançais un regard interrogateur.

"Est-ce que ma vie ne ressemblerait elle pas à une galaxie? J'ai des étoiles mortes, avec des éclats de morceaux, des étoiles vides, sans corps et sentiments, des astéroïdes, percuteurs et sournois, et bien des million d'étoiles nourries d'espoir mais aucune ne ferait briller le noir le plus sombre autant que toi. Veux tu être cette étoile brillante?"

Tu m'as regardée dans les yeux et j'y ai vu le reflet des miens. Tu m'as pris le bras et tes lèvres ont effleurées les miennes. Pourtant je ne voulais pas t'embrasser, je voulais garder ce moment pour l'éternité par peur de ne jamais pouvoir le revivre de nouveau. Mais c'était bien trop fort alors je t'ai laissée faire. C'était comme quand le printemps rencontre l'été, doux, enivrant et rien de glaçant. Ça faisait longtemps que je n'avais pas embrassée quelqu'un, et j'étais heureuse que ce soit toi. J'ai senti ton sourire s'étirer contre ma bouche et nos corps qui se collaient l'un à l'autre. J'aurais pu rester des millions d'années comme ça mais nous devions descendre à notre plus grand malheur.


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⏰ Dernière mise à jour : Jul 02 ⏰

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Gorz ou l'amour d'étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant