Chapitre 1 : Guillaume

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Un rayon de soleil pénétrait la pièce, accentuant la luminosité. Les petits bureaux en bois étaient un peu pâles. Les pieds en métal des chaises raclaient le sol dès qu'un élève bougeait. Pourtant, il était incapable de se détacher des mots, grignotant l'extrémité de son stylo. Il y aurait encore les traces de ses dents dessus et il le regretterait lorsqu'il le rangerait dans sa trousse, déçu de l'avoir abîmé, mais il ne pouvait pas résister à ce geste, se réconfortant pleinement dedans.

Il adorait le léger brouhaha qui régnait dans la salle de classe, ses camarades se dispersant tandis qu'une petite voix répondait aux questions de leur institutrice. Bientôt, ce serait son tour et il trépignait. Il savait ce qu'il allait dire. Il y pensait chaque jour qui s'écoulait et son cœur palpitait à cette idée.

Et toi, Guillaume, que veux-tu être, plus tard?

Enfin!

Il sourit aussi grand qu'il lui était permis, appréciant les regards qui pivotaient vers lui tandis qu'il devenait, l'espace de quelques minutes, l'objet de leurs attentions.

Heureux !


La sonnerie stridente de son réveil le fit grincer des dents. Dans l'obscurité, la chaleur moite de la chambre lui collait à la peau, si désagréable qu'il envisagea pendant un moment d'élire domicile sous le jet froid de sa douche, quelques instants plus tard. Malheureusement, l'heure tournait. Il coupa l'eau. La température élevée régnait également dans la salle de bains, entretenant son humeur.

Il fuyait rarement son reflet, mais ce matin était un de ces jours ; verrait-il ce petit garçon, si confiant devant toute une classe turbulente et si esseulé et triste dès qu'il rentrait chez lui ? Ou n'y aurait-il plus que l'homme, seul et malheureux à n'en plus pouvoir, qui le dévisagerait avec des sourcils froncés ?

L'eau froide n'avait pas embué le miroir. Ce fut la deuxième réponse qui l'accueillit avec une embardée de désespoir.

— Seigneur, il va me falloir de l'anticerne... soupira-t-il.

Beaucoup, beaucoup d'anticerne. Et du thé. Il y avait plusieurs mois qu'il avait définitivement abandonné le café, trop dur, trop dangereux pour ses besoins en constante évolution. Pourtant, il avait le sentiment qu'il n'y avait encore pas si longtemps, il profitait sans réfléchir à ce genre de choses, qu'il avait mille possibilités chaque matin lorsqu'il ouvrait les yeux. Que la beauté de la vie ne fanait pas au bout de quelques heures. Quelques jours. Quelques semaines. Quelques mois. 

Mais ça n'allait jamais plus loin que des mois. Quand il avait de la chance. Quand il ne tombait pas sur un connard. Ou un peu moins. Le dernier avait la palme, bon sang.

Tu divagues.

— Arrête de penser, marmonna-t-il, rompant brièvement la quiétude de la salle de bain.

Du bout des doigts, il massa lentement les contours de son visage, essayant autant que possible de se redonner une forme humaine. Il avait encore trop bu la veille, sa peau était effroyable, son teint pâle, sa bouche pâteuse et, seigneur, que dire de son estomac !

Il aurait dû mettre de la musique, le silence étourdissant de l'appartement le dérangeant, mais la flemme de se dandiner plus loin prévalait sur son ennui. Alors, il se lança dans cette routine qui était la sienne et que, la majorité du temps, il aimait. Sortir la meilleure version de lui-même, de son visage, de son corps, ne lui prenait pas autant de temps que ce que les gens imaginaient en le voyant arriver déjà fardé, ou en partie, au travail.

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