Chapitre 3 : Alexandre

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Cinq minutes. Dix minutes. Quinze minutes. Son assiette refroidissait lentement sur ses genoux tandis qu'il y picorait du bout de sa fourchette. Sur le grand écran faisant face au canapé, l'émission qu'Alex avait trouvée ne l'intéressait pas plus que cela. Il regardait l'heure fréquemment. Vingt minutes, à présent, s'étaient écoulées depuis le départ de Sofian. Son compagnon ne reviendrait pas avant des heures, il le savait, mais il tenait toujours à patienter quelque temps avant de se lancer dans des activités, quelles qu'elles soient. Au cas où. Un demi-tour était vite arrivé, pour n'importe quelle raison.

Quand il éteignit l'écran, son assiette à moitié vide avait déjà élu domicile dans le réfrigérateur depuis quelques minutes. Faire le vide après une journée de travail était une étape quotidienne qu'il prenait avec sérieux. Se débarrasser de tout ce qui l'avait dérangé durant ses heures, mettre de côté les différents propos qu'il avait glanés de-ci de-là à la boutique... Il expira, posa la télécommande sur la petite table basse en bois laqué, puis se leva. Ses articulations craquèrent quand il s'étira de tout son long, ses pas le menant à la pièce qu'il utilisait presque toutes les nuits.

Oh, enlevez le « presque », il passait plus de temps ici que dans la chambre à coucher ! Cette dernière pensée tournait encore alors que l'écran de son ordinateur lui présentait l'interface de démarrage. Il se laissa donc tomber sur son fauteuil, le cuir et la structure crissant sous son poids soudain. Par habitude, ses doigts sur la souris cliquèrent dans un ordre donné, les diverses fenêtres s'ouvrant sur les deux moniteurs dans une disposition qu'il avait paramétrée depuis bien longtemps. Les réseaux sociaux pour la messagerie instantanée dans ce coin, le streaming dans cet autre morceau de l'écran de gauche. Sur celui de droite, l'interface du jeu de ce soir se lançait tranquillement. Il positionna son casque sur son crâne et ses oreilles, descendit le micro à hauteur de sa bouche et rejoignit la conversation dans laquelle il percevait de l'activité. Bientôt, les rires et les mots l'envahirent et il se crispa quelques secondes. Puis, il inspira profondément.

— Salut, articula-t-il enfin.

Eeeeeeh, salut, t'es déjà là, c'est cool! résonna une première voix.

Yo Cassian! Merde mec, t'es tombé du lit!

— Je rentre du boulot.

Ah ouais, c'est vrai que t'as un job à côté.

Il retint une grimace. La plupart de ces types vivaient complètement de cette activité. Plus ou moins bien, ils l'admettaient. Il aurait pu faire la même, abandonner son travail à la supérette du quartier et se contenter de faire des retransmissions en direct de ses parties de jeux vidéo pour les gens qui le suivaient, mais... le côté humain manquerait. Ou plutôt, risquait de ne pas lui manquer. Il savait l'importance de maintenir ce rapport social qui l'ancrait dans la réalité, quand bien même il s'en serait passé avec plaisir – c'était même pour cette raison qu'il y faisait autant attention.

— Les temps sont durs, dit-il simplement. On est toujours sur le programme initial ?

Ouais, la LAN est ouverte depuis une heure, l'équipe a réglé les premiers problèmes, déjà.

— Cool. On va sur quoi ?

Labyrinth of Tears.

— Validé. On prend des stuffés ou on fait du nouveau ?

Nouveau, on se fait chier ces derniers temps. Y'a des vagues de newbies d'ailleurs, on verra sur le recrutement des guildes ce que ça donne sur les nouveaux serveurs.

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