Chapitre 2 : Sofian

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Le fond de musique était à peine audible lorsqu'il l'éteignit, plongeant le salon dans le silence au moment même où la porte d'entrée claquait. Il avait fermé les volets de la baie vitrée depuis une dizaine de minutes seulement, mais déjà le fait de devoir actionner le plafonnier lui donnait l'impression d'être en pleine nuit. Ce qui était loin d'être le cas. Sa nuit, en tout cas, n'avait pas encore commencé. Sa journée non plus, intrinsèquement liée.

Le bougonnement dans le hall d'entrée attira son attention et, avec un sourire, Sofian s'y rendit pour accueillir son compagnon. Le mince corps d'Alex avait déjà quitté son blouson, ses lunettes embuées et parsemées de petites gouttes gênantes.

— Il pleut ?

— Pas beaucoup, juste assez pour faire chier.

Son air renfrogné ne dura pas longtemps. À peine se fut-il débarrassé de sa paire de baskets qu'il se rapprocha, entoura le cou de Sofian de ses longs bras et l'embrassa. Brièvement, d'abord. Puis, plus profondément. Sa bouche était tiède de l'extérieur, de cette pluie qui l'avait refroidi et dénaturé, mais Sofian savait accueillir cette langue aventureuse comme il se devait. Il avait appris à le faire des années auparavant et ne s'en était certainement jamais ni plaint ni lassé. Il en aurait sûrement bien pris un peu plus, mais...

— Tu y vas ?

Les mots pointèrent un par un, rythmés par les baisers taquins qu'Alex plantait sur ses lèvres. Son corps contre le sien. Sa bouche qui se réchauffait déjà. Ses mains qui glissaient dans sa nuque, dans le haut de son dos. C'était, à l'instar de chaque jour, comme si son compagnon ignorait à quel point ses gestes résonnaient tels des appels à plus, beaucoup plus. Comme s'il faisait exprès de débarquer et de foutre le bordel dans la petite routine que Sofian parvenait tant bien que mal à s'imposer au quotidien. N'y tenant plus, il enroula ses bras autour de la taille de son conjoint, appréciant dans un soupir la façon dont le corps d'Alex se coula contre lui, même avec cette légère once d'hésitation au premier contact.

— Ouais, ça va être l'heure.

— OK. Tu fais gaffe, ça glisse dehors, alors avec ta moto...

— Je sais.

Il faisait toujours attention. La pluie, la nuit, le brouillard quand venait la période de froid, les autres usagers qui ignoraient comment gérer leur environnement... tout cela, et plus encore, Sofian le connaissait. Pourtant, il fallait continuellement rassurer Alex. Non, il n'aurait pas un accident bête. Non, il ne disparaîtrait pas du jour au lendemain. Non, il n'était intéressé par personne d'autre. Non, il n'était pas frustré... quoique. Si. Mais cette question ne sortait qu'en certaines occasions. Comme cette dernière engueulade, deux jours plus tôt, et qui tournait encore en boucle dans son cerveau. Trop de mots lui avaient échappé.

Un baiser de nouveau. Il coupa court à la frénésie qui commençait déjà à swinguer entre ses idées, les envoyant aux fraises sans qu'il ait le temps d'y songer.

— Il y a du gratin dans le four, tu penseras à mettre les restes dans le frigo ?

— Pas de souci. Tu rentres comme d'hab ?

— Ouais. Je t'envoie un message quand je pars.

— OK.

— Tu joues ce soir ?

— C'est prévu. On a un raid pour tester la nouvelle LAN, ça peut durer un moment, ça va m'occuper.

— J'espère que tu dormiras quand je reviendrai, maugréa Sofian.

— Sympa.

La petite moue boudeuse qui étira la bouche d'Alex lui indiqua son degré d'humour – tout allait bien. Les bras quittèrent son cou à son plus grand regret, le corps s'éloigna et la chaleur déserta.

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