Note de la narratrice : je souhaitais au début anonymiser ta personne. J'ai finalement préféré suivre la voie de Wejdene.
Chère Clara,
Je ne suis effectivement qu'une simple spectatrice de ta relation avec ton grand frère. Je n'ai en principe aucunement le droit d'intervenir dans vos affaires, et de toute manière, je trouve que c'est une intervention bien ennuyante. En revanche, je suis témoin de la dégradation physique, morale et psychologique de ton grand frère, avec qui je partage ma vie depuis presque quatre ans, et j'observe malheureusement que tu ne prêtes réellement aucune attention, et cela m'agace et m'affecte énormément – tu n'imagines même pas à quel point. Je ne peux pas ne pas réagir face à cette situation régulière, et ce sera, je te rassure, la seule fois où j'interviendrai dans vos affaires soi-disant familiales.
La recherche constante de manifester ton existence de petite soeur
- capricieuse alors que ton grand frère a toujours veillé à te faire plaisir en fonction de ses ressources, même faibles,
- perdue dans la vie alors que ton grand frère a tenté de prendre soin de toi par ses moyens, de te consoler quand cela n'allait pas avec vos parents,
- aveuglée par le confort que vos parents ont offert uniquement à toi alors que tu sais pertinemment que ton grand frère n'a jamais reçu la même affection, ni le moindre geste d'aide et d'amour de leur part,
- à la recherche incessante d'attention alors que nous t'avons toujours proposé de nous voir mais que tu as toujours décliné nos invitations à la dernière minute sans que l'on sache pourquoi,
- à la recherche incessante d'aide, explicitement dite ou pas, que ton frère, mais aussi ta tante, moi, et même mes amis, t'ont apportée mais que tu oublies, ou en tout cas sur laquelle tu ne manifestes aucune reconnaissance visible à notre égard, tout cela commence sérieusement à nous faire du mal. Oui, nous, moi et ton grand frère.
Comme ton dialogue, pardon ton monologue, avec ton grand frère consiste à le faire culpabiliser, et que les mots qu'il tente de placer dans une discussion sans issue ne suffisent pas à te faire une raison, je me permets de les écrire soigneusement dans cette présente lettre parce que toi aussi, tu me pèses : nous voulons définitivement couper les ponts avec toi si tu ne changes pas car nous voyons que nous ne représentions à rien à tes yeux de petite soeur.
Nous t'avions aidé quand tu étais dans le besoin, nous t'avions voulu faire plaisir parce que ton grand frère était tellement heureux d'avoir le sentiment d'avoir enfin une relation saine et sincère avec un membre de la famille, que tu sais bien mieux que quiconque, est dysfonctionnelle. Nous étions présents quand tu étais malade – et tu sais qu'à ce moment-là aucun de tes parents n'a fait une quelconque démarche pour te soigner. Nous étions toujours présents lorsque tu avais des soucis sur le plan scolaire ou avec votre père, ou encore même avec votre mère. En retour, nous n'avions eu aucune reconnaissance de ta part, ni d'ailleurs celle de vos parents biologiques. Malheureusement, en retour, vous – toi, votre mère, votre grand-mère, nous rendez coupable d'avoir voulu nous préserver parce que tu ne vois strictement rien. Tu l'imagines comme un grand frère ingrat.
Cette réflexion – le manque de reconnaissance après toute l'aide apportée, sollicitée ou pas, t'a pourtant déjà été faite par ta tante, et j'ai bien peur que tu ne comprendras pas, ni ne le reconnaîtras. Ni ton frère ni moi n'avions espoir de voir notre relation s'améliorer, ni de voir une réconciliation possible.
Encore moins lorsque nous avons appris que tu t'es mis en couple avec un ancien tolard qui a le double de ton âge alors que tu l'as rencontré mineure. Tu nous as volontairement caché cette relation alors que tu savais que nous étions prêts à t'accueillir chez nous. Entendre mon aide effacée par sa simple présence à tes côtés de la bouche de ta grand-mère m'a énormément vexée. Qu'a-t-il sincèrement fait quand tu faisais l'école à distance ? Quand tu étais malade ? Quand tu étais triste par une situation familiale dans laquelle tu n'aurais jamais dû être. Qu'a-t-il fait sincèrement pour qu'il soit aussi facilement accepté par votre famille malgré cette différence d'âge effrayante ? Qu'ai-je finalement fait pour ne pas être acceptée par votre famille malgré tous mes efforts ?
Nous t'avions même fait confiance, à travers par exemple la responsabilité du double des clés. Même pour cela, tu n'arrives pas à comprendre à quel point tu nous as à la fois blessés et trahis. Tu n'arrives visiblement pas à comprendre à quel point c'était immature et culotté de ne pas avoir pris la peine d'anticiper une éventuelle urgence à laquelle nous aurons pu être confrontés en nous rendant les clés avant ton installation à Bordeaux avec ce pédocriminel sans d'ailleurs nous en avoir informé au préalable alors qu'on te considérait comme une personne de confiance. Tu n'arrives visiblement pas non plus à comprendre la toxicité forte et présente dans la relation entre votre père et ton grand frère qui avait enfin réussi à sortir de son emprise et qui porte depuis son départ des séquelles psychologiques à vie.
Quant à moi, j'ai cru entendre que tu as raconté tout ce que j'ai dit sur votre mère, voire déformé mes propos. Je passe donc pour le vilain petit canard alors que tu savais pourtant que les mots que j'ai prononcés à ce moment-là étaient avant tout parce que tu avais mal vécu une situation qui aurait dû être gérée par votre mère, et tu savais pertinemment qu'au lieu de se comporter en tant qu'adulte responsable, elle s'était comportée comme une gamine victimaire. Ton frère et moi voyons désormais très bien ta position.
Nous voulons ainsi définitivement couper les ponts avec toi si ton attitude reste identique. Ne cherche alors plus à nous contacter par le biais de votre mère, ni de votre grand-mère. Cela ne m'étonnerait pas que tu rapporteras mon message directement à elles car après tout, c'est uniquement ce que tu sais faire : déformer nos propos en ta faveur, faire ta victime, puis rendre ton grand frère coupable de tout – moi aussi dans le lot, mais comme je ne fais pas partie de votre famille, je m'en fiche royalement tant que ça n'affecte pas mon quotidien. En revanche, le rapporter à votre mère et à votre grand-mère provoquera à coup sûr une rupture définitive entre ton frère et votre grand-mère parce qu'entendre de sa bouche qu'il n'est qu'un sale frère ingrat et irresponsable après tout ce qu'il a fait pour toi est juste insupportable pour lui. Tu ne sais pas à quel point tu le fais souffrir.
Mais tu as ce besoin incessant, voire ce plaisir, de faire souffrir ton seul frère. Je me sens réellement impuissante face à sa souffrance. Il vomit sans cesse lorsque toi, votre mère et votre grand-mère le réprimandez alors qu'il n'a rien fait de mal. Il vomit quand il repense à tout ce votre famille fait contre lui. Je t'assure que je n'exagère pas, il s'est mis à vomir quand il m'a parlé de sa dernière discussion avec votre grand-mère, et bien entendu de la vôtre. Ce n'est qu'un petit exemple, mais ce n'est rien face quand je dois l'épauler à cause de ses traumas familiaux que vous continuez à alimenter. Alors maintenant, s'il te plaît, laisse-le tranquille. Laisse-nous enfin tranquilles.
Elsa
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Nid du dragon
Storie breviRecueil de nouvelles et de lettres. Dans "Nid du dragon", il s'agit d'une courte nouvelle sur l'identité, le déracinement et le manque d'estime de soi dans un monde où les discriminations tendent à disparaître, l'égalité tend à se stabiliser. Sauf d...