Léna se réveilla en sursaut, la tête appuyée contre la vitre de la voiture sur laquelle on pouvait apercevoir le déluge de pluie s'écouler. Sa mère, toujours habillée avec sa vieille salopette dont elle se servait pour peindre, l'attendait devant la porte d'un vieil immeuble. Elle croisa le regard vert de de sa fille et vit qu'elle était réveillée.
- Tu viens voir ? lui demanda-t-elle alors, assez fort pour que Léna l'entende depuis la voiture fermée.
Elle soupira, passa ses mains sur son visage pour se réveiller, encore abasourdie par son cauchemar. Elle se rappelait encore de quelques images ; une grande ville, sûrement New York, de taxis, d'immenses gerbes de terres et puis il y avait tous ces cris... Elle ouvrit la portière d'une petite voiture rouge qu'ils avaient loué en arrivant, et s'étira en sortant, elle avait enchaîné plusieurs heures de voyage et avait besoin de bouger un peu. Ça faisait déjà deux jours qu'ils avaient quitté New York pour déménager en Corée du Sud, dans un petit village périphérique de Séoul. Elle rejoignit sa mère devant la porte d'entrée du vieil immeuble et lui prit quelques sacs afin de l'aider à les monter jusqu'au deuxième étage. Elles arrivèrent devant une vieille porte en bois qui en disait long sur l'état de l'appartement qui se trouvait derrière. Sa mère sorti une clef en laiton de sa poche et l'inséra dans la serrure. Elle ouvrit la porte, toujours avec un grand sourire, et désigna le petit appartement avec un geste magistral.
- Tada ! fit-elle avec fierté, voilà notre nouvelle maison. Je te l'accorde ce n'est pas immense et la déco est à refaire ... mais ce n'est pas mal non ?
Léna entra et posa les sacs sans rien dire, que pouvait-elle répondre, cet appartement était pire que le précédent qui était lui même pire que celui qui l'avait précédé. Tous ces déménagements étaient en train de les ruiner, elle le voyait bien. Elle fit demi-tour, toujours sans un mot, et fit mine d'aller chercher d'autres affaires mais sa mère la rappela :
- Attends, je ne te l'ai pas encore fait visiter, peut-être l'apprécieras-tu davantage après un petit tour !
Sur ces mots, elle la poussa dans le dos pour la guider à l'intérieur, un immense sourire plaqué sur son visage. Sa mère était toujours comme ça lorsqu'elle lui présentait un nouvel endroit, et pourtant ils avaient déménagé plus de douze fois depuis qu'elle était petite, dans tous les pays et dans tous les milieux ; ville, campagne, village, bord de mer.... En réalité, Léna soupçonnait sa mère de faire semblant, car elle avait tendance à tout prendre sur elle et à sourire pour ne pas rajouter du poids à ce mouvement permanent qui commençait à les fatiguer, c'était sûrement dû à sa forte personnalité. Et tout cela car les supérieurs de son père n'arrêtaient pas de le muter. A vrai dire elle ne comprenait pas pourquoi son père ne démissionnait pas car elle trouvait que ce train de vie imposé était un choix égoïste de sa part. Cependant elle ne lui en avait jamais touché mot, de peur de le blesser et de lui ajouter un fardeau inutile, après tout il faisait ça pour elles. Sa mère commença la visite, la sortant de ses pensées.
- Alors ici c'est la pièce principale avec la cuisine et le salon, elle fait 19 mètres carrés, l'agent immobilier m'a dit que c'était rare d'avoir autant de d'espace pour ce prix dans le coin !
Elle traversa la pièce, toujours en tenant Léna par les épaules, elles débouchèrent dans un petit couloir étroit avec trois portes. Elles entrèrent dans la pièce au fond du couloir ; le placo jauni des murs se décollait par endroit et tombait sur un carrelage bleuté dont les rainures avaient noirci avec l'humidité. Un lavabo auquel était accolée une toute petite baignoire sabot et des toilettes remplissait la salle d'eau. Il y avait à peine de la place pour deux personnes.
- Voilà la salle de bain, elle n'est pas très grande et il va falloir réparer quelques fuites mais elle est sympa avec ses couleurs tu ne trouves pas ?
Léna ne répondit toujours pas, de toute façon ils allaient sûrement déménager dans un an, alors pourquoi s'attacher à cet endroit miteux.
Elles passèrent ensuite dans la pièce de droite, celle-ci était petite, peu lumineuse et la vue donnait sur une cour glauque et bétonnée. Au milieu de la chambre mal éclairée et exigüe trônait le vieux sommier bancal d'un lit double qui prenait pratiquement tout l'espace.
Les murs étaient dans un état à peine meilleur que la salle d'hygiène et le plancher vieux et gondolé grinçait, à tel point qu'elle se demandait si c'était vraiment une bonne idée de marcher dessus, sous risque de traverser deux étages.
- Ici ce sera la chambre que l'on partagera avec ton père, on a fait attention à ce que tu aies une chambre pour toi.
Elles firent demi-tour sans en visiter davantage, de toute façon il n'y avait pas besoin de plus de quelques secondes pour en faire le tour. En sortant, elles se retrouvèrent face à la dernière porte, qui devait donc donner sur sa chambre. Sa mère ouvrit la porte et la laissa entrer dans l'espace complètement plongée dans le noir, avant de la rejoindre et d'ouvrir les rideaux poussiéreux qui occultaient la fenêtre. Celle-ci donnait sur la ville, l'appartement était suffisamment haut pour que la vue donne sur les toits et le lointain. La pièce, très lumineuse, était tournée de manière à être exposée au soleil pratiquement toute la journée. La chambre était la plus grande des deux et de loin celle en meilleur état. La peinture des murs était restée blanche et le plancher n'avait pas gondolé, sûrement grâce à la chaleur apportée par le soleil. Lena se tourna vers sa mère :
- Je ne peux pas prendre cette chambre, elle est beaucoup plus grande. Votre lit double passe mieux dans celle-ci, et puis papa est souvent fatigué en rentrant le soir, il apprécie mieux....
- Non, l'interrompit sa mère, avec un air plus sérieux, cette fois tu as le droit à la meilleure chambre. Je sais bien que c'est dur pour toi de bouger tout le temps...tu as besoin de cet espace personnel.
Elle lui sourit avant de lui faire un bisous sur le front. Bon, retourne aider ton père à sortir les affaires de la voiture. Léna lui sourit avant de sortir.
Elle l'aperçu non loin de la porte de l'immeuble, en train de sortir les bagages du coffre :
- Alors, qu'en penses- tu ? lui demanda-t-il alors qu'elle le rejoignait.
- J'y crois pas, vous avez acheté un loft ! dit-elle avec un air faussement extasié, ce qui fît rire son père.
- C'est vrai qu'il n'est pas tout neuf, dit son père amusé, mais on va le retaper, si bien que tu n'auras aucune envie de le quitter, même pour un penthouse dans le prestigieux de tous les grattes ciel New Yorkais. Léna le regarda et lui sourit.
- J'en suis certaine, comme à chaque fois vous allez réussir à le rendre agréable. Elle lui prit les bagages des mains et partit vers la porte de leur immeuble.
Ils mirent quelques heures à nettoyer l'appartement et à le meubler avec le peu de mobilier qu'ils avaient envoyé par conteneurs il y a quelques semaines. Il faisait pratiquement nuit quand ils eurent enfin fini. Sa mère partit se doucher, et laissa Léna seule avec son père qui finissait de régler le lavabo qui fuyait.
- Vient par ici, demanda-t-il à Léna en lui tendant de l'argent, c'est pour le repas de ce soir.
Léna prit les quelques billets, c'était la première fois qu'elle voyait des wons. Elle observa les portraits d'hommes barbus imprimés sur le recto.
- J'ai mis un peu plus que nécessaire si tu veux prendre un petit truc en plus pour toi, lui dit-il avec un petit regard malicieux, tu devrais trouver une épicerie ouverte 24h sur 24 en bas de la rue.
Léna lui sourit hocha la tête, un sourire aux lèvres, avant de se diriger vers la porte d'entrée. Elle enfila la vieille veste noire légèrement usée de son frère avant de sortir.
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Léna Dunter
FantasyEt si la magie existait depuis toujours mais se révélait nocive pour une partie de l'humanité ? Léna découvre, après l'un de ses énièmes déménagements, l'existence d'une puissance toxique pour la majorité des humains : l'Arcane. À peine âgée de 18 a...