Chapitre 2

297 20 61
                                    

Nous avancions calmement, descendant dans un petit coin isolé, sous le pont de Yasohachi.

Mes deux camarades marchaient derrière moi, gardant un silence époustouflant.

Le plus jeune semblait enjoué, courant dans tous les sens, tandis que l'autre se contentait d'un léger sourire.

Celui-ci s'approcha de moi.

- Alors, tu connais nos alliés depuis longtemps ? questionna-t-il.

Et voilà que j'allais devoir discuter avec un fléau. Je retins un soupire. Autant profiter de cette occasion pour en apprendre plus sur eux.

- Quelques jours seulement... avouai-je. Et alors, votre frère, pourquoi n'est-il pas venu ?

Eso prit quelques secondes avant de répondre.

- Ils avaient besoin de lui ailleurs, ou peut-être ont-ils estimé qu'il ne servirait pas de l'envoyer ici. En tout cas, ça ne lui a pas plu... Notre fratrie a une grande importance pour chacun d'entre nous. Vois-tu, notre mère était humaine, alors jamais les gens n'ont accepté qu'elle puisse enfanter des hybrides de fléaux... Elle a été manipulée, et nous, nous avons survécu par nous-mêmes, en tant que reliques... Nous étions les trois plus puissants sur les neufs fœtus auxquels elle a donné naissance. Alors, pour Choso... Nous n'avons pas besoin qu'on nous donne d'ordres pour survivre.

J'écoutai patiemment, étonnée qu'un fléau me raconte ainsi son histoire. Kechizu ralentit, observant mon interlocuteur quelques instants.

- Tu es sûre que notre grand frère serait d'accord pour que tu racontes ça ? s'étonna-t-il.

Eso laissa échapper un petit rire.

- Je n'ai rien dit de spécial, Mahito pourrait lui expliquer de la même manière, répliqua-t-il. Et puis, elle m'a l'air sympathique...

Je le fixait, étonnée. Depuis le début, je m'étais montrée froide, et pourtant, il avait vu en moi une quelconque qualité qui lui avait donné confiance en moi. Ce n'était pas comme si j'avais réellement tenté de tisser des liens avec mes ennemis.

Le plus jeune reprit sa déambulation, observant le paysage d'un air émerveillé. Il n'avait pas dû voir beaucoup de choses intéressantes pendant son séjour au lycée, en même temps.

Eso l'observait, un sourire fier aux lèvres.

- Je dois le défendre... C'est ce que veut Choso, avoua-t-il. Alors, merci d'être venue... Ainsi, il me sera plus simple d'écarter mon petit frère d'une situation délicate.

Je sursautai, marquant un arrêt dans mon avancée. Aussitôt, Eso se figea, s'efforçant de toujours me faire face.

- Tu tiens à ce point à tes frères ? m'étonnai-je. On ne m'avait pas vanté autant d'émotivité de la part d'un fléau ...

L'homme rigola légèrement, et haussa les épaules.

- C'est peut-être notre part d'humanité, commenta-t-il. Nous avons toujours pu compter les uns sur les autres... Personne ne nous a aidés, il a bien fallu qu'on apprenne à se défendre mutuellement, même en temps que reliques.

Je repris mon avancée, mon interlocuteur marchait de biais à côté de moi. Je l'observais, perplexe.

- Eso, pourquoi t'avances tu ainsi ? questionnai-je.

L'homme afficha une mine embarrassée, avant de baisser la tête.

- J'ai toujours été très complexé par mon dos, je ne supporte pas que quelqu'un le voie.... avoua-t-il. Je reste dans cette tenue parce que ça me laisse bouger comme je veux... Tu comprends ?

Je hochai la tête.

- Je suis persuadée que tu ne peux pas être si terrible que ça, physiquement... commentai-je.

L'homme-fléau leva un sourcil. Un petit sourire apparut sur ses lèvres.

- Tu ne m'as jamais vu... répondit-il. Enfin, je te remercie de ta gentillesse, c'est rare de trouver quelqu'un comme toi avec qui discuter...

Nous reprîmes notre avancée dans le silence, observant la démarche sautillante de Kechizu.

Une multitude de questions me tournaient en tête. Ces fléaux étaient spéciaux, bien plus que tous ceux à qui j'avais eu affaire. Ils se soutenaient mutuellement, s'organisaient en famille, et tenaient sincèrement les uns aux autres, semblant se créer leur propre quotidien, indépendamment de la volonté des autres.

Kechizu se mit à avancer encore plus vite, rigolant bruyamment.

- Eso, viens !! Je pense que je sens notre cible ! hurla-t-il.

Mon camarade le suivit rapidement, je dis faire de même. Mais, prise dans mes pensées, je ralentis le rythme quelques instants, me retrouvant derrière celui qui m'accompagnait. Ce dernier se figea, en proie à un profond effroi.

Un drôle de visage se trouvait sur son dos, m'observant, horrifié.

- Tu... Tu as vu mon dos ?! s'étonna Eso, dont la bonne humeur avait disparu.

Je le fixai, tremblant devant ce soudain changement de ton.

- Excuse-moi, je n'ai pas été capable de maintenir le rythme... avouai-je.

Le fléau s'avança vers moi, prêt à se débarrasser de moi avec son énergie occulte.

Un liquide rouge s'échappa de son corps, se précipitant vers moi pour m'attaquer. Je sursautai, et déployai mon énergie autour de moi. Cette dernière se solidifia, créant à temps un précieux bouclier.

- Je ne peux pas supporter que quelqu'un ait pu apercevoir ça ... tonna mon adversaire.

Je tremblai : lui qui se montrait si aimable avant était complètement manipulé par ce manque de confiance en lui. Pourrait-il changer cette habitude ? L'espoir que oui me traversa l'esprit.

Je le fixai, droit dans les yeux, mes membres tremblant devant cette situation délicate. Je ne voulais pas fuir.

- Je ne vois pas pourquoi tu complexes pour ça... avouai-je. Ton dos n'a rien d'horrible. C'est ta part de fléau, tu n'as pas à avoir honte de toi... Moi, je te trouve très beau comme tu es.

Kechizu, qui avait rejoint son frère sans faire face à son dos, me fixait d'un air étonné. Sous le choc, Eso relâcha ses attaques, et posa son regard sur mon visage apeuré.

- Tu... Tu parles sérieusement ? interrogea-t-il.

Un sourire orna les lèvres.

- Mais oui, enfin ! déclarai-je. Toi et tes frères, vous avez l'air super... Et honnêtement, je réitère mon avis, tu es loin d'être laid !

Le fléau m'observa quelques instants, en proie à une profonde réflexion.

- Bon... Je te laisse tranquille, pour cette fois ... décida-t-il. On n'a pas de temps à perdre, autant finir cette mission...

Le duo reprit sa marche, troublé par les évènements.

Rapidement, ils trouvèrent une entrée au territoire du fléau qu'ils cherchaient, et s'y engouffrèrent, me laissant attendre dehors.

Changement De Plan - [Choso x OC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant