Chapitre 2

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Le site de l'université bugue... On est sûrement trop nombreux à essayer de se connecter. Mais j'ai mal au ventre à cause du stress. Ma gestion de la pression et de l'angoisse est super nulle. J'ai accepté de sortir boire un verre ce soir avec Sam et Eli, les deux personnes que je côtoie à la fac. On passe de bonnes journées ensemble, mais je ne sors pratiquement jamais avec eux en dehors des cours. Je ne sors pratiquement jamais tout court de toute façon. La seule condition que j'ai posée pour ce soir est qu'on ait tous réussi nos partiels.

Oh, ça y est ! Le site a l'air de charger.

"... Nova - Admis mention bien - 14,52/20"

J'avais mis mon téléphone en silencieux, mais je viens de voir que j'ai 12 notifications, toutes provenant du groupe "Sorbonne weirdos". Super, on a tous réussi nos partiels ! Nous voilà BAC+3. Je suis vraiment soulagée. Ah et en fait non, le stress me rattrape. Qu'est-ce que je vais mettre ce soir ? On peut porter un jogging dans un bar dansant ?

Après une heure à retourner ma penderie, une crise d'angoisse et dix minutes à errer sur Instagram, je crois que j'ai trouvé un truc potable : mon jean droit gris, un petit t-shirt noir près du corps et mes Doc Martens. Classique, efficace et confortable.

Le bar dans lequel nous avions rendez-vous se situait dans le 5ème arrondissement, pas très loin de l'université et à quelques rues du Café Coeur. Je ne travaillais pas ce jour-là, mais je suis passée faire un coucou à Madame Yuna pour lui annoncer l'obtention de ma licence. Elle était limite plus contente que moi.

J'ai ensuite rejoint Sam et Eli. Ca me fait un peu de peine de nous retrouver ce soir car on sait très bien au fond de nous que nos 3 années ensemble touchent à leur fin. Sam part aider ses parents dans le Sud de la France au Pays Basque, ils ont une petite ferme pédagogique et souhaiteraient développer un petit peu plus tout ça. Eli enchaîne sur un master "Psychologie de l'Enfant et de l'Adolescent" toujours à la Sorbonne. La vie universitaire parisienne lui va si bien. Et pour ma part, je pars en Ecosse pour une durée indéterminée. Enfin, à tout moment, je reviens au bout de 4 jours...

Les pintes de bière et de monaco s'enchaînent. On rit tellement. Eli imite Madame Plurot, notre enseignante de Sociologie de l'Éducation, et son langage super guindé. Sam nous refait le sketch de la petite pièce de théâtre pour enfants qu'on avait montée à l'occasion de notre stage en école élémentaire. Cette pièce a été un désastre, aucun élève n'était réceptif et personne ne riait. Enfin si, nous, on était pliés en deux.

Ce moment me rend très nostalgique mais qu'est-ce qu'il fait du bien. Lâcher la pression de ces trois années avec mes deux acolytes.

Le soleil commençait à se coucher petit à petit. Il était presque 22h. Le solstice d'été était dans trois jours.

Sam proposa de quitter la terrasse du bar pour y entrer et danser dans la salle principale. La Nova de d'habitude aurait formellement refusé et se serait dit qu'il était peut être temps de rentrer chez elle. Mais ce soir-là, l'énergie était si belle que je ne voulais pas que la soirée s'arrête.

Le DJ passait une playlist plutôt latine, le genre de sons que je prends plaisir à écouter quand je fais le ménage chez moi. Le taux d'alcool dans le sang commençait à rendre les choses intéressantes. Qu'est-ce que ça fait du bien de perdre un peu le contrôle. On profite de quelques chansons, Eli enflamme la piste, Sam saute partout. Puis d'un coup, j'entends une voix assez étouffée par la musique mais je distingue mon prénom. Je me dis que ça doit être une erreur. Même si des "Nova", il n'y en a pas énormément.

Et là, je le vois, à quelques mètres du centre de la salle dans laquelle je me trouve, avec un grand sourire et ses petites fossettes. Ren. Je ne peux pas m'empêcher de lui sourire en retour, cela fait tellement longtemps que je n'avais pas vu autant de joie sur son visage. Il traverse quelques groupes de personnes pour me rejoindre et me prend dans ses bras. L'étreinte était forte et réconfortante. Je ne comprends pas vraiment ce qu'il se passe. Mais je ne le repousse pas, au contraire. Il attrape ensuite mon bras et me tire en dehors de la salle. On se retrouve alors sur la terrasse du bar.

" - Nova, je suis tellement content de te voir ! Ma mère m'a dit pour ta licence, félicitations !! Je sais à quel point c'était important et je suis tellement fier de toi.

- Oh, merci Ren. Ce diplôme, c'est un peu le tien aussi finalement. Tu m'as beaucoup aidée quand j'étais en période de partiels.

- Arrête, je jouais juste avec l'affreux Jiji pour ne pas qu'il te déconcentre sur les temps où tu révisais.

- T'as pas le droit de dire que mon amour de minou est affreux !"

Ren rit puis reprend.

"- Nova, je voulais trop t'écrire ces derniers jours. Mais je sais pas, j'en trouvais pas la force. Je voulais te parler d'un truc, mais c'était impossible pour moi de le faire par message".

Je le regardais, assez interloquée. Mon coeur commençait à battre très vite. J'essayais d'être lucide et de calmer l'excitation qui montait en moi. L'alcool n'aidait pas vraiment.

Il reprit.

"- T'es beaucoup trop importante pour moi. Je le savais déjà mais le fait de s'être éloignés ces derniers temps n'a fait que le confirmer. Nova, je crois que...

- Margot ! je m'esclaffai.

- Je... Hein !?"

Et là, Margot nous interrompit. Ses cheveux dorés retombaient sur ses épaules en une belle queue de cheval. Elle avait une petite robe en satin vert d'eau qui semblait faite pour elle. Elle me fit la bise puis déclara :

" - Oh ça y est Ren, tu lui as dit ? Nan mais tu te rends compte Nova, Londres en amoureux ! Mes parents nous ont déjà trouvé un petit appartement super sympa à Lancaster Gate. Tu connais bien toi, vu que tu y as passé deux ans étant petite ! Et Londres - Edimbourg en train ça se fait super facilement."

Je pris du temps à saisir ce qu'il se passait. Ren part. Il part à Londres. Avec Margot. C'est ça qu'il n'osait pas me dire par message ?

"- Wow, je ne m'y attendais pas ! Vous partez quand ?

- Dans deux jours, reprit Margot. Le museum d'histoire naturelle de Londres m'a donné une réponse super tardive pour mon stage d'archéologie et ils veulent que je commence lundi. Vraiment ils abusent, mais c'est mon rêve tu sais ! Et Ren me suit bien sûr, la question ne s'est même pas posée.

- Dans deux jours... Tu ne passes pas l'été au café du coup Ren ?"

Il me regardait avec des yeux désolés. Je ne comprenais pas pourquoi il n'était pas aussi enjoué que Margot alors qu'il y a dix minutes, un grand sourire illuminait son visage. Margot me regardait, un petit peu perplexe. Du coup, je repris :

"- Margot, je suis super contente pour toi. Et oui, vous viendrez me voir en Ecosse ! Vous allez adorer la vie londonienne.

- Oui, j'en suis sûre ! Enfin notre petite vie à tous les deux. Oh, déjà 23h ! On a une soirée avec des potes pas très loin d'ici pour leur dire au revoir. On se croisera peut-être au café demain avant notre grand départ !"

Je souris alors qu'ils reprirent leur route. Ren n'avait rien dit et était parti sans même me regarder.

Je n'avais plus vraiment la tête à faire la fête. Pourquoi le départ de Ren ne me rend pas heureuse ? Pourtant je pars moi aussi. Est-ce que c'est ça qu'il a ressenti lorsque je lui ai annoncé pour l'Ecosse ?

Highlands StreetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant