Chapitre 5

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Au Cabanon, j'explique à Lise ce qu'il c'est passé pendant son sommeil.

Nous faisons davantage de recherches sur ce garçon. Personne ne le croit, et malgré l'absence de preuves pour valider l'hypothèse des Juges, elles vont l'exécuter. Lise me regarde étrangement, comme si elle attendait une réaction de ma part. Que devrais-je ressentir? De la colère? De l'indignation? De la tristesse? Je ne sais quoi penser, je ne sais que croire.

- Les Juges-inspiratrices sont des femmes sensées et compétentes. Elles ne condamneraient pas un Gravisien sans raison... N'est-ce pas?

Elle ne me répond pas, elle se contente de me regarder avec ce sourire triste qui ne lui ressemble pas.

- Peut-être qu'il serait préférable que l'on ne se voit plus pendant quelque temps. chuchote-t-elle presque.

- Qu'est-ce que tu dis? Tu n'es pas sérieuse?

- Notre relation, pour beaucoup de femmes, serait bien plus choquante que ce qui vient de se passer à Glean.

- Tu sais que tu n'es pas en danger avec moi, n'est-ce pas?

Elle me prend les deux mains et plonge son regard dans le mien avec tellement de tendresse que j'en oublie presque ma propre question.

- Je ne m'inquiète pas pour ma sécurité, mais pour la tienne. L'exécution d'Ogma crée un précédent. On pourrait t'accuser de manipulation, d'agression sexuelle et je ne sais quoi d'autre... La plupart des gravisiennes n'ont jamais rencontré d'hommes, et celles qui en ont croisé, ne les connaissent pas. Elles sont éduquées dans la peur d'un fantôme, l'Homme fort et violent qui n'existe plus. Elles ne comprendraient pas notre amour. Dans le quartier, elles ne comprennent déjà pas votre relation avec ta sœur... De tout façon on a toujours nos puces... On ne sera pas vraiment séparés.

- Mais on peut oublier notre dernière semaine ensemble? C'est ce que tu veux dire? lui dit-je, ne pouvant retenir mes larmes face à ce que je vis comme une injustice.

- Oui. On peut rester ensemble aujourd'hui mais ensuite, il faudra que l'on se dise au revoir.

J'attendais tellement de cette dernière semaine. Je vois bien que Lise cherche à me protéger. J'ai la preuve la plus évidente sous les yeux, que ce qu'elle ressent pour moi est plus qu'une simple amitié, pourtant je n'arrive pas à apprécier cette déclaration inattendue. Je ne peux me focaliser que sur le fait que la première fois qu'elle parle d'un "Nous", de notre "amour", sera probablement aussi notre dernier moment ensemble avant longtemps.

- Ça arrive seulement plus tôt que prévu.

Elle prend mon visage dans ses mains, comme quand on veut voir nos souvenirs, mais au lieu de ça, encore entourée dans les couvertures de la nuit passée, elle colle son front contre le mien, puis le nez, puis la poitrine et nous nous re-couchons, enlacés sans jamais quitter nos regards. Savourant chaque délicieuses parcelles de l'autre, chaque seconde partagée qui nous sépare du moment inévitable, d'un au revoir accompagné de l'amère certitude que nous ne nous reverrons que dans un futur éloigné.

Jamais personne ne saura mieux qu'elle essuyer mes larmes, réconforter mes craintes, apaiser mes peurs. Dans ses bras, le reste de l'humanité disparaît.

- Tu n'as rien entendu?

- Oui... dans le couloir...

La porte de la chambre s'ouvre brusquement et :

- Mais? ...Mère Nature! Que?... Que faites-vous?

- Maman?!


Woman's spaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant