Cahpitre 2 Lisber

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Chapitre 2
Lisber

    Tout ce dont je me souviens est flou. Une zénitude presque incroyable et envoûtante. Je me rappelle aussi que mon corps fut rapidement apaisé.
    Je ressens... oui, je perçois une délicate fragrance de roses. Une douce mélodie résonne, accompagnant à merveille cette sensation de sérénité... D'où peut-elle bien venir ? Des oiseaux ? Envoûtante, elle glisse doucement vers des notes plus profondes, il ne fait plus aucun doute, c'est bel et bien l'arôme d'un homme. Peu à peu, elle s'intensifie, tandis que la senteur sucrée des roses s'estompe.
    Je tente d'ouvrir les yeux pour percevoir où je me trouve. De toute évidence, mon corps ne me répond pas à la perfection. Même mes petites iris se remettent difficilement avant de voir un homme qui est posté devant moi, raide comme un piquet. Il n'a rien de rassurant. Se pourrait-il que ce soit sa voix que j'entends ?
    Loupé ! Aucun mouvement n'est visible sur ses lèvres ou son visage ; il affiche même un air méprisant. Néanmoins, je tente d'analyser ce personnage étrange, son apparence et ses traits me rappellent parfaitement un personnage en particulier ! Voilà ! Je l'ai identifié, c'est Hou Yin, le prince de mon roman « La déesse lunaire ». Attirée par la source du son, je pose mon regard sur ses mains.
    Tiens, que fait-il avec mon téléphone à la main, lui ?
    Une fois l'analyse de cet individu achevée, je me tourne vers moi-même et l'environnement dans lequel je me trouve. Mais, je n'ai pas le temps d'observer davantage, car je suis envahie par des sensations étranges. Des émotions se mélangent dans mon esprit et dans mon cœur ; je ressens de la colère, de la déception et en même temps, je me sens détachée de cette situation. Pourquoi mon Hou Yin ne me regarde-t-il pas avec amour ? Le doute s'installe, un malaise m'envahit.
    Qui suis-je ?
    Cet homme devant moi n'est-il pas l'amour de ma vie ? Son regard dégage du mépris et du dégoût. Qu'ai-je fait ? Je me sens trahie. Je respire et tente de reprendre mon calme.
    J'inspire et j'expire.
    Peu à peu, je reprends conscience et je réalise que je rêve. Je suis Anna, réincarnée en Chang'e, la déesse lunaire. Je me suis projetée dans le corps de cette femme légendaire. Pourquoi cette sensation de trahison me semble-t-elle réelle et personnelle ? Elle me ronge et me détruit lentement. Je recommence.
    J'inspire et expire, encore plus lentement.
    Je commence à discerner mon vrai moi de celui de Chang'e. Cependant, je réalise rapidement que l'histoire ne se déroule pas comme dans le livre. Au contraire, du sang est sur mes mains. Jamais dans la légende, la princesse n'est victime de névrose meurtrière ni n'est gravement blessée. Je me sens faiblir à chaque instant. Le décor change, tout devient absurde. La musique monte de plus en plus et devient insupportable. J'ai l'impression que quelque chose essaie de sortir de ma poitrine ! Tout à coup, je me sens poignardée et je me recroqueville. Je souffre énormément, les bras autour de mon ventre, me voilà à nouveau seule dans l'obscurité absolue.
    Évidemment, mon rêve ne sera pas qu'un rêve. Je réalise tardivement ce qui se passe ! Je fais encore un de ces cauchemars terrifiants avant son apparition ! Je dois me réveiller avant qu'elle n'arrive ! Vite ! Vite !
    — Anna... Anna... Anna !
    Trop tard...
    Propulsée, j'ai le droit à un trajet éclair vers cette lumière qui ouvre les portes sur le monde réel.
Par tous les diables ! Avec des réveils en sursaut et des retours brusques, je commence à m'y habituer. Mais cette angoisse devient de plus en plus incontrôlable et terrifiante. Mes mains sont posées sur mon ventre et la sueur coule de mon front. Je halète plusieurs fois avant de réaliser que le chant provient de mon portable.
    J'espère vraiment que c'est Aymeric qui essaie de me contacter, cela apaiserait ma colère. Mais je ne trouve pas mon téléphone !
    — Si je le retrouve... Je le...
    Je m'interromps dans mes jurons en réalisant que j'ai renversé la bouteille sur mon livre.
    — Merde ! Quelle nouille !
    Je le sauve précipitamment de cette noyade. La bouteille en main, brusquement refermée, je concentre de nouveau mon attention sur le pauvre boîtier technologique. Mon portable vibre toujours. Trouvé ! Il joue à cache-cache avec mon livre. Je suppose qu'il est tombé lorsque je me suis endormie. Mon téléphone a dû se glisser sous mon récit à ce moment-là.
    Cet appel finit par susciter un sentiment de bonheur. Persuadée que c'est Aymeric, je résiste au sentiment de déception quand je constate que ce n'est pas son nom qui s'affiche sur l'écran.
    Agathe.        
    Sœur d'Aymeric et ma meilleure amie, nous avons toutes les deux le même âge. C'est une jeune femme mince avec de longs cheveux bruns ondulés. Il m'arrive d'éprouver un peu de jalousie face à sa beauté, sa finesse et ses magnifiques yeux vert émeraude. Je dois avouer que parfois, j'ai l'impression qu'ils brillent la nuit. Je ne sais pas si c'est mon imagination, mais j'aime les admirer tout comme ceux de son frère. Ils me donnent une certaine paix, va savoir pourquoi... Notre amitié a débuté par une démarche un peu malhonnête. Au lycée, j'ai pris l'initiative d'approcher Agathe Warner. Je l'ai utilisée pour me rapprocher de son frère. Je remarquais Aymeric lorsqu'il venait la chercher chaque soir, et j'ai commencé à ressentir une attirance physique pour lui.
   
    Agathe et moi sommes devenues des amies proches durant le lycée. Après avoir obtenu notre diplôme, nous avons continué à nous voir et à traîner ensemble. Peu de temps après, Aymeric et moi avons formé un couple, et Agathe est devenue ma confidente ainsi que ma belle-sœur. Je lui ai finalement révélé ma tromperie. On m'a toujours dit : « Faute avouée à moitié pardonnée. » Une vérité qui m'a valu quelques jours de dispute avant qu'elle ne me pardonne. Agathe s'est confessée à son tour et ne m'en a pas vraiment voulu. C'est une jeune femme, un peu espiègle, qui, si les rôles avaient été inversés, aurait probablement agi de la même manière. Elle me rappelle une sœur qui, bien que différente physiquement, me ressemble intérieurement.
    Je trouve étrange de parler de mes problèmes de couple avec la sœur de mon petit ami. Parfois, elle utilise mes plaintes contre Aymeric pour le manipuler, ce qui m'arrange. Se sentir soutenue dans ces disputes me fait du bien. Je ne compte plus le nombre de fois où Aymeric m'a demandé d'arrêter de tout lui raconter. Mais, à part diminuer mes frustrations, je ne peux pas faire autrement. Agathe est ma meilleure amie. Je décroche enfin mon portable.
    — Laisse-moi deviner, si tu as mis autant de temps pour me répondre, c'est que tu t'es encore assoupie !
    — Arrête de te moquer, franchement l'ambiance était idéale pour piquer un petit somme.    
    Pas besoin de la connaître par cœur pour comprendre qu'elle se moque de moi derrière son téléphone, son ricanement étouffé en dit long.
    — Ton frère ne m'a pas encore appelé, sais-tu ce qu'il fait ?
    — Oh, bah si ! Il joue au ballon avec ses potes. Le spectacle en vaut la peine, on dirait des chiots courant après leur jouet... Cet appel a un tout autre but que de répondre à tes questions de petite amie contrariée. Est-ce que tu veux dîner chez moi samedi soir ? Au menu, pizza. Mes parents seront absents, ils partent en début de soirée.
    J'adore Agathe et je suis folle d'Aymeric, mais lorsque je reçois l'une de leurs invitations, je traîne toujours les pieds. Chaque fois que j'y vais, je ressens des vibrations étranges. Bien sûr, je garde tous ces doutes pour moi, sinon ils diront encore que je débloque. Pour éviter cela, j'accepte toujours sans trop rechigner.
    — D'accord, de toute façon, je n'ai rien de plus intéressant à faire. Ce week-end, il y a les portes ouvertes chez l'herboriste, Monsieur Sullivan !
    — Étonnant, tu n'as pas envie d'aider ton père ? Gratifier les petits asticots blancs de tes jolis doigts bien entretenus.
    Pourquoi la petite blague d'Agathe ne me surprend-elle même pas à ce moment-là ?
    — On se retrouve samedi ! Je dois y aller, les cours commencent !
    — Tu m'envoies l'heure par message et tu ne ...
    Je n'ai même pas eu le temps de terminer ma phrase qu'elle a déjà raccroché. Je n'arrive vraiment pas à supporter cet aspect d'Agathe. Je déteste sincèrement quand on me raccroche au nez. C'est incroyablement impoli ! Et bien plus que cela ! J'ai souvent entendu dire que ce type de comportement était lié à des mensonges. Avant de ranger mon portable, je remarque l'heure. Aïe ! Visiblement, je suis en retard, merci Morphée !
    Je sens mes paupières devenir lourdes, la lumière bleue des écrans fatigue mes yeux. Mon corps sait instinctivement qu'il est temps de conclure mon travail. Une petite larme glisse sur ma joue et je ressens une certaine lourdeur. Après avoir tapé le dernier mot, c'est enfin fini. J'étire mes bras avec vigueur sur ma chaise. En les levant, j'entends mon dos se craqueler sous l'effet du mouvement. J'éteins l'ordinateur en appuyant sur le bouton OFF, je mets le dossier dans la pile « à finir » et je rassemble toutes mes affaires avant de rentrer. Il ne reste qu'une journée avant le week-end.
    Tous mes collègues occupés en réunion, je m'éclipse discrètement. En prenant mon vélo, j'observe l'arbre perdre ses feuilles. La poésie réside dans leur chute, les couleurs dorées virevoltant s'accordent parfaitement avec le coucher du soleil. L'air frais à vélo offre à mon esprit un moment de repos. Épuisée, je ne réalise pas la brutalité avec laquelle je le range contre l'abri de jardin. Cela me procure un sentiment de déjà-vu.   

Monomanie Où les histoires vivent. Découvrez maintenant