II-3-Soirée ensanglantée

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Le soir même,

Erin regardait autour d'elle. Jamais de toute sa vie elle n'avait eu le droit à une chambre si grande. Ses quelques valises posées dans le coin de la pièce paraissaient bien trop petites en comparaison de la surface des lieux. L'immense lit double et son cadre boisé trônaient en son centre, tandis qu'une petite porte sur le côté donnait sur une grande salle de bain, avec tout le nécessaire de toilette et bien plus encore. Comme toutes les chambres, elle avait eu le droit à une fenêtre non condamnée. D'ici quelques temps, elle pourrait observer avec contentement les levés de soleil chaque matin.

L'après-midi s'était envolé en quelques secondes à peine. Mrs. Crawford leur avait remis l'ensemble de leur matériel de travail : plusieurs carnets chacun, ainsi qu'un stock de stylos de toutes sortes. Très vite, la jeune femme avait réalisé que la technologie avait déserté les lieux. Aucun ordinateur, nulle part. Ecrire allait leur prendre bien plus de temps que prévu. Aucun téléphone fixe non plus. Le courant électrique qui alimentait faiblement la maison provenait d'un vieux câble souterrain, et parfois les lampes grésillaient. En prévention d'une éventuelle coupure, de nombreuses bougies était positionnées sur chaque meuble, ainsi qu'un paquet d'allumettes sur le lit.

Disposant ses affaires sur son bureau, Erin repensa alors à son thème : la luxure. De tous les péchés, voilà le seul qu'elle aurait bien aimé éviter. Comment rédiger quoi que ce soit qui ne tombe pas dans l'indécence avec ce sujet-là ? Elle avait une semaine pour rédiger un premier texte, et l'idée la repoussait. Elle préférerait sans doute faire l'autruche le reste de la semaine. Il lui restait bien d'autres choses à préparer pendant ces vacances qu'on leur accordait. Premièrement, il lui fallait trouver un manuel de français. En jetant un coup d'œil à son emploi du temps, elle avait constaté que ce cours ci y figurait. Elle devrait donc essayer d'acquérir quelques bases rapidement, pour que ces leçons ne lui posent pas trop de problème.

Ouvrant la grande armoire au mur, elle commença à accrocher ses vêtements. Certaines autres tenues avaient visiblement été achetées pour eux. Deux robes pendaient déjà sur des ceintres. Peut-être porterait-elle celles-ci pour des grandes occasions ?

Alastair Darcy avait vraiment tout prévu.

Dix-neuf heures trente approchait. Dans quelques minutes se tiendrait leur premier vrai repas, si l'on ignorait les sandwiches qu'on leur avait servi en précipitation le midi. Ce premier repas constituait certainement une première occasion de porter une des tenues de fête prévues par Darcy.

Après une douche rapide, Erin alla chercher son vêtement. Elle sélectionna celle qui avait des manches longues et tombait de ses hanches jusqu'à ses mollets. L'ensemble la rendait élégante mais aussi presque séduisante.

Le maître des lieux avait bien choisi.

Sans oublier dans un coin de sa tête la promesse qu'elle avait faite de s'en sortir en charmant ses camarades et Darcy, elle s'admira dans le miroir mural. La décoration ancienne et sa robe très années trente lui donnaient comme l'impression de jouer dans un pièce de théâtre avec pour sujet les années folles. L'idée même d'interpréter un personnage lui donna assez de courage pour renforcer sa carrure de séductrice.

Sortant de sa chambre, talons enfilés, elle décida de se rendre dans la vaste bibliothèque du manoir en attendant que le repas soit servi. Par chance, celle-ci se trouvait à l'étage des chambres des femmes. Par ailleurs, celle-ci se trouvait également être la seule pièce des lieux que les hommes avaient le droit de visiter. Mrs. Crawford avait lourdement insisté sur cette règle posée par Alastair Darcy : aucune relation sentimentale ou physique entre les membres ne serait acceptée lors de l'année. Selon l'écrivain, celles-ci nuisaient à la créativité et amenaient à l'oisiveté.

Huis Clos, Sept MotsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant