III-2-Beauté

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Waiver Manor, 3 janvier 2024,

Jour après jour, la bibliothèque du Waiver Manor continua à être témoin d'échanges intimes entre ses habitants. Comme les nombreux livres qu'elle accueillait, elle aussi conta ses propres histoires. Ainsi, l'après-midi déjà bien avancé et le soleil commençant déjà à s'enfuir à l'horizon, Isaac et Imogen se retrouvèrent dans ce lieu.

Quand bien même ils n'étaient arrivés que deux jours auparavant, tous deux organisaient déjà leur vie autour des mêmes habitudes. Ils passaient leur journée ensemble, avec parfois Sebastian qui les rejoignait. S'ils avaient tous deux craints la présence de Felix, trop riche pour son propre bien, celle-ci ne s'était finalement pas avérée si désagréable que cela. Il faisait rire tout le monde. Toutefois, Isaac aurait aimé lui reprocher ses regards insistants et ses remarques déplacées sur son amitié avec Imogen.

Mais s'énerver reviendrait à admettre qu'il avait raison...

Plus les heures passaient, plus le rouquin se perdait dans la contemplation de son « amie ». De sa peau brune à ses cheveux bouclés, il admirait chacun de ses traits. Elle-même ne semblait avoir conscience de sa propre beauté. Il n'oserait évidemment jamais lui révéler ce qu'il pensait d'elle, de peur de la faire fuir. Si ses sentiments se développaient si rapidement, peut-être valait-il mieux laisser Imogen prendre le temps de découvrir les siens.

Et en même temps...

Il était terrifié.

Jamais, de toute sa vie, quelque chose ne lui avait fait si peur que cet amour qui naissait en lui. Il l'avait pris par surprise, le jour de leur rencontre. Immédiatement, le monde avait retenu son souffle avec lui, tandis qu'il l'observait. Il aurait pu se perdre dans ses yeux presque noirs pour toujours. Mais à aimer tant, de manière si brutale, il réalisait qu'il n'y avait que deux fins possibles. Les deux constituants une explosion.

Il pensait que ce genre d'amour n'existait que dans les livres. Que ressentir des choses aussi forte n'arrivait jamais, à moins d'être dans un rêve. Mais maintenant que elle — bien réelle — hantait ses songes, il ne savait plus quoi croire.

Sa mère, quand il était petit, lui avait raconté qu'elle et son père, ç'avait toujours été le grand amour. Dès le premier regard. Que quand, dans ce bar des années plus tôt, il avait fait volte-face pour la regarder, la terre avait cessé de tourner. Qu'instantanément, elle avait compris qui il était, sans même connaître son nom.

L'amour au premier regard.

Le coup de foudre.

La beauté incarnée.

Voilà ce qu'Isaac ressentait aussi quand il étudiait les traits fins d'Imogen, penchée sur son carnet. Un ouragan d'émotions qui le faisaient se sentir plus vivant que jamais.

« Tu n'écris pas ? » demanda-t-elle soudain.

Le jeune homme rompit le contact visuel et, passant une main derrière sa nuque, bégaya :

« Je ne suis... pas vraiment... inspiré. Tu vois ? »

Son interlocutrice hocha la tête et se repencha sur ses écrits.

A trop la contempler, il en avait oublié pourquoi il se trouvait dans ce manoir avec elle.

Pour devenir un grand écrivain.

Huis Clos, Sept MotsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant