Des cendres de doutes, une certitude inébranlable s'élevait.
C'en était conclu, consumé, le cycle cruel de combats fratricides finalement fermé. Cinq compagnons, convertis en souvenirs silencieux sous le sol, soulignent sa solitude dans la vaste violence du vrai monde. Les liens lacérés du passé pavent le parcours prometteur d'Aifos, se forgeant un futur où enfin elle sera libre.
Elle savait que Minit était la seule capable d'à la fois la battre et se rebeller contre le conditionnement génétique d'Erèp, en décidant de partir loin d'ici, Minit avait déjà accompli quelque chose de très fort. Elle était très fière d'elle. Elle lui manquera, comme tous les autres. Elle avait ses remords mais elle savait qu'elle n'avait pas tort.
"J'espère qu'elle nous montrera que l'espoir existe encore, même si c'est ailleurs que ce lieu mort." pensa-t-elle profondément.
Soudain, elle se sent seule, si seule, désespérément seule dans ce monde froid, isolée de toute chaleur humaine, elle-même se demandant si elle était vraiment humaine, que ce soit par son essence ou par ses actes.
Qu'avait-elle fait ? Etait-ce vraiment ça le prix de la vérité et de la liberté ?
Elle savait bien que si elle ne l'avait pas fait, Erèp aurait continué à les instrumentaliser pour leur ordonner de répandre l'immense semence de la violence au nom de la Paix, au nom du PEHPU d'Erèp, au nom de l'UAP.
Elle savait qu'au fond, elle avait décidé, la liberté et la vérité étaient plus fortes que la paix.
"Est-ce que la fin justifiait vraiment toujours les moyens ? Rien de moins certain." pensa-t-elle.
S'enfuyant désormais de la jungle épaisse et dense, Aifos se remémore en même temps et vivement les jours passés sous l'aile d'Erep.
Elle se souvenait très fortement de ce qu'il lui avait dit quand elle doutait d'elle-même :
"Souviens-toi, ta grandeur à toi, Aifos, elle ne réside pas dans la puissance, mais dans la capacité à choisir ton propre chemin."
Elle se souvient aussi, à l'école où les créations d'Erèp, sans le savoir, étaient réunis, parfois il leur faisait cours, c'était toujours très unique :
"La vie est le plus complexe des algorithmes. La comprendre, c'est comprendre l'univers."
Ces paroles, jadis empreintes de sagesse, lui rappellent désormais la froideur de sa propre existence, façonnée et contrainte par les ambitions d'un homme.
Ou lorsque celui-ci lui donna sa première mission au sein de l'UAP : "Fais-moi honneur," avait-il dit, sa fierté évidente dans son regard.
Mais surtout, au sein des sables mouvants de ses souvenirs, une tâche teintée de terreur demeure indélébile, marquée d'un fer incandescent, rougeoyant d'un éclat aussi sanguin que le sang luminescent qui irrigue ses veines. C'était la mission de Bourgoin-Jallieu, un ordre impérieux, un commandement cruel émanant d'Erèp, dont la voix, autrefois guide et gardien, s'était muée en messager de mort.
Elle fut sommée, telle une ombre sous le soleil implacable, de s'infiltrer, de détruire l'unique source d'eau vitale pour une communauté baptisée rebelle, étiquetée antagoniste, par ceux qui se drapaient dans la bannière de la paix.
Ce fut un acte qui scinda son âme en deux, une déchirure profonde dans le tissu de son être, la confrontant, face à face, à l'abîme de l'horreur de ses propres actes. Pour la première fois, elle vit clairement le masque de la paix se fissurer, révélant les dents acérées de la tyrannie dissimulée dessous. Dans le silence de la nuit, elle approcha le sanctuaire aquatique, sa présence moins qu'un murmure contre le chant de la nature nocturne.
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Aifos : Sous le voile du soleil rouge
Ciencia FicciónLes cendres qui tombent du ciel, échappées des flammes du soleil lui-même, semblent pleurer sur un monde en déclin. Chacune de ces cendres raconte une histoire de chute. Sous ce disque céleste, teinté d'un rouge sanguin, 99% de l'humanité s'est ét...