Après une demi-heure de route, l'équipe Z était enfin arrivée à la décharge qui se trouvait en dehors de la ville.
Décontenancés à la vue de tous les déchets réunis dans ce lieu, ils imaginaient à quel point cette mission allait être difficile.
« On cherche quoi déjà ? demanda l'agent Clark, qui scrollait sur son téléphone, en mâchant son chewing-gum.
- On l'a déjà répété mille fois ! répondit l'agent Gray. On cherche le DVD de Dirty Dancing que la Patronne a laissé tomber dans sa poubelle.
- Mais pourquoi elle en rachète pas un ? se plaignit l'agent Murphy.
- Parce que ce DVD a une valeur sentimentale pour elle, expliqua l'agent Gray.
- Mdr, reprit l'agent Clark en faisant une bulle de chewing-gum. Elle veut juste nous faire chier parce qu'un agent lui a dit qu'elle avait pris du poids.
- Peu importe les raisons, elle veut absolument ce DVD, donc on doit le retrouver.
- Mais ça va nous prendre des plombes ! geignit l'agent Murphy.
- Raison de plus pour s'y mettre maintenant, pas vrai agent Ortega ?
Adossé à sa moto, les bras croisés, l'agent Ortega demeurait mutique.
- Dépêchons-nous de trouver ce DVD pour pouvoir enfin foutre le camp, répondit-il finalement.
Alors les quatre agents secrets pénétrèrent dans la vaste décharge à la recherche du précieux disque de leur supérieure.
L'agent Gray était dégoûtée : elle avait pourtant l'habitude de se salir les mains, mais tous ces débris, le nombre abondant de mouches, et l'odeur insupportable de ce lieu la répugnaient au plus haut point. Autour d'elle, il n'y avait que des sacs plastiques, des vêtements, des seaux et des bouteilles d'eau. Il lui était bien arrivé de tomber sur des roues de voiture, des bouteilles de bière, voire même une machine à laver, mais à part ça, elle n'apercevait rien de spécial, et surtout pas un DVD de Dirty Dancing.
Toutefois, ce n'était pas tant cette mission des plus farfelues qui dérangeait l'agent Gray. C'était l'attitude de l'agent Ortega.
D'habitude, il était drôle et joyeux. Mais là, il n'avait pas fait une seule blague depuis leur arrivée, semblait de mauvaise humeur, et ne l'avait pas appelée "ma jolie rouquine", comme il le faisait à chaque fois qu'il lui adressait la parole. En temps normal, elle s'en serait réjoui, se disant qu'il allait enfin faire preuve de sérieux durant les missions. Mais il n'en était rien, la jeune adolescente était inquiète, et savait que ce changement soudain avait une tout autre raison.Pour en être certaine, elle s'approcha du garçon qui fouillait dans un tas de bouteilles en plastique.
- Eh, agent Ortega, tu vas bien ?
Le jeune homme ne daigna pas la regarder, et se contenta de froncer les sourcils.
... Tu m'en veux de ne pas être venue à ton anniversaire, c'est ça ? poursuivit l'agent Gray. Écoute, j'avais une mission ce soir-là, je n'pouvais pas...
- Donc je n'vaux pas plus à tes yeux qu'une mission, fit l'agent Ortega en pressant une bouteille entre sa main, tel un citron.
- Mais non, pas du tout ! C'est juste que comme beaucoup d'agents voulaient venir à ta fête, je pensais que même sans moi, t'allais bien t'amuser avec les invités.
- Y avait pas d'invités ! explosa l'agent Ortega en se retournant pour faire face à son interlocutrice. Je n'ai jamais organisé de fête d'anniversaire ! Tout l'monde a fait semblant pour que tu n'te doutes de rien ! La vérité, c'est qu'j'ai organisé tout un dîner pour être avec toi ! J'ai acheté une dizaine de chandelles, juste pour toi ! J'ai fait le ménage dans toute ma maison, juste pour toi ! J'ai cuisiné des lasagnes à la bolognaise et un tiramisu, tout ça, juste pour toi !
Plus il s'approchait d'elle, plus l'agent Gray devait reculer. Elle sentait dans le ton de son ami une immense colère, et pourtant, elle voyait des larmes perler sur ses joues. Elle ne l'avait jamais vu pleurer auparavant.
L'agent Ortega marqua une pause, et se retourna à nouveau, le poing serré, avant de reprendre un peu plus calmement :... Je sais qu'c'était mon anniversaire, mais ce soir, j'voulais le passer avec toi. J'voulais te faire rire toute la soirée, te dire que tu es belle des milliers de fois, faire les louanges de ton intelligence,... je voulais te dire que tu es la fille de mes rêves, Emma. Que j't'aime passionnément. Et tu peux pas savoir à quel point ça m'a fait mal que tu ne sois pas venue, parce que t'étais la seule personne que j'voulais voir ce soir-là. C'est pourquoi qu'j't'ai attendue. Toute la nuit.
Emma Gray baissa la tête. Elle culpabilisait tellement à présent.
- Tony, expliqua-t-elle, moi aussi j't'ai menti. En réalité, j'avais pas d'missions ce soir-là. J'avais passé toute la journée à te chercher un cadeau. J't'en avais acheté un il y a deux mois, mais l'agent O'Malley te l'avait déjà offert, alors j'ai dû en chercher un autre. Sauf qu'à chaque fois que j'en trouvais un, un autre avait le même. Au final, j'me suis retrouvée à passer une journée dans un centre commercial, en essayant de te trouver un cadeau. J'voulais tellement qu'il soit parfait que j'ai pas vu l'heure passer, et j'avais trop honte de venir à ta fête sans cadeau.
- Pourquoi t'as pas simplement pris un porte-clés ? fit Tony Ortega. C'est l'intention qui compte.
Emma regarda son ami droit dans les yeux avant d'avouer :
- J'voulais qu'le cadeau soit parfait, parce que je souhaitais vraiment te faire plaisir... là où j'veux en venir, c'est qu'tu m'plais aussi, Tony. Et j'suis désolée de ne pas être venue à ton anniversaire.
Le garçon écarquilla les yeux. Il n'arrivait pas à croire qu'Emma venait de prononcer la phrase qu'il rêvait d'entendre depuis des lustres. Il serra la jeune adolescente dans ses bras.
- Tu es toute pardonnée, ma jolie rouquine.
Emma sourit : il l'avait appelée "ma jolie rouquine" ! Comme avant !
... À une condition, reprit Tony.
- Laquelle ?
- Accepte de venir manger chez moi ce week-end, le temps qu'je trouve une recette de crumble aux pommes.
La jeune femme se mit à rire.
- D'accord.
Mais alors que les deux amoureux profitaient d'une étreinte passionnée, leurs coéquipiers, l'agent Clark et l'agent Murphy, arrivèrent. Et c'est à cet instant que leur supérieure les appela.
- Excusez-nous, Patronne, dit Emma. On a pas encore trouvé votre DVD.
- Évidemment, bande d'idiots ! vociféra la directrice de l'API*. Il y a deux décharges en dehors de la ville, et vous vous êtes rendus à la mauvaise. Heureusement que les membres de l'équipe Y sont allés dans l'autre décharge, et m'ont finalement ramené mon DVD. Ils ont réussi à faire en trente minutes ce que vous n'auriez jamais fait en deux heures. Vous êtes décidément les pires agents que j'ai connus ! Merci pour rien en tout cas !
Puis, elle raccrocha dans un grognement bestial.
- Bon, eh bien notre mission s'achève ici, se réjouit l'agent Clark en sortant son téléphone. J'vais enfin pouvoir continuer mon Webtoon.
- Moi, j'dois y aller, fit Emma en regardant sa montre. Ma mère va bientôt rentrer.
Mais alors qu'elle courait vers sa moto, elle sentit quelqu'un lui saisir le poignet.
- Attends, lui dit Tony. Ça t'dis un ciné demain, comme on a pas cours ?
La jeune adolescente se rapprocha de son amoureux pour déposer un baiser sur le coin de ses lèvres, avant de répondre :
- À une condition.
- Laquelle ?
- On prend du pop-corn sucré, et c'est non négociable.
- Tes désirs sont des ordres, ma jolie rouquine, déclara Tony en faisant un clin d'œil à Emma. »
Le jeune espion déposa un dernier baiser sur la main de sa bien-aimée, avant de la laisser rentrer chez elle, désirant déjà être demain pour la revoir.
*API : Agence de Protection Internationale
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Les victimes de Cupidon
RomanceComme certains le savent déjà, j'ai organisé un concours d'écriture, le Pink Lock, dans le but d'aider les écrivains à booster leur créativité en rédigeant des scènes de moins de 1300 mots autour de ce vaste thème qu'est l'amour. Et comme certains l...