Évolution

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Par la fenêtre de sa chambre, Kyra regardait Mattéo, son voisin, et depuis quelques mois, son petit ami. Ça faisait maintenant deux semaines qu'il s'entraînait tous les après-midis à faire du roller, pour la compétition organisée par la ville. C'était elle qui lui avait appris à en faire. Elle s'en souvenait comme si c'était hier. Et elle se rappelait que ça n'était pas gagné d'avance...

« Aïe !

Mattéo était tombé par terre... pour la sixième fois de l'après-midi.

Ça faisait au moins deux heures qu'elle essayait de lui apprendre à faire du roller, mais chaque chute le décourageait davantage.

... Tu vois ! s'indigna-t-il. C'est impossible !

- Mais si, c'est possible ! lui assura Kyra en l'aidant à se relever. Il faut juste que tu réessaies encore et encore. C'est comme le vélo, ça prend du temps. Allez, tu peux le faire !

Dans un soupir d'agacement et de frustration, le garçon saisit les mains de sa petite amie, pour garder l'équilibre. Puis, cette dernière commença à reculer lentement, l'obligeant à reproduire ses mouvements. Les jambes tremblantes, Mattéo ne cessait de fixer ses pieds, craignant de faire un faux pas qui lui vaudrait une nouvelle chute.

- Regarde devant toi, lui conseilla Kyra. Sinon tu vas te prendre un poteau un d'ces jours...

Le jeune collégien s'exécuta, et leva les yeux vers sa petite amie.

... Voilà, dit-elle, c'est bien. Concentre-toi sur moi.

À cet instant, les deux amoureux se fixèrent intensément. Mattéo ne regardait plus ses pieds à présent : il n'avait d'yeux que pour elle. Elle, avec ses yeux d'un profond marron qui sublimaient son regard hypnotisant ; elle, avec ce sourire radieux qui faisait chavirer son cœur chaque jour ; elle, la fille de ses rêves, la fille qu'il ne cessait d'appeler "Mon petit Kinder", autant pour sa tendresse que pour l'obscure et fascinante couleur de sa peau.

Mattéo ne sentait plus ses pieds avancer, ni son souffle se couper, ni même son cœur battre à cent à l'heure. Il sentait juste les douces mains de Kyra, qui l'emportait avec elle dans sa danse majestueuse. Et alors qu'il pensait et espérait intimement que ce moment durerait une éternité, le regard de sa petite amie se fit plus intense.

... Tu te débrouilles super bien, déclara-t-elle. Maintenant, tu vas essayer d'avancer tout seul, OK ?

Malgré ses appréhensions, le garçon hocha la tête. Ainsi, à son grand désarroi, leurs mains se séparèrent, et il se retrouva seul au centre du skate park, l'élue de son cœur s'éloignant un peu pour lui laisser de l'espace. Mais comme il s'y attendait, Mattéo perdit immédiatement l'équilibre. Effrayé, il commença à agiter les bras, alertant ainsi Kyra. Il tenta d'avancer, mais ses rollers le firent reculer. C'est avec terreur que Kyra se rendit compte qu'il se dirigeait vers des escaliers à six marches. Ses rollers à ses pieds, elle fonça dans sa direction.

- KYRA, AU S'COURS ! cria le garçon, les yeux écarquillés.

- MATTÉO, NOOOOOON !

Mais il était trop tard, le jeune collégien tomba en arrière, et finit à terre.

En quelques secondes seulement, Kyra le rejoignit, et s'agenouilla devant lui, le visage pâle.

... Mattéo ! Mattéo ! S'il te plaît, réponds-moi !

Elle vit alors le torse de son petit ami se redresser doucement, une main frottant le coin de sa tête. Elle ne lui laissa même pas le temps de répondre qu'elle l'enlaça comme si elle avait failli le perdre à tout jamais. Ses bras autour de son cou, elle s'excusa une douzaine de fois.

- T'inquiètes, c'est pas d'ta faute, dit-il dans un soupir. C'est juste que j'arriverai jamais à faire du roller...

Kyra releva la tête.

- Si tu sens qu'c'est trop dur pour toi, t'es pas obligé d'continuer. C'est pas grave si tu sais pas faire du roller. J'aurais jamais dû insisté pour que tu réessaies.

Mais alors que chacun des deux s'abandonnait dans les bras de l'autre, le jeune couple vit un papillon virevolter à quelques mètres d'eux. Ils se regardèrent dans les yeux.

- Le papillon ! firent-ils d'une seule voix.

Le papillon, c'était leur porte-bonheur depuis toujours. Ils en avaient vu un le jour de leur rencontre, un autre le jour où ils s'étaient avoué leurs sentiments, et encore un le jour où ils s'étaient mis en couple. Pour eux, à chaque fois qu'ils voyaient cet insecte, cela annonçait un bon présage. Alors, Kyra prit la venue de ce beau papillon comme le signe que tout n'était pas perdu pour son amoureux. Elle se tourna donc vers lui, et lui dit :

- Tu sais, quand j'étais p'tite et qu'j'n'arrivais pas à faire quelque chose de difficile, ma mère m'embrassait sur la joue, pour me donner du courage. À l'époque, elle app'lait ça "le baiser de Maman".

La jeune fille plongea son regard dans les magnifiques yeux azurs de son beau blondinet, avant de l'embrasser.

... Ça, c'est "le baiser de Kyra", déclara-t-elle en lui souriant.

Mattéo ne sut quoi répondre : une fois de plus, la fille de ses rêves lui avait fait l'honneur de déposer ses lèvres sur les siennes. Alors il se contenta de lui rendre son baiser, qui fut, pour son plus grand bonheur, plus long que le premier.

- T'as raison, c'est vrai qu'c'est encourageant un baiser.

- Alors, tu veux bien qu'on réessaie ? s'enquit-elle en lui tendant la main. »

Sans hésitation, Mattéo la saisit, à la surprise de Kyra.

C'est donc main dans la main qu'ils se relevèrent pour passer le reste de l'après-midi à faire du roller ensemble, jusqu'à ce que Mattéo réussisse enfin à en faire seul...

Et que cela devienne sa passion.


Les victimes de CupidonWhere stories live. Discover now