Cher gournal,
Un de mes sujets de méditation favori reste le temps : le concept du temps, la réalité ou non du temps.
Si je t'en parle aujourd'hui c'est dû à la commémoration des vingt ans de l'assassinat du préfet Claude Érignac. Bigre, 20 ans déjà ! Je m'en souviens pourtant très bien et je n'aurais pas daté ce terrible évènement de 1998 si l'on m'avait posé la question à brûle-pourpoint. Donc mon cerveau brouille les cartes et me laisse une impression du temps différente selon les émotions vécues. Certes, écrire cela est d'une platitude absolue mais si l'on en prend acte pour essayer d'aller plus loin dans la réflexion, et c'est ce à quoi je m'astreins en toute chose, on en arrive forcément à la question de savoir si le temps existe ou s'il n'est qu'une propriété émergente voire une pure illusion de notre esprit.
Je repense au paysan du Moyen Âge que j'évoquais dernièrement. Lui dont le quotidien se répétait sans jamais devoir apporter quelque nouveauté, si ce n'est les naissances et les décès, avait-il une impression du temps différente de la mienne ? Des historiens ont-ils déjà publié un Le temps au fil du temps ?
Et les animaux ? Un chien peut-il trouver le temps long ? Sa vie courte ?
Pire encore, je me suis souvent demandé si les éphémères pouvaient avoir conscience que leur vie ne durerait que quelques heures, un jour tout au plus (ils restent auparavant trois ans à l'état de larve, c'est beaucoup pour si peu ensuite...). Leur seule occupation durant cette journée est d'arriver à se reproduire (et après on dit que les mecs ne pensent qu'à ça...), perpétuer l'espèce, seul et unique but de leur si brève existence. Ont-ils le sentiment du temps qui passe ? Sans doute que leur métabolisme leur donne une impression différente du temps, un temps qui n'aurait pas la même vitesse de défilement que ce que nous percevons nous-mêmes.
Mais si chaque espèce a un sentiment différent du temps c'est que la réalité, si tant est qu'il y en ait une, n'est pas celle que notre cerveau tend à nous imposer. Les équations relativistes d'Einstein ne résolvent absolument pas la question. Dans une fusée qui s'approcherait de la vitesse de la lumière, le temps de la fusée ne serait plus le temps de la Terre mais cela ne changerait strictement rien au fait que j'aurais toujours besoin de trois heures à la pendule de la fusée pour lire un livre (enfin pas un livre de Marc Levy, je parle de littérature là) et pour mon cerveau ces trois heures seraient trois heures !
Pourquoi et comment mon cerveau crée-t-il une perception de ce que sont trois heures ?
Et notre conscience peut-elle dissocier le temps de la mort, de la finitude de toute chose ? Perdre son temps, ne pas pouvoir rattraper le temps perdu. Sans finitude, sans la mort, quelle importance cela aurait-il que le temps passe vite ou non ? Peut-être est-ce une obligation pour la perpétuation de l'espèce humaine que notre cerveau construise cette impression de défilement du temps, sablier cruel, afin de nous contraindre à agir pendant, justement, qu'il en est encore temps. Sans cette épée de Damoclès qu'est l'inexorable avancée vers le néant, et dont nous avons conscience par ce défilement du temps, autant opter alors pour le confort de la procrastination perpétuelle. Attitude qui serait de fait néfaste à la société donc à la survie de notre espèce (si l'on admet que l'Homme est fait pour vivre en société).
Pour en rester sur le sujet du temps, le temps passe et toujours pas de nouvelles de JF !
Non seulement il n'a pas répondu à mon courriel mais depuis deux jours que je tente de l'appeler sur son portable, je tombe sur sa messagerie. Il y a là quelque chose d'anormal. J'espère qu'il n'est pas malade ou qu'il n'a pas eu d'accident lié aux intempéries. Il habite Arcueil, en région parisienne, et il est vrai que depuis 48 heures neige et verglas ont ralenti ou figé la vie de nombreux Franciliens.
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Mon journal intime
AcakMon journal intime. J'expliquerai pourquoi je le nomme affectueusement "gournal".