LUX

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- Monsieur, la nuit s'apprête à se coucher. Vous n'avez pas dormi ?

La voix de Claudia s'élevait dans la pièce à mesure que le bruit de ses talons aiguilles parvenait aux oreilles de Lux.

- Monsieur, ne restez pas sur le balcon, entrez. Voulez-vous que je vous prépare une boisson chaude ?

Les épaules du jeune homme furent rapidement recouvertes d'un linge douillet qui voulait le protéger du froid fracassant dans lequel le plongeait le balcon.

- Mon Dieu Monsieur, avez-vous passé votre nuit à écrire de nouveau? Monsieur, je vous en prie, entrez. Je vais vous préparer quelque chose.

Alors Lux se laissa traîner à l'intérieur de la pièce par les bras doux de Claudia. Lorsque la chaleur de la pièce l'entoura, ses oreilles se mirent à siffler, à brûler, comme si de vicieuses petites bêtes se glisser tout près de ses immondes oreilles légèrement décollées pour en dévorer l'intégralité. Son regard croisa le miroir majestueux qui surplombait le mur gauche de sa chambre et alors que ses yeux dessinaient les courbes interdites de son visage, il lui sembla que son reflet se moquait de lui.

Ses joues avaient été rougies et maltraitées par les bourrasques de vent qui s'étaient, des heures durant, fracassées sur sa peau d'ivoire. Sans qu'il ne puisse rien faire de plus, il déposa son carnet sur le petit meuble de bois à sa droite, et ses yeux se gonflèrent de larmes.

- Avez-vous passer votre nuit à écrire Monsieur ? Claudia s'empressa de revenir dans la chambre, une tasse de chocolat chaud avec beaucoup, beaucoup, trop de chocolat en poudre, et très peu de lait. Exactement comme Lux l'aimait.

- Oui. Il finit par répondre, dans l'adversité qui l'opposait à son miroir. L'inspiration me vient davantage la nuit Claudia, je ne me l'explique pas.

Claudia frotta gentiment le dos du jeune homme ne déposant la tasse tout près du carnet noir qu'elle n'oserait, pour rien au monde, ouvrir. Parce que le jeune homme entrerait dans une colère noire, ou parce qu'il se précipiterait au bord de la fenêtre pour se jeter à travers les rembarres et rencontrer son destin dix mètres plus bas, peut importe la raison, Claudia savait qu'il ne fallait jamais, jamais, toucher aux écrits du fils de ses maîtres.

La pauvre dame, épuisée par tant d'années de travail que son visage semblait dessiner en falaises profondes qui dérobaient sa beauté d'antan, s'avança et força le jeune homme à s'assoir sur le fauteuil qui faisait face à son lit, pas certaine qu'il veuille s'étendre sur ce lit qu'il n'aimait pas.

Lorsque ses yeux quittèrent enfin son reflet, Lux se mit à contempler la femme qui lui faisait face, et celle ci tressaillit.

Il ne lui faisait pas peur, mais la douleur qui traversait les orbes noires et s'étalait sur le visage pâle, harmonieux et transpirant de richesse du jeune homme la saisissait plus qu'elle ne le voulait. Les boucles blondes de Lux peinait à estomper la profonde mélancolie qui habitait jusqu'aux racines de ses dents, et Claudia pensa qu'elle n'avait jamais vu pareille laideur au cœur d'une beauté si saisissante.

Alors, pour se rassurer que sa propre situation, elle se dit que finalement, elle était bien plus heureuse que lui. Que ses enfants, à elle, bien qu'ayant manqué de sous et de belles toilettes, n'avaient jamais manqué de vie, d'amour et de l'essentiel. Elle le pensait sincèrement, et si elle ressentait de la peine pour le jeune homme qu'elle avait vu grandir, elle se sentit presque fière de ne pas lui ressemblait.

Lux le voyait à travers les yeux de Claudia, la peine qui se mélangeait au mépris et à la satisfaction. Il n'en pensa rien.
Les gens avaient tendance à l'envier, ou le mépriser. Il n'y avait jamais eu d'entre deux, et il n'y en aurait certainement jamais. Il ne se vexa pas non plus quand Claudia soupira en secouant la tête, il n'était pas en colère contre elle. Il savait qu'elle n'y était pour rien, cette pauvre femme. Il savait qu'elle ne faisait qu'obéir à son cerveau, et qu'elle n'était qu'humaine, comme lui.

EMERALD WILDSWhere stories live. Discover now