NYSA

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Tic, tac, tic, tac...

Seuls les pleurs de l'horloge murale émettait un bruit dans la pièce vide dans laquelle Nysa était agenouillée. Le poids de ses péchés sur l'épaule droite, la douleur de ses regrets sur l'épaule gauche, la jeune femme contemplait le mur en face d'elle.

Sur son visage, les traits de la pénitence se dessinaient de part et d'autre. Sa langue était pâteuse, sa bouche sèche comme du sable. Ses mains, reposant sur ses genoux couverts d'une simple tunique blanche, serraient entre elles une pierre de jade, symbole de justice et de jugement.

Réfléchissant aux actes desquels elle ne semblait pouvoir saisir la dimension négative, seul le bruit de l'horloge, et désormais celui de sa respiration saccadée, marquaient la petite pièce.

Ses chevilles commençaient à la faire souffrir, portant depuis trop longtemps le poids de son corps agenouillé sur le parquet. Les jointures de ses doigts étaient blanches tant elle serrait la petite pierre. Son visage restait impassible, et ses cordes vocales scellées.

Elle aurait pu penser à tout ce que son père lui reprochait, et à ce qui l'avait poussé à l'enfermer ici. Elle aurait pu, une fois de plus, frapper la porte de toutes ses forces et tenter de l'enfoncer tant la rage brûlait au fond de son estomac, mais rien de tout cela ne saurait fonctionner. Dire qu'elle avait atteint le stade de la résilience semblerait exagéré, car si tel avait été le cas, elle ne sentirait pas la bile remonter au fond de sa gorge, et elle ne serrerait pas si fort la pierre entre ses mains. Elle était loin d'accepter la situation, ni l'injustice à laquelle elle faisait face, mais elle savait pertinemment qu'aucun de ses efforts ne serait suffisant aux yeux d'une famille si exigeante. 

Parfois, elle se dit qu'elle aurait préféré qu'ils ne lui prêtent aucune attention, mais c'était tout le contraire. Elle avait la sensation d'être étouffée entre les murs d'une demeure si grande que l'écho de ses pleurs pourraient atteindre le soleil. Le désir de liberté, cette bouffée d'air qu'elle imaginait, hantait ses nuits et faisait partie de tous ses rêves. 

Cependant, Nysa le savait mieux que personne : la liberté n'existait pas vraiment, ce n'était que le nom que l'on donnait à un certain nombre de droits accordés aux humains. Elle le savait bien, ici ou là bas, chaque être était un oiseau dans une cage plus ou moins serrée, mais dont la porte demeurait close, et ce pour toujours. Même après la mort. Oui, car même après avoir rendu son dernier souffle, le corps était enterré ou brûlé, comme s'ils posaient problème. 

Cela la rendait folle, elle avait la sensation d'avoir passé sa vie dans une boîte et d'avoir engendré tant de colère qu'une existence entière ne pourrait la faire disparaître. Chaque fois qu'elle en laissait un quart déborder, elle finissait ici, au fond d'une pièce grande et pourtant si étroite. C'était presque devenu un moment de calme et d'introspection avec le temps, mais elle ne s'y habituerait jamais. Parfois, elle ne se rendait pas compte du temps qui passait, et d'autre fois, comme celle là, elle sentait le poids des heures alourdir ses jambes et creuser son ventre. Elle aurait bien voulu partir loin d'ici, mais ce n'était pas possible. Elle avait un devoir familial, et surtout, un devoir fraternel. Elle ne pourrait jamais échapper à son destin, elle avait tout essayé. 

- Mademoiselle, le temps est écoulé, il est l'heure de dîner. 

Sans un mot, elle se redressa sur ses jambes tremblantes et engourdies. Elle enfila rapidement une tenue appropriée avant de se rendre dans la salle à manger, ou ses sept frères et sœurs, ainsi que ses parents, étaient attablés. 

Elle s'installa à table sans dire un mot, et attendit que son père finisse de réciter la bénédicité avant de plonger sa cuillère dans la soupe qui lui faisait face. Tout le monde était silencieux, aucun bruit ne quittait la bouche des attablés. Seuls les couverts et les pas des domestiques se faisaient entendre. 

EMERALD WILDSWhere stories live. Discover now