IX. Un essai.

125 7 2
                                    

Après la séance de travaux d'intérêt général, les jeunes délinquants sont de retour au centre. Reine s'attendait à une virée dans les Hampton mais fut déçue de se retrouver juste aux alentours du camp à ramasser les déchets et désherber les espaces verts.

- Franchement, je ne pense pas tenir plus de deux semaines ici. J'en ai déjà marre.

- Moi aussi mais on y est bien obligé. Viens on va manger.

Elles se dirigèrent vers la cantine où elles prirent leurs plateaux-repas. Reine était déjà dépité de l'aspect de la nourriture mais son ventre gargouillait tellement fort qu'elle se disait qu'elle devait faire avec ce qu'elle trouve. Avec cette faim de loup, tout devenait comestible. Soudain apparut Helga avec sa longue canne flexible.

- Walton. Pas de déjeuner pour toi. Tu n'as pas fini tes tours ce matin et tu as défié mon autorité. Pour ça, aucun repas de la journée. Tu mangeras demain matin après avoir effectué tes 40 tours de terrain.

- Quoi ? C'est pas légal ça.

- Fournir de l'alcool et de la drogue à des mineurs non plus.

Aïe.

Reine sortit de la cantine en pleurant pendant que les autres pensionnaires la regardaient partir. Nolwenn sentit son cœur se briser. Pourquoi ce sentiment bizarre alors que cette fille l'avait harcelée durant tout son cursus secondaire ? Elle n'allait pas essayer de l'aider et se prendre des punitions aussi. Mieux vaut la laisser tranquille. Se limiter à être juste colocataire. L'amitié lui créerait sûrement des problèmes supplémentaires.

De son côté, Reine s'est calmée. Elle a pris une longue douche et s'est assise sur son lit pour lire un livre qui trainait par là « Comment canaliser sa colère? ».  Elle passa deux bonnes heures à le feuilleter et ne vit même pas sa colocataire rentrer.

- Hey, qu'est-ce que tu lis ?

Reine sursauta et se tourna vers une Nolwenn amusée.

- Un livre sur le développement personnel. Pourquoi ce petit sourire sur ton visage ?

- Tiens, tu dois avoir faim.

Elle lui lança deux bananes et un pot de yaourt.

- J'aurais voulu en prendre plus mais Helga avait ses yeux fixés sur moi. Heureusement que j'ai un talent pour cacher des trucs.

Prise d'un élan de folie, Reine se leva pour la prendre dans ses bras. Nolwenn, amusée et choquée, la regarda lorsque cette dernière se souvînt de qui elle tenait dans ses bras. Elle se détacha aussitôt et balbutia des excuses.

- Euh. Désolée. Je sais pas ce qui m'a pris.

Les deux amis s'assirent chacune sur son lit.

- Tu es toujours aussi petite.

- Tu es toujours aussi confortable.

Silence. Elles se regardaient. Qui allait oser parler après ce moment gênant ?

- Euh tu manges pas ? J'ai pris un yaourt à l'abricot. Je sais que c'est ton préféré.

- Merci ! Tu n'as pas oublié mes goûts?

- Mmmh. Je sais que tu as oublié les miens.

- Non même pas. Je sais que tu aimes qu'on te gratte le crâne pour t'endormir, aussi je sais que tu détestes l'odeur de l'essence.

- Pourtant toi tu en raffoles.

- Oui tu vois.

Elles éclatèrent de rire.

- Je prends le risque de le dire. Tu m'as manqué Nolwenn.

- Hmm. Je peux pas en dire autant.

Ça pique...

- Pourquoi tu as tant de haine en toi ?

- C'est difficile à expliquer.

- Prends ton temps, je t'écoute. On a plus qu'un été à passer ici ensemble.

Reine se leva et alla s'asseoir en tailleur sur le lit de sa colocataire. Elle lui prit les mains et la regarda tendrement dans les yeux.

- Essaie. Je t'en prie.

Nolwenn prit une grande inspiration et se concentra.

- Pourquoi tu m'as harcelée quand on a arrêté de se parler ?

Silence. Reine baissa la tête.

- Tu es sûre que tu veux savoir ?

- Je pense. On en est déjà là. Autant me parler en même temps.

Nolwenn serra la main de Reine comme pour lui donner de la force et l'inviter à se livrer.

- J'étais jalouse. Du moins, je suis jalouse. Jalouse de toi Nolwenn. Oui. Jalouse de tout ce que tu as. Quand on était enfants, j'adorais passer du temps chez toi car il y a bon vivre. Ta famille est formidable. Ta mère est la personne la plus douce et la plus aimante. Ton défunt père était tellement attentionné et paternel envers moi. Je me suis sentie mal de ne pas avoir été à ses funérailles. Aussi, le lien que tu as avec ta mère s'est resserré pendant que le mien se détachait à grande vitesse. Tes parents t'ont toujours félicitée, peu importe le résultat que tu obtenais. Les miens n'étaient jamais satisfaits. Jusqu'à présent, les deux individus qui me servent de parents ne savent pas que j'aime la robotique. Ils pensent que j'aime le luxe, les vêtements, le shopping, la richesse alors que non. J'aimerais pouvoir, ne serait-ce qu'une fois, vivre comme je l'entends. J'aimerais pouvoir exercer librement mes passions et m'exprimer sans craindre quoique ce soit. Je t'envie pour toi. Tu te fous de l'avis des autres et tu vis normalement. Malgré toutes les misères que je te fais, tu es toujours là à t'exprimer sans craindre un quelconque dégât. Je t'admire énormément mais vu que tu voulais plus être mon amie, j'ai transformé toute cette frustration en colère que je te faisais subir encore et encore. Je suis désolée Nolwenn, c'est très immature et méchant de ma part.

Lorsqu'elle releva la tête, ses yeux étaient remplis de larmes. Tout doucement, Nolwenn la prit dans ses bras et lui caressa sa chevelure blonde. Elle sentit les larmes de sa colocataire couler sur son t-shirt.

- Je te comprends. Je t'ai toujours envié aussi. Tu as toujours eu tout ce que tu voulais depuis les bacs à sable. Tu as toujours su te faire respecter et imposer ton respect. Je t'idolâtrais littéralement. Je savais que tu serais un bon leader une fois adulte. J'étais fière d'être ton amie, j'arrêtais pas de raconter tes exploits à mes parents. Eux aussi étaient fiers d'être ta deuxième famille. Tu es tellement exceptionnelle Reine. Des fois je me demande comment tu fais pour garder le sourire et la tête haute malgré tous les coups que tu reçois. Je t'admire toujours même si maintenant c'est contre moi que tu te bats. Je suis secrètement toujours fière de toi quand je vois ton nom en tête de liste du classement régional.

- Mais pourquoi tu as dit que mon père payait pour trafiquer les résultats?

- Parce que je sais que tu détestes qu'on remette ton intelligence en question. Et c'est là où tu auras forcément mal si je tape.

Reine la regarda dans les yeux puis lui donna un léger coup de poing dans le ventre. Nolwenn la relâcha et se tordit de douleur.

- Ça fait mal ça ?

Nolwenn hocha la tête pour acquiescer. Reine l'aida à se relever et se reblottît dans ses bras.

- Je vois que tu aimes être dans mes bras le mouton blond.

- Oh tais-toi la lesbienne. J'ai eu une journée éprouvante aujourd'hui et j'ai besoin du câlin. Tu es ma seule option.

- Je retiens juste que mes bras sont confortables et que tu n'as pas envie de les quitter.

- Je n'ai jamais dit ça ! Tu veux un autre coup? Cette fois, plus fort que le précédent!

Les deux colocataires se mirent à rire. Elles passèrent l'après-midi à bavarder et à se chamailler de temps en temps. 4 ans de guerre, ça ne s'oublie pas aussi rapidement...

Ennemies de CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant