Chapitre 3

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~~Howk~~

« La mort mets fin à une vie, pas à une relation » Mitch Albom

Après avoir déposé Jaz, je fais un petit détour avant de me retrouver à l'entrée du lieu de son dernier repos.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, un cimetière n'est pas aussi lugubre et terrifiant que dans les films d'horreur. Ça reste un endroit très calme d'où on peut entendre le chant des oiseaux et admirer le feuillage des arbres qui dansent au rythme du vent.

Les bras chargés du casque de ma moto et d'un bouquet de fleurs que j'ai pris le soin d'assembler, je passe entre les pierres tombales avant de me retrouver devant la sienne.

Celle-là même devant laquelle je viens déverser mes échecs et mes réussites.

Comme à chaque fois, j'ai un pincement au cœur à l'idée qu'elle soit couchée juste en dessous de cette pierre. Juste sous mes pieds...

Mais ces pensées s'évaporent quand je me rappelle de la raison de ma venue.

Aujourd'hui c'est une réussite que je viens célébrer avec elle.

« Ton petit poussin grandit trop vite », déclarais-je. « Je t'ai apporté tes fleurs préférées, maman.»

Du revers de la main je me débarrasse des feuilles mortes qui viennent la recouvrir et j'enlève le précédent bouquet fané.

« Je suis vraiment heureux aujourd'hui et tout autant nerveux. C'est étrange, la dernière fois que j'ai ressenti ça c'était quand j'ai ouvert le café. Mais cette fois, c'est pour Jaz que je le suis. Il est officiellement étudiant en arts à l'université de Boston. Même moi je n'arrive pas à le croire. Tu aurais dû le voir tout excité. Je l'y ai déposé ce matin. Voir Jaz foulée les marches de ce bâtiment tout aussi impressionnant qu'imposant, je me rends compte de tout le chemin qu'on a parcouru, qu'il a parcouru grâce à ses efforts et en suivant sa passion. Je suis vraiment fier de lui et toi aussi, tu dois l'être. »

Un vent doux vient caresser mes cheveux pendant que je lui raconte avec enthousiasme tout ce que j'avais sur le cœur. J'en profite pour lui donner des nouvelles des autres en étant toujours accroupi devant sa tombe.

De Jaz, de nos amis, de nos voisins et ensuite de moi.

C'est un rituel que je fais à chacune de mes visites. Ça peut paraître idiot mais c'est important pour moi de la tenir au courant de tout ou du moins de l'essentiel. Pour que même si elle n'est plus là avec nous, elle ne rate rien de nos vies.

« Il y a un dernier truc que je dois t'annoncer. Ça fait des semaines voire même des mois maintenant que j'y réfléchis et j'ai entamé les démarches nécessaires. D'ailleurs, aujourd'hui était le dernier rendez-vous. J'ai signé les papiers et j'ai une copie en main. L'original est conservé auprès du notaire jusqu'à ce qu'il serve... Le document stipule que Jaz devient au même titre que moi propriétaire du café et toutes mes possessions passées comme futures lui reviennent de droit à ma mort...»

Je marque une pause avant de reprendre.

« Je ne compte pas mourir d'aussi tôt mais le fait de formaliser ce souhait me rassure. Il ne manquera de rien au cas où quelque chose m'arrive.

Il n'aura plus à revivre ça »

Ce testament est tout autant une garantie qu'un soulagement.

C'est comme si je me déchargeais d'un poids.

Le poids de la culpabilité et de l'angoisse car ce serait trop prétentieux de ma part de me croire exempté de ce destin funeste. On y est tous confrontés un jour ou l'autre. Et même si je prie pour vivre un siècle de plus, je ne peux pas me débarrasser de cette inquiétude.

Je protège juste les arrières de mon petit frère.

« Un accident peut vite arriver à tout moment, tu le sais bien. Une vie fauchée et de nombreuses autres détruites. C'est tellement rapide...

Et je ne veux pas qu'il soit confronté à cette situation comme je l'ai été. »

Depuis ce fameux jour, tout ce que j'ai pu dire ou faire, c'était parce que je pensais avant tout à lui et aujourd'hui aussi seul son bonheur m'importe.

Ce n'était pas un choix facile à faire et je suis conscient de tout ce que cela implique pour moi et pour lui. Mais ma décision est définitive.

Je connais trop bien la mort et ses conséquences pour ne pas la craindre.

En un instant, on passe de vie à trépas.

De la joie qui se transforme en peine.

Et le visage endeuillé de ses proches. Mais dans tout ça, j'ai essayé de préserver Jaz. Pour que sa lumière ne s'éteigne jamais. Ou que le chagrin ne vienne assombrir ses journées.

L'une de ses conséquences reste de devoir parler à une pierre sur laquelle est inscrit le nom de l'être aimé.

J'ai enfin le courage de faire face à cette vérité que j'ai accepté depuis bien longtemps : le nom de ma mère gravé sur cette stèle.

Isabella Carter

18.03.1982 - 22.12.2019

Du bout des doigts, je caresse cette inscription, le cœur lourd.

Parfois, j'ai le souhait qu'elle me réponde. Mais si cela arrive un jour, il faudrait peut-être m'interner dans un hôpital psychiatrique ou procéder à un exorcisme.

Je rigole à l'absurdité de mes propres pensées avant de me rendre compte que personne n'était à côté pour partager ma blague avec moi.

C'est peut-être le moment de retourner dans le monde des vivants !

« Tu nous manques, maman.

Vraiment beaucoup.

Et j'espère que tu continues de veiller sur nous d'où tu te trouves...»

C'est sur ces dernières paroles que je me relève en prenant mes affaires. Je dépose un baiser sur le bout de mes doigts que je pose sur sa pierre tombale.

Avec le bouquet de fleurs fanées en main, je me dirige vers la sortie marchant dans cette verdure qui s'étend à perte de vue. Si ce n'était pas les stèles qui étaient alignées devant moi, ce lieu pourrait ressembler à un décor printanier.

C'est pour ça que cet endroit est parfait pour elle.

Elle qui aimait le printemps pour les fleurs qu'il donnait doit maintenant se sentir à sa place.

Il ne me reste plus qu'une seule chose à faire de ma journée de repos.

Me détendre !

Avec le cœur plus léger, je me sens prêt à affronter la suite

Et pourquoi pas suivre les conseils de Darren et reprendre ma vie en main ?

UNrequired LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant