En un éclair

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Une semaine à passer au sein du couvent, nous y avons découvert tout un tas de choses et appris des tâches bien plus complexes que d'étendre le linge au soleil. Je sais à présent prendre soin de cultures plantées par mes soins, je peux tailler sans soucis des buissons débordant un peu trop sur le côté de l'allée et j'ai appris plusieurs recettes pour les repas des sœurs. Chacune d'entre nous a appris à tour de rôle, parfois aidant celles ayant le plus de mal et inversement. Chaque fille a sa propre façon de faire et ses points forts, ce qui rend le groupe plus fort et soudé de jour en jour. Des affinités commencent à voir le jour entre nous, c'est avec Marcia que je me suis le plus rapprochée, nous passant la plupart de notre temps ensemble à nous raconter nos exploits et nos rêves les plus fous.

Cela fait aussi une semaine que je n'ai pas aperçu sœur Alètheia dans les couloirs sombres du bâtiment. Depuis la création du chapelet, celle-ci a disparu sans crier guère, sûrement dû à une situation personnelle. Je ne l'ai toujours pas remerciée et la situation me chagrine plus que je ne l'aurais imaginée, bien que j'ai prié Dieu pour me pardonner contre le temps qui passe sans pouvoir y faire grand-chose. La fin d'après-midi détonne au son du clocher fracassant le temps, c'est un repère à ne pas sous-estimer pour avancer dans nos devoirs. Nous décidons de ramener à la cuisine nos récoltes du jour afin de les laver et de commencer la préparation du dîner de ce soir. Marcia est à ma droite en train de passer chaque légume sous l'eau froide, dégageant la terre durcie par les températures avoisinant zéro, tandis que je les découpe en cubes ou en fines rondelles suivant ce que la recette m'indique. J'affaisse mon couteau avec précision sur la planche à découper faite de bois, la lame aiguisée tranchant l'air et les fibres à tour de rôle. Une voix familière s'engouffre dans la pièce, attirant tous les regards sur elle en une fraction de seconde. Sœur Alètheia se tient dans l'encadrement de la porte, les bras croisés et le regard doux posé sur les novices affairées sérieusement à leur travail. Ce n'est qu'en sentant un changement de température brutal passer sur mon doigt que je me rends compte de mettre coupé avec la fine lame affutée du couteau que je tenais encore fermement. J'écarquille les yeux et mets directement ma main sous l'eau froide, m'extirpant une grimace de douleur. Marcia s'affole à la vue de la coupure profonde, me demande si tout va bien, m'appelant naturellement par mon prénom devant tout le monde en oubliant les formalités.

- Nous allons soigner ça à l'infirmerie, entoure ton doigt dans un torchon et tiens le fermement.

Sœur Alètheia est arrivée à ma hauteur et tenait mon poignet dans une de ses mains. Je ne l'ai pas vu ni entendu venir, trop occupée à calmer ma douleur. C'est avec le torchon autour de mon doigt se remplissant de sang que nous traversons le couloir d'un pas rapide en direction de l'infirmerie. Je ne sais pas comment elle compte soigner ça, mais je lui fais confiance, presque aveuglement. Elle sort un trousseau de clés de sa poche et insère l'une d'elles dans la petite serrure permettant l'accès à la pièce. Contrairement à ce que je m'imaginais, l'infirmerie est comme le reste du couvant, des murs de pierres grisâtres capturant le froid. La jeune femme m'indique un lit sur lequel m'assoir, j'obtempère sans dire un mot, tenant toujours le torchon de mon autre main, évitant de poser mon regard sur la blessure. Je n'ai jamais été friande de ce genre de choses, j'ai toujours pleuré lorsque je constatais que du sang coulait de mes blessures, courant chercher ma mère pour me soigner. Bizarrement, aucune larme n'essaya de se frayer un chemin au coin de mes yeux, malgré les battements de mon cœur jaillissant au bout de mon doigt.

- Je peux ?

Sœur Alètheia pointa le tissu imbibé de sang de son doigt, attendant mon approbation pour le retirer et observer ma blessure, ce que j'acceptai non sans une pointe d'appréhension. Je la sens dérouler le torchon avec douceur, ne préférant pas regarder, je fixe l'extérieur aux allures orageuses, me permettant de penser à autre chose pendant qu'elle s'affaire à la tâche.

Pardonne-moi, car j'ai péché.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant