Chapitre 41

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PDV Charme

« Bien, c'est votre décision finale, mademoiselle Charme ? » me demanda le médecin.

« Oui, et puis je n'ai pas vraiment le choix. » Soufflai je en baissant la tête.

« Oui... il est difficile de trouver une greffe dans ces délais là. Mais le traitement peut... »

Après avoir discuté avec le docteur et signé tous les papiers nécessaires, je sors rejoindre Abi, qui a absolument tenu à m'accompagner.

Cela fait exactement deux semaines, quinze jours. Le regard qu'il m'a lancé quand je suis sortie de la chambre me hante toujours. Tant de désespoir, de douleur, de peine. Et dire que c'est moi qui en suis la cause. Je m'en veux horriblement, chaque jour, chaque heure, chaque minute. Je repense constamment à cette matinée, qui s'est avérée être la plus belle et la plus horrible de ma vie. J'ai nagé dans le bonheur suprême avant de sombrer dans les profondeurs de la peine. Je regrette amèrement chaque seconde que je passe loin de lui. Mais c'est la seule solution pour le protéger, pour les protéger de ce sentiment d'abandon. En m'éloignant d'avance, il souffrira moins, du moins je l'espère. J'applique cette méthode avec tout le monde, enfin, avec les rares personnes qui m'entourent. Mais Abi, lui, refuse et s'oppose totalement à ma décision, même s'il a promis de garder mon secret. Je sais qu'il tiendra parole.

« Alors ? » me questionna Abi avec appréhension, se doutant déjà de ma réponse.

« J'ai rejeté le traitement. » Répondis-je en murmurant.

« Charme, tu- »

« Ça ne va pas me sauver, Abi. Ça va juste prolonger un peu ma vie. Deux mois de plus ou de moins, ça ne change pas grand-chose. Ça ne fera qu'empirer ma souffrance. »

« Mais- »

« Je prendrai les médicaments pour atténuer la douleur. » Je baisse le regard avant de continuer, les yeux larmoyants. « En attendant... »

Il ne répondit rien, et le silence nous accompagna tout au long du trajet jusqu'à chez moi. Abi vient de plus en plus souvent et m'accompagne autant que possible, même si je lui dis que j'aimerais rester seule. Il refuse toujours, me disant qu'il ne supporterait pas qu'il m'arrive quelque chose en son absence. J'ai fini par le laisser faire ce qu'il faut. Après tout, je dois l'avouer, j'ai besoin de lui. Mais je pense qu'il fait ça surtout par peur que je disparaisse subitement sans qu'il ne puisse rien faire.

Mon état empire de jour en jour, et cela ne passe pas inaperçu. L'infection qui se développe dans mon cœur progresse inexorablement. Aucune solution, à part la greffe, mais comme auparavant, la liste est longue et cette fois, personne ne va me donner son cœur, sa vie, et je ne le veux pas non plus. Je ne veux plus vivre dans ces conditions. Si je dois vivre, je dois vivre avec ce que j'ai, pas en prenant à d'autres. Après plusieurs diagnostics, les médecins ont trouvé un traitement qui servirait uniquement à prolonger ma vie de deux mois tout au plus. Mais j'ai refusé, pathétique peut-être, mais j'ai mes raisons. Et puis, traitement signifie rester à l'hôpital, sans pouvoir quitter le lit, pour que mes proches puissent me dire correctement adieu. Pourtant, c'est ce que j'évite le plus. Je ne veux pas qu'ils me voient dans cet état. Donc, j'ai choisi de rejeter le traitement et d'attendre que la faucheuse veuille bien m'emporter avec elle. Quelques jours, une semaine ou deux.

Je sens les regards inquiets de Mia et de Taki sur moi tous les jours, et Abi me dit qu'ils l'interrogent à ce sujet. J'ai de plus en plus mal, mais la douleur n'est rien comparée à celle que je ressens chaque fois que je vois le visage peiné de Taki, son regard suppliant. Abi m'a prévenue qu'il avait pris une semaine de congé à partir de lundi. Cela me soulage un peu. Le destin semble être avec moi pour une fois, car la semaine prochaine, la classe de Mia part en voyage d'étude d'une semaine. Et surtout, à partir de la semaine prochaine, je...

« Combien de temps ? » me coupa Abi dans mes pensées. J'entends à travers le ton de sa voix toute l'amertume qu'il ressent en ce moment.

Je ne réponds pas, m'installant tranquillement dans mon lit, me sentant soudainement fatiguée, tandis qu'il range les tonnes de médicaments que je viens de recevoir. Cela m'arrive de plus en plus souvent. En plus des tiraillements douloureux dans mon cœur, mon corps frêle n'arrive plus à suivre. Je me sens très souvent fatiguée, ce qui est normal, car je pèse de moins en moins chaque jour. Je n'avale presque rien si Abi ne m'y force pas. Je suis toujours seule à la maison quand il n'est pas là, car Mia a décidé de vivre chez ses amies, et nous nous voyons rarement. Cela me soulage qu'elle ne soit pas confrontée à cette situation avec moi. Je me sentirais encore plus égoïste si je les obligeais à me soutenir. Cela leur ferait trop de mal de connaître cette douloureuse vérité sans pouvoir rien faire.

J'ai peur, horriblement peur. Est-ce que je sentirai quand ça arrivera ? Est-ce que je pourrai encore lui dire combien je l'aime ? Et à Mia, aurai je encore une chance de recevoir son pardon ? Mais surtout : est-ce que ça fera mal ? Plus que les crises ? Les tiraillements ? Et s'il n'y avait que l'obscurité au-delà ? Se souviendra-t-il de moi dans un ou deux ans ? Et s'il m'oublie ? Non, je ne veux pas qu'il m'oublie. Je veux qu'il pense à moi chaque jour qui passe, qu'il continue à m'aimer. Quelle égoïste je suis ! Bien sûr que je veux qu'il soit heureux, et si m'oublier est la seule solution...

Les larmes coulent sur mes joues, encore. Penser à tout ça me fait tellement mal. Je finis par sangloter bruyamment, ce qui alarma Abi. Il s'approche et me prend dans ses bras, comme souvent. Il ne dit plus rien, me berce doucement et me chuchote des mots doux pour m'apaiser. Je pleure, lui répétant que j'ai mal, que ça fait mal, que j'ai peur. Mais il continue, sans se lasser, à me réconforter.

« Tout ira bien... ça va aller... je suis là... »

Je pleure et pleure jusqu'à m'endormir, comme d'habitude, trop fatiguée de mes larmes. Mais avant que le sommeil m'emporte, je sens une larme tomber sur mon cou, un reniflement, et je prends conscience qu'il pleure aussi... ce qui me fait mal, très mal.

« Deux semaines maximum », soufflai-je avant de sombrer complètement dans le sommeil.

CharmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant