Chapitre 6

58 3 0
                                    


Au cours des semaines suivantes, Kim continue de subir les moqueries de ses camarades. Elle encaisse, l'air de rien, mais son moral finit par chuter et sa meute le sait. Afin d'éviter de transmettre ses mauvaises ondes à ses compagnons, elle s'organise pour patrouiller toute seule, de nuit.

— Je me posais une question, Kim, maintenant que tu es un homme, on doit t'appeler comment, Karl ou Jim ?, raille soudain Takoda en s'approchant d'elle alors qu'elle range ses affaires dans son casier.

Les amis du garçon se mettent à rire à gorge déployée. La jeune fille les ignore, continuant de ranger ses cahiers. De bon matin, elle ne rêvait pas d'un meilleur accueil ! Elle soupire tandis que le groupe de garçons continue de se moquer d'elle, insistant sur le fait qu'elle devrait se rendre dans les vestiaires des garçons et non celui des filles avant les cours de sport.

Leur débat est aussitôt stoppé par l'arrivée de Paul, tout sourire et qui s'adosse au casier d'à côté.

— Les mecs, je vois assez souvent Kim à poil pour vous affirmer que c'est une nana !, déclare-t-il d'une voix forte. Et je peux vous assurer qu'elle est carrément bien foutue !, ajoute-t-il avec un clin d'œil à sa sœur de meute. Bon allez, maintenant cassez-vous !, grogne-t-il.

Kim soupire en regardant le groupe de garçons s'en aller, puis elle reporte son attention sur Paul.

— T'es au courant que tu vas subir les rumeurs et moqueries tout comme moi ? Ils vont s'acharner à dire que t'es homo, faire des paris débiles pour savoir qui est le dominant et j'en passe... T'en a conscience j'espère ?, déclare-t-elle, très sérieusement.

— Absolument Kimmy, confirme-t-il.

— Tu ne vas pas le supporter..., souffle-t-elle.

Ça me fera un bon entraînement, tu n'as pas à être seule à subir ça, ok ?, argumente-t-il

Comme elle l'avait anticipé, les semaines qui suivent s'avérèrent être un véritable parcours du combattant pour Paul. A chacun de leur passage, les gens échangeaient leurs opinions sur leur relation. Jusqu'à présent, tout le monde disait que Paul est « l'actif » tandis que Kim est le « passif ». Personne n'avait remis en question le fait que Kim soit « un trans » et Paul était régulièrement insulté de « pédé » et autres insultes homophobes, ce qui le mettait constamment sous pression.

Le garçon parvenait très difficilement à garder son calme. Heureusement pour eux, Kim réussit toujours à éviter tout problème majeur, usant de son autorité sur lui.

A cause de ça, les rumeurs ont changé de ton, les deux amis ont surpris plusieurs personnes en train de rire du fait que Paul semblait être soumis à « Kim-Karlos », décrétant que c'était elle qui était le dominant dans le couple.

Ça a été un véritable coup de grâce pour Paul. Ce dernier acceptait déjà difficilement l'idée de n'être que le troisième de meute et de se soumettre, alors maintenant que toute l'école avait constaté que Kim faisait autorité sur lui, il l'avait en travers de la gorge.

Paul se mit à sécher de plus en plus, ne faisant acte de présence que le minimum syndical pour éviter le renvoi scolaire, laissant Kim supporter les moqueries pour deux.

Plus les semaines passent et plus la jeune fille se morfond dans ses pensées noires. Elle qui avait décidé d'aller mieux, d'être heureuse du bonheur de Jared et d'oublier tout le reste... C'était raté !

Tout à coup, l'esprit de Sam se joint au sien, la ramenant au présent et la sortant de ses sombres pensées. Comme à l'ordinaire, la présence de son Alpha près d'elle l'apaise aussitôt tandis qu'il comprend l'ampleur de la situation. Il la réconforte du mieux qu'il peut.

Il l'informe qu'Emily et lui ont mis au point un plan très simple : elle a déposé un énorme panier rempli de muffin à la mère de Sam, qu'elle s'empressera de partager avec les Cameron, la famille de Jared.

— Et ?, souffle Kim.

— Voilà des semaines qu'Emily a transmis mes bons sentiments à Jared, je l'ai laissé tranquille un moment et l'air de rien, je m'invite à nouveau dans sa sphère... il viendra pour nous remercier !, explique le grand loup noir, sur de lui.

— Qu'est-ce t'en sais ?, bougonne Kim

— Maman leur filera le panier et arrête de faire ta mauvaise tête et fait plutôt la course contre moi !, rétorque-t-il, essayant de lui remonter le moral un petit peu plus.

Kim rit légèrement avant de partir en flèche à la poursuite de son Alpha déjà loin devant. La perspective que Jared viennent chez Emily la réconforte un peu.

Néanmoins, chaque jour qui passe et dès qu'elle revient au lycée, Kim est de plus en plus écrasée sous le poids des regards méprisants. Et Paul n'était même pas là pour la soutenir.

Elle demeure donc la cible préférée des brimades et des railleries de ses camarades. Chaque journée est un combat contre elle-même, afin d'éviter de céder à la pression des rires moqueurs et des remarques désobligeantes. Et si elle mutait en plein couloir ? Qu'arriverait-il ?

Chaque insulte, chaque regard creuse un peu plus le gouffre dans le cœur de la jeune louve. Kim essaye tant bien que mal de garder la tête haute, de ne pas laisser transparaître la douleur qui la ronge de l'intérieur.

Pourtant, Kim parvient à maintenir la tête hors de l'eau, grâce à Sam, Emily et Paul, grâce à tous les moments heureux partagés ensemble. Les membres de la meute ont bien compris le profond mal être de Kim, mais personne n'ose en parler.

Par ailleurs, la jeune louve a demandé à Sam si elle pouvait continuer de patrouiller seule la nuit, afin de ne pas impacter le moral de la meute. Sa mission est plus importante que tout : protéger sa famille, protéger la Tribu, même ceux qui la harcèlent et par-dessus tout, protéger Jared.

Pour autant, elle ne déteste pas toujours sa condition de loup-garou, surtout dans les moments comme à cet instant, où elle se délecte de sentir ses muscles puissants propulser son corps à travers les sous-bois, de se sentir libre, délivrée de toutes contraintes. « Autre que la chasse aux vampires, évidemment », se dit-elle.

Les arbres filaient à ses côtés, des brindilles craquaient sous son passage, l'air vibrait autour d'elle, chargé d'odeurs d'humus, de fleurs sauvages et du musc des animaux qui se terraient dans l'ombre.

Kim ferme les yeux, laissant les bruits de la forêt remplir ses sens aiguisés. Chaque pas est une explosion de liberté. Elle parcourt des kilomètres en quelques secondes.

Oui, malgré tout, elle aime ces instants.

Et si les rôles étaient inversés ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant