Livio devait oublier. Il devait respirer calmement et fermer les yeux. Il se concentra pour se défaire de la lourdeur de ses muscles ou de cette odeur métallique. La chaleur écrasante sur sa peau qu'il connaissait si bien, l'impression d'étouffer de l'intérieur et de ses poumons en feu. Simplement pouvoir oublier tout ça. Mais c'était toujours plus difficile de faire comme s'il n'avait jamais éprouvé ses sensations. Ni de reconnaître tous ces bruits qu'il entendait autour de lui. Le sable crissant sous ses chaussures et le son incessant des balles. Les cris de ces autres hommes et femmes agonisants tout autour de lui. Il devait tout oublier et il le voulait vraiment. Mais c'était impossible. Surtout quand l'idée de regarder ses mains était trop forte. Ses paumes ensanglantées. Il tomba à genoux, les essuya l'une contre l'autre, de plus en plus fort, se persuadant que tout ça allait disparaître. Il entendit son cœur battre de plus en fort dans ses oreilles puis un sifflement strident. Son visage se tourna en direction de la source du bruit infernal pour être à nouveau plongé dans le noir.
Ses yeux s'ouvrirent à nouveau sur le plafond blanc du cabinet de son psychiatre. Encore un échec. Ça en devenait presque lassant à force. Il n'entendit plus l'homme prendre des notes et tourna la tête vers lui. Le médecin semblait surpris de le voir éveillé et conscient. Il lui offrit un faible sourire et Livio se redressa du canapé pour s'y asseoir.
Comme d'ordinaire, l'homme allait lui poser des questions sur ce qu'il avait vu. Mais rien ne pouvait être expliqué avec de simples mots. Sans l'avoir soi-même vécu, c'était impossible.
Livio retira la bande en tissu de sa tête et le reposa sur la table basse devant lui. Le psychiatre jeta un rapide coup d'œil à peine perceptible sur le bandana. Livio savait parfaitement qu'après son départ, le médecin allait se précipiter sur les quelques images enregistrées par cette minuscule puce mémoire. C'était effrayant de voir à quel point les gens avaient besoin de dose d'adrénaline sans savoir ce que ça sous-entendait.
Mais au moins, ce médecin-là avait été assez compétent.
— Alors, monsieur Moreno, vous vous sentez prêt à me parler de ce qu'il s'est passé là-bas ?
Livio était obligé de répondre. Il savait qu'il devait avancer. Après des années, c'était le mieux à faire.
— Ça fait quelque temps que je voulais en discuter avec vous...
— Je vous écoute.
L'homme croisa les jambes, visiblement prêt à tout entendre.
— Je crois que je veux arrêter de venir aux séances.
L'ancien soldat se gratta nerveusement son début de barbe. Il savait très bien ce que signifiait arrêter de venir.
— Je ne fais plus de cauchemars et ma dernière crise d'angoisse remonte à très longtemps.
— Est-ce que vous êtes sûr de vous ? Parce que si jamais vous faisiez une autre crise sans consulter un médecin qualifié...
Il savait parfaitement ce que ça signifiait. Pour lui et pour Wyatt.
— Je sais. Mon ancien psy m'avait dit la même chose.
— Alors pourquoi tenter le diable ?
— Je me suis lancé dans le programme de Vitam. La phase test. Et je ne peux pas me permettre de voir un psychiatre en même temps.
Le médecin se leva et retourna derrière son bureau. Livio le rejoignit et récupéra la feuille qu'il lui tendait. Le nom et le visuel de la firme s'inscrivaient tout en haut. Tout se concrétisait.
— Je sais que vous vous êtes lancés dans la procédure. J'ai reçu un message de l'entreprise qui me demandait votre dossier médical.
— Vous leur avez donné ?
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Amor Vitae Meae (OS)
Science FictionSi le plus grand de vos souhaits est de revoir une personne qui a disparu de ce monde et qui comptait plus que tout pour vous, sachez que la société Vitam répondra à votre demande. Et elle compte bien réaliser celle de Livio. L'homme a grandi dans l...