𝒸𝒽𝒶𝓅𝒾𝓉𝓇𝑒 𝓆𝓊𝒶𝓉𝑜𝓇𝓏𝑒

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"Après tout, tout est beau. Il suffit de s'intéresser aux choses, et de les trouver belle."

Vivre sa vie : film en douze tableaux, Jean-Luc Godard, 1962

















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𝕺utre l'aspect fantomatique des lieux, le manoir d'Aurora Murphy comportait un autre défaut : ses serrures étaient vieilles.

Elles dévoilaient des traces d'usure, de rouille et le bois de la porte rongé par l'humidité rendait tout l'attirail instable.

Ce fut alors un jeu d'enfant d'entrer par effraction chez elle. Bien plus simple que lorsque je l'avais fait dans son bureau.

Cette constatation ne m'enchanta pas pour autant. Elle me rappela qu'il était simple de rentrer chez elle. Et l'idée que quelqu'un revienne l'agresser me donnait la nausée.

Aucun bruit ne venait perturber la maison, si ce n'est le son de mes chaussures et le froissement de mon pantalon de moto. Grimaçant à cause de mon manque de discrétion, je retirai mon équipement complet et gardai simplement mon jean et mon gilet de compression.

Les draps, ni aucun objet, n'avaient bougé de place depuis la vieille. C'était comme si personne ne vivait ici.

Comme si Aurora n'habitait pas vraiment cette résidence.

Le sol rendu froid par l'hiver accueillit mes pieds couverts plus que d'une paire de chaussettes, et la température m'indiqua que mon avocate était apparemment fâchée avec les chauffages. On se les pelait, ici.

En réalité, je m'étais trompée lorsque j'avais cru qu'il n'y avait que le silence en ma compagnie.

Cette baraque faisait du bruit.

Le vent envoyait parfois valser des branches fines contre les vitres et les volets. Les charpentes grinçaient et le parquet en fit de même sous mon poids.

Si j'avais cru aux esprits, j'aurais parié que cette habitation en regorgeait.

Mais n'ayant pas cette croyance, j'en conclus plutôt qu'Aurora avait bien besoin d'engager des travaux avant que la bâtisse ne s'effondre sur sa tronche.

Que faisait-elle encore ici ? Elle ne devait pas manquer d'argent, avec le travail et le poste qu'elle occupait. Alors, qu'est-ce qui la retenait là ?

Qu'avait-elle vécu dans ce lieu pour y rester prisonnière ? Ou bien, c'était une raison juridique ? De papiers ? D'administration ?

Les réponses à mes questions agissaient telles des démangeaisons.

Il me fallait une autopsie du cas Aurora Murphy.

Ce que je notais en revanche en faisant le tour du salon, c'est que malgré la gueule du décor et des fondations vétustes, aucune odeur de renfermé ou de maison de retraite n'envahissait l'espace. C'était même tout le contraire. L'odeur des bains d'Aurora prenaient toute la place dans l'air. Des exaltations de roses, ou de fleurs en tout genre.

J'essayai d'imaginer à quoi ressemblait cette pièce avant de devenir fantomatique. Quel genre de vie y avait-il eu ici ? Vivait-elle seule ? Est-ce que ces mêmes murs maintenant mornes avaient un jour entendu les rires de la femme qu'ils cachaient ? Est-ce qu'elle avait pensé à les décorer, avant de les délaisser ? Est-ce qu'elle s'était projetée ici ou avait-elle toujours vécu dans ce lieu comme si elle voulait l'oublier en le camouflant sous des draps blancs ?

𝐆𝐀𝐒𝐋𝐈𝐆𝐇𝐓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant