Chapitre III

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<<Payson Hogan ; Anorexie.>>

Le vent faisait doucement s'envoler le mince tissus de sa robe de plage, ses bras étonnement rachitique embrassés l'air en virevoltant au gré d'une musique classique que jouait un vieux homme moustachu sur le trottoir d'en face. Le port était vide, complètement mort, c'était étrange, la baie est d'ordinaire bondée de monde, surpeuplée, mais à croire à l'impassibilité de l'endroit on pourrait facilement dire qu'il était abandonné depuis plusieurs décennies. Cette silhouette squelettique tournoyait sans cesse sur un petit muret de pierre, ses pieds consciencieux titubaient d'avant en arrière suivant au mieux qu'ils pouvaient le rythme hâtif du violon.

Payson était l'innocence, la pureté et la naïveté même. La méchanceté n'existait pas pour elle, seul les démons étaient capables de nous détruire, le sien, en l'occurrence était tenace, invisible, alors sa seule solution était de le laisser gagner, de le laisser avoir le total contrôle de sa personne.

L'adolescente arrêta subitement sa danse déchainée, elle descendit du muret pour se retrouver les deux pieds parfaitement à terre, elle inspira longuement l'air marin qui lui chatouillait délicatement les narines comme dans ses souvenirs d'enfant, rien n'avait changé, le son monotone des vagues était toujours le même, les cris des mouettes étaient eux aussi toujours les mêmes. A croire que le temps n'a aucune action sur nos souvenirs, que même après des milliers d'années, nos souvenirs restent intactes. Payson à toujours vécu dans le souvenir, préférant le passé au futur ou même au présent. Elle préférait se remémorer l'époque où elle était aussi légère que l'air, l'époque où la musique lui permettait de voler au dessus des nuages, l'époque où tout était insignifiant, l'époque ou rien n'avait d'importance.

La petite blondinette avançait lentement sur le quais, ses chaussures grinçaient contre le bois humide en un bruit caoutchouteux, ses doigts sveltes caressaient précautionneusement la rambarde rouillée comme si c'était l'objet le plus fragile au monde. Ses cheveux claires se balançaient au tempo de ses pas. Elle inspirait et expirait longuement essayant de calmer cette faim qui lui déchirait l'estomac, qui la rendait presque nauséeuse. Elle ne devait pas manger, elle ne pouvait pas. Elle se trouvait bien trop « grosse » pour avoir le droit de manger. Son culte pour la maigreur était sur le point de la tuer, de la faire succomber vers le point de non retour, mais elle s'en contre fiché, elle ne devait pas manger sous peine qu'Ana, sa meilleure amie vienne une fois que plus lui réapprendre les règles.

Son regard cerné fixait le bitume, tandis que son téléphone émit une sonnerie stridente telle que l'était celle d'une alarme à incendie. Elle fit glisser ses fin doigts sur l'écran avant de s'échauffer la voix en un toussotement grave dû à la cigarette.

/Conversation téléphonique/

-« Oui? »

-« Ouais Payson c'est Mattew, j'ai b'soin de t 'voir maintenant. »

-« Tu es où? »

-« Chez moi, j 't'attends. »

L'adolescente raccrocha d'un coup sec en prenant soin de ranger son téléphone dans la poche de son jean. Elle accéléra sa marche afin d'arriver le plus rapidement chez mon ami. Elle et Mattew ont toujours étaient très proche, il était en quelque sorte le frère qu'elle n'a jamais eu. Ils se connaissaient depuis le jardin d'enfant, l'endroit où tout les rêves étaient encore permis, ou l'on pouvait rire sans s'attendre à pleurer le lendemain. C'était une bonne époque, maintenant tout a changé, ils n'étaient plus des enfants, ils ne jouaient plus aux petites voitures ni au billes, mais avec leurs vies, et des bouteilles.

Payson venait d'entrer dans l 'appartement de Mattew, elle fit quelques pas dans le séjour avant de le retrouver. Il était recroquevillé sur le sofa une bouteille de vodka dans les bras. Son regard paraissait encore plus éteint que le sien, il semblait vide, dénué de sentiments. Elle prit place à ses côtés tout en retirant la bouteille de ses bras. Elle posa délicatement sa main sur la joue humide du jeune homme en y dessinant de petits cercles, il ouvrit subitement les yeux dévoilant ses orbes verdâtres et bouffit.

-« Payson...>> Murmura-t-il. »

-« Mattew, je suis là. T'inquiète pas. »

-« J'ai cru que t'allais pas venir. »

-« Chut... Mattew, je serrai toujours là pour toi. On a une promesse. Maintenant tu vas dormir d'accord? »

-« Seulement si tu restes avec moi... »

La petite blonde s'était rapidement levée pour retirer les chaussures de Mattew, puis, elle récupéra ensuite le plaid qui était froissé dans un coin tel un vieux torchon. Elle l'étendit sur le corps de son meilleur ami, qui lui, avait déjà les yeux clos. Elle s'apprêtait à partir lorsque qu'une main avide lui saisit faiblement son poignée.

-« Payson... restes avec moi. »

Elle ne répondit pas, les gestes parlaient d'eux mêmes. Elle s'allongea à ses côtes, dos contre son torse, puis ferma à son tour ses yeux, un bras vînt lui entourer la taille d'un geste protecteur et une tête se nicher dans sa nuque où un soufflement régulier venait doucement faire frissonner son échine

-« Bonne nuit Matti. »

<<Son corps maigre était le reflet de sa meilleure amie, pourtant, lorsqu'elle se regardait dans le miroir elle ne voyait qu'un tas de graisse. Triste renvoie d'un miroir en manque d'attention.>>

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