Chapitre 6

12 1 31
                                    

Deimos avait tué.

En dix ans, il avait commis beaucoup de meurtres et brisés énormément de vies. L'Enfer ne faisait pas de distinction. Des jeunes, des vieux, parfois même des enfants, n'importe qui pouvait se retrouver avec un gage au-dessus de sa tête. Le brun se mettait un point d'honneur à remplir ses missions. Tout ce qui comptait, c'était le fric à la clé.

Il se souvenait qu'avec son premier gain, il s'était offert une sublime Rolex à cinq chiffres.

Un coup d'un soir lui avait volé quelques jours plus tard.

Les premières fois ont été difficiles. Deimos ne savait même pas s'il en était capable. À chaque fois qu'il recevait un gage, il tremblait de tous ses membres. Heureusement, déjà à l'époque, Némésis le soutenait et l'avait encouragé à poursuivre ses efforts. Et au final, comme un forgeron qui apprend à forger, tuer était devenu beaucoup plus facile.

Cela ne devait donc pas être si dur de tuer Érèbe. Le brun n'avait qu'à planter sa lame dans la gorge de son ami et le tour était joué. En quelques secondes le blond se viderait de son sang et le tueur empocherait le pactole.

Rien de bien compliqué, il avait connu pire. De plus, Érèbe s'était foutu de sa gueule tout ce temps, il méritait de mourir.

Il le mérite, tenta de se convaincre Deimos, en vain. Même pour tout l'or du monde, il était tout bonnement incapable d'assassiner son ami.

Frustré face à cette situation inextricable, Deimos sentait la colère montait et il repoussa vigoureusement son vis à vis.
Érèbe manqua de chuter et grimaça de douleur en portant la main à ses côtes. Le brun ne culpabilisait pas. Il lui briserait les os s'il le fallait.

– J'arrive pas à croire qu'ils ont choisi une mauviette comme toi pour nous infiltrer, asséna Deimos d'un ton cinglant.

Sur le coup, Érèbe paraissait blessé. Mais finalement, il rétorqua, avec un grand sourire aux lèvres et une pointe de fierté dans la voix.

– Quatre ans d'armée, meilleur tireur de mon unité, qui d'autre de mieux placé pour rejoindre en douce une confrérie de tueurs à gages, hein ?

– Pas toi, apparemment, puisque maintenant tu as les flics aux trousses en plus de ces dits tueurs à gages, fanfaronna Deimos.

Touché, pensa le blond.

Cela lui faisait mal de l'admettre mais Deimos avait raison.

Si Érèbe avait pu, il serait resté à l'armée. Son départ n'était pas volontaire et on ne lui avait pas laissé le choix. Le retour à la vie civile n'avait pas été facile alors quand cette offre s'est présentée à lui, le jeune homme a sauté sur l'occasion. À seulement vingt-deux ans, il ne se voyait pas finir agent de sécurité ou vendeur de beignets.

Aujourd'hui, il pensait que frire de la pâte à longueur de journées n'aurait pas été si mal.

– Tout ça pour ton jolis minois, rétorqua Érèbe.

Entre les deux hommes, rien n'était clairement établis. Chacun pouvait se taper qui il voulait sans aucune répercussion. Ils n'étaient pas en couple à proprement parlé et en dix ans aucun des deux n'avait osé évoquer l'affection qu'ils se portaient l'un l'autre.

Il ne devait pas y avoir de sentiments chez les tueurs de l'Enfer sinon le boulot s'en trouvait mis en péril.

Pour preuve, les deux assassins se trouvaient bloqués aujourd'hui.

– On devrait partir vers le nord. En traversant le pays et en rejoignant le Canada, y a moyen de s'en sortir, évoqua Deimos, l'air sérieux.

Le brun paraissait vraiment croire en son plan. Sa voix était engaillardie comme pleine d'espoir. Il avait the plan parfait pour sauver son cul et celui de Nevan. Ça semblait tellement facile. Ils sautaient ensemble dans la Mercedes et roulaient jusqu'à atteindre la frontière. En quelques jours, ils y seraient arrivés et à l'abri.

Tout était si simple.

Trop simple aux yeux d'Érèbe. Il n'y croyait pas une seule seconde.

– Parce que tu crois vraiment que je n'y ai pas déjà pensé ? Sérieux, Deimos, j'attends pas qu'on vienne me buter par flemme de conduire. Tu sais aussi bien que moi que si je mets un pied en dehors de cette foutue forêt, je vivrais pas plus de quelques secondes.

Nevan avait accepté l'idée de mourir. C'est vrai qu'il n'était pas fou de joie face à cette option mais il savait pertinemment qu'il n'y aurait aucune happy ending à cette histoire. Il y avait beaucoup trop de personnes qui souhaitaient le voir mort. Même s'il réussissait à échapper à la police et aux divers mercenaires à ses trousses, l'Enfer lui, n'abandonnera jamais.

Le blond ne se voilait pas la face et savait que si ce n'était pas Deimos qui le tue, un autre serait envoyé à sa place et ainsi de suite jusqu'à la mort de la cible.
Et Érèbe savait que ses autres comparses ne seraient pas aussi hésitants que le brun.

– Donc ton plan, si je résume, c'est d'attendre qu'on vienne te buter c'est ça ? Tu vas poireauter tranquillement, en sirotant tout l'alcool à ta dispo, jusqu'à ce qu'une balle te trou enfin le crâne ? Génial, c'est bien pensé.

Deimos était sarcastique et applaudissait ironiquement.

Il l'avait vraiment mauvaise de voir son ami agir comme un lâche. L'Enfer leur a appris de nombreuses choses dont l'idée de ne jamais abandonner. Qu'importe la difficulté de la mission, elle se devait d'être exécutée pour que le client ait le sourire et file le pognon.

Et le brun ne supportait pas de voir Érèbe capituler.

Le blond commençait à s'agacer. Il en avait marre d'entendre son ami lui faire la morale. À sa place, Deimos aurait agi de la même façon, Érèbe en était certain. À moins d'avoir une baguette magique, il n'y avait aucun dénouement positif.

– Tu piailles trop, Corbin. Si tu ne me butes pas toi-même, quelqu'un d'autre essaiera. Et si tu ne remplis pas ton gage, tu connaîtra le même sort que moi. On va pas crever à deux pour mes beaux yeux, ça serait trop de gâchis.

Érèbe savait qu'il était dur mais c'était pour le bien de son ami. En aucun cas Deimos devait mourir à cause de lui. En dernière solution, le blond était prêt à se supprimer lui-même pour faire croire que le tueur avait mené à bien sa mission.

Il ferait n'importe quoi pour protéger Deimos.

Le brun, lui, ne semblait pas du même avis. En colère, il attrapa violemment le poignet de Nevan pour le tirer vers lui. Deimos voyait rouge et il n'allait pas attendre que le blond se décide pour agir. Ils n'avaient pas le temps pour ça. Alors c'est avec une force décuplée par l'adrénaline qu'il traîna Érèbe à travers la baie vitrée. Deimos était bien décidé à mettre son ami dans la voiture même si pour ça, il fallait l'enfermer dans le coffre de la Mercedes.

Le blond tentait de protester. Il essaya de s'extirper de la poigne de Deimos en allant en sens inverse, mais sans succès. Tout son corps lui faisait mal et il n'avait pas assez de force pour échapper à l'emprise du brun. Soudain, un cliquetis se fit entendre. Érèbe plissait les yeux puis compris d'où venait ce son que lui seul semblait avoir remarqué.

– Deimos !

Un boum assourdissant éclata.

Le Septième cercle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant