Prologue

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10 ans auparavant :

L'Enfer, une tour haute de dix étages et profonde de deux sous-sols. Tout le monde l'a connaît mais personne ne sait ce qu'il se passe réellement derrière ces murs. Il faut montrer patte blanche pour y entrer mais une fois dedans, impossible d'en ressortir. C'est un contrat à vie. Ou du moins, jusqu'à la mort.

Corbin, vingt ans, ne pensait pas finir ici. À vrai dire, la vie ne lui a pas laissée d'autres choix. S'il avait pu, il serait devenu journaliste, ou bien avocat, peut-être sportif professionnel. En réalité, le jeune homme ne s'était jamais vraiment posé la question. Son avenir, il le voyait sombre, incertain, comme l'a été sa vie jusque là.

Le grand brun n'avait pas eu une enfance facile. Il ne se plaignait pas car il n'était pas le seul dans ce cas là et il y avait toujours pire que soit. C'est ce qu'il a entendu toute sa vie. Ballotté de foyer en foyer et de famille d'accueil en famille d'accueil, Corbin n'a jamais connu la stabilité. Ses parents ? Personne ne sait. Un couple de drogués, peut-être morts, peut-être pas, il s'en fichait, il ne les avait pas vraiment connus. Retiré à sa mère avant ses trois ans, le garçon n'avait aucun souvenir de ses parents biologique. Il se rappelait simplement qu'on lui racontait que sa mère avait essayé de le vendre contre un peu d'héroïne, c'est ainsi qu'il a fini à l'assistance.

Par la suite, il avait voyagé à travers le pays. Échangé d'un foyer à un autre, il traversait les états mais il ne posait jamais ses bagages plus d'un an. Des enfants abandonnés il y en avait plein, et Corbin grandissant, il fallait laisser la place aux jeunes. Pendant un temps, il avait connu des familles. Jamais bien longtemps là non plus. Il ne rapportait pas assez d'argent. Les nourrissons ça payaient plus.

Sa place n'était nulle part. Ni en foyer, ni en famille. Adolescent, il a fini par partir une bonne fois pour toute. Là non plus ça n'a pas été facile. Il fallait manger et trouver un endroit où dormir. Corbin faisait des petite boulots mal payés, la plonge au black d'un restaurant bondé, ramasser les gravas d'un gros chantier, nettoyer les fosses sceptiques bouchées. Ça lui permettait de manger presque tous les jours mais ça ne payait pas un loyer alors le jeune se retrouvait sous des ponts ou des abris bus. On ne fait pas de vieux os dans la rue alors il fallait trouver une solution plus pérenne.

C'est après toutes ces années de galère que Corbin s'était retrouvé là, devant les grandes portes vitrées automatiques de l'Enfer. Il avait entendu dire que ça recrutait pas mal et que c'était bien payé. Ce n'était pas la première fois qu'il se présentait. Quelques semaines avant ça il avait tenté sa chance mais s'était fait refouler par le colosse à l'entrée car il n'avait pas rendez-vous.

Aujourd'hui, il en avait un, au septième étage de la tour. Il ne savait toujours pas pour quel genre de poste il avait été recontacté. À vrai dire, ce n'était pas le plus important pour Corbin. Enfin quelqu'un lui donnait sa chance et ça n'avait pas de prix.

Pour l'occasion, il avait loué un costume cravate. Il s'était privé de plusieurs repas pour pouvoir payer. Mais ça lui semblait important d'être présentable. Il fallait faire bonne impression pour combler le vide de son CV.

Corbin n'avait pas de réelle compétence. Il ne parlait pas non plusieurs langues, et surtout, n'était diplômé en rien. Pour lui, ce rendez-vous restait un mystère. Sa place n'était sûrement pas ici. Malgré tout, il allait tenter et même s'il essuyait un refus, au moins il avait essayé.

Le jeune homme avait l'impression d'être attendu. Une femme, d'une bonne quarantaine d'années, le fixait à travers la baie vitrée depuis un moment. Elle tapait du pied, les bras croisés. Pour une bonne première impression, c'était raté. Il devait être en retard sans le savoir.

Il fallu une bonne inspiration au brun pour oser rentrer. La quadragénaire rousse ne se présenta même pas et se dirigea vers l'ascenseur, faisant cliqueter ses talons sur le marbre blanc. Corbin lui emboîta le pas sans imaginer ce qui l'attendait au septième.

Le monde qui s'ouvrait au jeune homme n'avait rien à voir avec ce qu'il avait connu jusque là. C'était un univers qui n'existait que dans les films ou quelque part entre la Corse et l'Italie. Pour lui, ce qu'on disait de l'Enfer n'était rien de plus que des rumeurs de jaloux envieux. Seulement, les rumeurs ont souvent un fond de vérité et dans ce cas, la vérité se révélait bien pire.

Corbin avait signé un pacte sans même le savoir. En entrant dans le building, son sort était déjà scellé. S'il y avait été invité, c'était pour une bonne raison. Pas d'entretien d'embauche pour l'Enfer, un simple rendez-vous signifie que vous êtes pris. Ça, le jeune homme l'a découvert une fois au septième. Il était embauché mais pas pour n'importe quel boulot.

Tueur à gages. Corbin avait d'abord esquissé un sourire moqueur puis son cœur s'était accéléré devant le sérieux de Némésis, la quadragénaire à la chevelure d'un roux flamboyant. Il allait devenir un assassin.

Ce jour là, il aurait voulu s'enfuir, sauter dans l'ascenseur, descendre au rez-de-chaussée, courir à travers le hall marbré, et passer les portes sans se retourner. Mais qu'est-ce qui l'attendait là-bas, dehors ? La rue, la faim, le labeur, la misère tout simplement. Alors il était resté là, assis sur cette chaise face à Némésis. Il avait inspiré longuement et retenu son souffle. Sa manière à lui de mettre son cerveau à l'épreuve. Un seul choix s'offrait à lui. Accepter.

Corbin avait dit oui. En réalité, s'il avait refusé, il serait mort là, toujours assis sur cette chaise, une balle dans le front.  On ne refuse rien à l'Enfer.

Une nouvelle vie lui tendait les bras. Un avenir de criminel, ponctué de meurtres grassement payés, d'un toit au-dessus de la tête, et de camarades sur qui compter. Il avait enfin un véritable foyer et une nouvelle famille.

Pour se faire, il avait abandonné son nom. Corbin devenait Deimos. Son passé était lui aussi effacé. Personne ne devait savoir d'où il venait ni sa réelle identité. Désormais, il n'était rien d'autre qu'un employé de l'Enfer.

«L'Enfer est pavée de bonnes intentions».

Le Septième cercle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant