Tu ne me tueras pas

Chapitre 8 - Elle a 10 ans

Après quelques semaines de soins et de convalescence à l'hôpital, ma mère est venue me chercher et m'a conduite chez elle. Par chance, il était certes violent et alcoolique, mais il n'était pas très bon tireur. La balle n'avait que traversé mon épaule gauche. Dans un mois, Anthony saura quelle peine de prison il encourt pour cette tentative de meurtre, accompagnée de tous les sévices dont j'ai été la victime.

Ma mère m'a aidée dans les démarches administratives afin que je puisse réintégrer ma maison. Je ne savais pas si j'allais être capable de retourner vivre dans ce logement qui avait abrité tant notre amour que sa violence. Une amie psychologue m'a apporté son aide pour chasser une partie de mes démons liés à cette emprise que j'avais vécue avec un homme violent.

Grâce à elle, à ma mère, à ma famille et à mes ami(e)s, j'ai gravi les marches du palais de justice. Je voulais absolument être présente lors du prononcé de la sentence. Le juge a pris la parole : « Monsieur Robert, au vu des accusations de tentative de meurtre sur la personne de Madame Carrigan, au vu des diverses violences physiques et morales sur la même personne, à savoir, Madame Carrigan, la cour a délibéré et vous condamne à 10 ans de prison ferme sans aucune remise en liberté conditionnelle avant la fin de cette peine. »

Anthony est resté de marbre, immobile, comme si cette condamnation ne l'affectait pas. Au moment de me lever et de sortir de cette salle d'audience, j'ai entendu mon prénom. « Eva, Eva », cette voix me fit trembler. Anthony me fixait et j'ai pu lire sur ses lèvres la phrase suivante : « Es-tu prête à mourir pour moi ? »

Mon sang s'est glacé et je me suis mise à courir le plus vite possible, essayant de faire taire sa voix. Mes mains tremblaient, mon corps également, mais j'étais tellement heureuse que cette peine soit suffisante pour enfin éloigner toute cette peur qui me collait.

Je levais les yeux au ciel et le soleil radieux de cette belle journée me réchauffait le cœur et l'esprit. La vie pouvait reprendre son cours normal. J'ai rencontré Damien lors d'une soirée professionnelle, et cela a directement matché entre nous. Nous avons pris le temps de nous connaître avant d'envisager une quelconque relation. Je voulais être aimée, mais aussi aimer, sans retomber dans une connexion aussi fusionnelle et dévastatrice que celle que j'avais connue avec Anthony.

Les années ont passé, mon mariage avec Damien a été l'un des plus beaux jours de ma vie. Mon dieu, était-ce possible que ce nouveau bonheur soit réel ? Chaque jour, en ouvrant les yeux, il fallait que je mette ma main sur le torse de Damien pour m'assurer de sa présence.

Damien devait se rendre en Allemagne pour un meeting de trois jours. Avant son départ, nous avons discuté de l'éventualité de nous installer ailleurs, laissant derrière nous tout le passé qui m'hantait encore à ce jour. Les cauchemars étaient devenus moins fréquents grâce à l'amour et la patience de cet homme incroyable qui avait accepté de partager sa vie avec mes démons. Il avait toujours tendances à dire : « Eva, je t'aime avec tes démons. Sans eux, tu n'aurais jamais croisé ma route. »

Je fus surprise par la sonnerie du téléphone. Je m'empressai de décrocher, pensant que c'était Damien à l'autre bout, ayant oublié quelque chose, tête en l'air comme il était.

...

Je repris mes esprits, tremblante, les souvenirs me submergeant.

« Es-tu prête à mourir pour moi ? » résonnait encore dans ma tête, un écho glaçant du passé. Ce coup de téléphone, je l'ai tant redouté. Cette voix, je l'ai tant aimée, mais ce n'était plus mon présent.

Le téléphone gisait par terre, le cornet légèrement décroché. Prenant une profonde respiration, je ne pouvais laisser la peur m'envahir comme le poison que « Monsieur Robert » avait répandu dans les moindres cellules de mon corps sans que je puisse lutter.

Elle a 10 ans, elle a eu 10 ans, la condamnation de mon bourreau.

Je ramassai le téléphone, le cœur battant et raccrochai doucement. Me tournant vers la fenêtre du salon, la lumière du soleil inondant la pièce m'inonda d'une chaleur réconfortante. Il était temps de chasser les ombres du passé et de choisir la vie, l'amour.

C'était comme si ce coup de téléphone me sortait de la torpeur dans laquelle j'étais enfermée inconsciemment me signifiant que c'était maintenant ou jamais de prendre ce nouveau départ.

« Il est essentiel de se rappeler que l'amour véritable ne se nourrit ni de contrôle ni de violence (physique ou verbale) ; libérez-vous des chaînes toxiques et choisissez votre propre lumière, votre propre amour. Ne laissez jamais quelqu'un vous aimer au point de vous oublier. »