Chapitre 5 - The Fear - Ruben

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Une semaine est passée depuis que je suis rentré à Bayonne et je n'ai pratiquement pas bougé de l'appartement. Je me sens... totalement vidé, comme si mon âme m'avait quitté ce jour-là, à la plage. Je n'ai le cœur à rien, seulement à vouloir rester au lit. Heureusement, mon activité indépendante me permet d'avoir une certaine liberté et donc de pouvoir prendre un temps pour moi.

Solal ne m'a pas quitté d'une semelle et je m'en veux qu'il ait tout mis en suspens pour être avec moi. J'ai l'impression d'être un gamin qui a besoin d'être materné. Je me revois trois ans en arrière et ça me gave, putain !

— Ils sont là !, m'annonce-t-il.

Après ce qu'il m'est arrivé, Solal a évidemment prévenu nos parents et terriblement inquiets pour ma santé, ils ont décidé de venir me rendre visite ce week-end.

Par la fenêtre du salon, j'aperçois mon père sous un soleil lumineux, accompagné de Daphné, sa femme. Je l'aime beaucoup, on s'entend très bien et elle est toujours agréable quand je leur rends visite. Mais je suis surpris de ne pas voir ma petite sœur avec eux par contre. J'aurais bien aimé la voir.

Alors que mes yeux sont posés sur eux, je peine à croire ce que je vois. Ma mère est en train de sortir de l'arrière de la voiture, lunettes de soleil sur le nez, telle une star de ciné. Qu'est-ce qu'ils font ensemble ? Je sais qu'ils s'entendent bien, mais quand même. Ça me surprendra toujours cette relation qu'ils ont gardée.

L'interphone tonne deux fois et j'entends Solal leur ouvrir. Deux minutes plus tard, les voilà dans mon salon. Ma mère s'empresse de venir m'enlacer et son geste me noue la gorge. J'ai envie de m'effondrer comme un petit enfant qui retrouverait les bras les plus réconfortants qui existent.

Mi querido, dit-elle en me caressant la joue. Tu as une petite mine.

— Moi aussi je suis content de te voir, mamá.

Ma mère se détache de moi et mon père vient me faire une accolade, suivi de Daphné. Tous les cinq autour du bar, je leur prépare un café et boissons fraîches.

Le soleil diffuse sa chaleur à l'intérieur et rend l'atmosphère plus agréable malgré la situation.

— Comment tu te sens, cariño ?, me demande ma mère.

C'est dingue qu'elle me voit toujours comme un petit.

— Ça va.

— Il est complètement à l'ouest, intervient Solal. Il n'a pas bougé de la semaine.

Je lui flanque un regard noir pour qu'il se taise et n'aille pas plus loin. Pas besoin d'en rajouter une couche et de les inquiéter plus qu'ils ne le sont déjà.

— Qu'est-ce que tu comptes faire ?, demande mon père. Tu continues tes séances chez le psy ?

— Non... je n'y suis pas allé depuis un moment...

— Et bien tu devrais, coupe-t-il. Ça te ferait du bien, tu en as besoin Ruben. Regarde un peu ce qui s'est passé encore.

Je claque la langue contre mon palais, légèrement agacé.

— Ton père a raison Ruben, souligne ma mère. Tu ne peux pas rester comme ça.

— Je vais prendre soin de moi, je vous le promets.

— Il va venir avec moi, lance soudainement mon frère. Je le ramène sur la côte en fin de semaine.

— Qu'est-ce que tu vas faire de ton appartement ?, s'inquiète notre mère.

Toujours le bon mot au bon moment celui-là.

— Je pense que je vais le revendre prochainement... si ça se passe bien là-haut.

— Tu vas nous quitter ?

Et voilà ce que je craignais. Les yeux embués de tristesse de notre mère.

Mamá, rester ici ne cesse de me renvoyer à mon accident. Dès que je longe la mer, j'ai des flashs qui me reviennent, je n'en peux plus, j'étouffe constamment, j'ai besoin de changer d'air. Et je suis persuadé qu'être près de Solal me fera le plus grand bien pour avancer.

Maintenant elle fait les yeux ronds, et je ne sais comment apaiser ses craintes.

— Mais tu as eu aussi ton accidente là-bas, baragouine-t-elle dans un français approximatif. Será igual...

Sa voix trahit une émotion certaine.

— Jules et Zoé sont là-bas, dis-je calmement, Gabriel aussi. Je ne serai pas seul. Ne t'en fais pas, s'il te plaît.

Sous mes yeux, mon père presse furtivement la main de ma mère.

— Si tu crois que c'est ce qui est le mieux pour toi, on ne peut pas t'en empêcher, intervient-il.

Mamá, je serai là, rassure Solal. Il sera bien entouré, je te le promets. On prendra soin de lui. C'est ce qu'il veut et je suis persuadé qu'il sera mieux avec nous.

Elle balaye sa remarque d'un geste de la main et je la sais chagrinée malgré elle.

Eres un adulto... así que...

Je contourne l'îlot pour venir enlacer ma mère par-derrière et la réconforter. Nos parents ne se sont jamais opposés quant à nos décisions. Ils nous soutiennent toujours quoi que l'on décide dans nos vies, même si ça les inquiète ou leur déplaît.

Néanmoins, mon père ne peut s'empêcher de glisser qu'il sera un peu triste d'être aussi loin de moi. C'est vrai qu'actuellement nous sommes à peine à 1h30 l'un de l'autre et j'ai l'habitude qu'on passe du temps ensemble, mais le changement m'appelle, furieusement et il est temps que je prenne le large, que je passe à autre chose, que j'essaye d'avancer et de me reconstruire.

* * *

Cela fait maintenant trois heures que nous roulons en direction de la côte d'opale, sous un ciel gris omniprésent. Nous sommes partis à cinq heure du matin, et il nous reste encore sept heures de trajet, si tout se passe bien.

Jetant un coup d'œil dans le rétroviseur, l'arrière de la voiture est chargé à bloc. J'ai embarqué pas mal d'affaires avec moi, comme je compte y rester le plus longtemps possible, voire définitivement.

Dans un premier temps, je vais m'installer chez Solal. Si tout se passe bien, je prendrai mon indépendance dès que possible. Gabriel m'ayant assuré pouvoir m'embaucher à l'école de surf, je sais que j'aurai déjà une petite rentrée d'argent pour subvenir à mes besoins en attendant de pouvoir reprendre mon activité de graphiste indépendant. Et si ce n'est pas assez, je peux filer un coup de main à Jules les soirs de fortes influences au Wave Corner.

À côté de ça, il va falloir que je redescende prochainement pour l'appartement. Avec mon père, on s'est mis d'accord. Il va se charger de le mettre en vente, de faire les visites, et il me faudra récupérer et stocker les meubles dès que possible. Parfois je me dis que je ne fais pas les choses dans le bon ordre, mais je n'en peux plus d'être ici. Ce coin, autrefois mon refuge, s'est transformé en une réalité que je ne supporte plus.

Après une pause sur l'autoroute, Solal prend le volant à son tour. Encore deux heures trente à tirer et on est bon. La route me paraît interminable et à mesure que le temps passe, la circulation devient difficile sur les grands axes.

Wild Grey Ocean | Tome 1 - [Roman en relecture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant