THᴇ Nᴇw EᴀʀᴛH

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DNB blanc n°2

29/04/2024

Sujet A, imagination (38/40)

«Vous raconter un voyage (imaginaire) à bord d'un navire vers un pays qui vous est inconnu mais existe réellement...»

||Les phrases ou paragraphes en gras sont des passages que j'ai rajouté lors de la réécriture que j'ai effectuée avant de publier ce texte.||

 À mesure que s'éloignaient les côtes, je voyais les silhouettes disparaître et je sentais que j'entrais dans un nouvel univers fascinant...

 J'avais embarqué en début de matinée dans The New Earth, un immense navire à l'air robuste tout droit sorti des contes les plus extraordinaires, où pirates et corsaires se battaient pour l'or. La première fois que je l'avais vu, il m'avait fait penser au Hollandais Volant, avec ses hauts mats et ses voiles amples et pâles qui lui donnaient presque une silhouette fantomatique dans la brume matinale; mais cette idée m'avait parue absurde, je ne croyais pas à ces histoires à dormir debout.

 The New Earth avait une large coque en bois vernis ornée de décorations dorées. La statue d'une sirène accrochée à la proue du bateau semblait larmoyer silencieusement. Pleurait-elle sa liberté, la liberté de nager dans ces eaux turquoises et mystérieuses? Ou bien, pleurait-elle un amour perdu? Un être cher qu'elle ne reverrait jamais, prisonnière de ces liens, cordes sculptées qui l'empêchaient de bouger?

 J'y rêvais, plaignant cette pauvre damnée, quand mon meilleur ami m'appela, sautillant sur le pont, pour me dire de le rejoindre à la cabine du capitaine car il avait obtenu une entrevue avec ce grand homme courageux, d'après lui.

 J'ai jeté un dernier coup d'œil au soleil levant, grosse boule orangée et aveuglante, avant de m'engouffrer dans la cabine du fameux capitaine.

 C'était un vieillard à la longue et épaisse barbe blanche; Tout comme son navire, on avait l'impression qu'il venait d'entre les pages d'une œuvre fantastique, avec son attirail de pirate: sa chemise blanche délavée surmontée d'une veste en cuir brun sans manches. Sa jambes droite meurtrie était raide, le faisant boiter.

 Peut-être arborais-je un air terrifié en l'apercevant, mais il m'accueillit d'un sourire chaleureux, me saluant de sa forte voix grave qui faisait frissonner. Ce vieil homme se donnait des airs de Barbe Bleue ou Rousse, mais il était en réalité doux comme un agneau.

 Il nous rassura, mon meilleur ami et moi, quant à nos peurs face à l'inconnu et à l'immensité des océans.

 « Cette embarcation est solide et mes hommes sont téméraires! » s'exclama l'homme en se grattant le menton pensivement, « en réalité, le voyage pour l'Australie s'est déroulé d'une façon étrangement calme. Si calme que c'en est presque effrayant! Tout va bien se passer, les jeunes! »

 Le capitaine avait beau nous répéter que nous n'avions aucune raison de nous inquiéter, je tremblais encore. Pourtant, au fond de moi, cachée par mon enthousiasme grandissant, l'inquiétude me rongeait. Cette étendue d'eau, parfois tranquille, parfois déchaînée, n'avait pas de fin et j'espérais que le capitaine avait raison. Je m'accrochais, à cet espoir.

 Un après-midi où nous étions sur le pont, entourés de marins qui s'affairaient sans même nous remarquer, à moins de nous hurler dessus quand nous nous trouvions dans le passage, mon meilleur ami me précipita contre la rambarde. Il me jurait avoir vu une créature: Cthulhu, racontait-il d'un air on ne peut plus sérieux. Dans un roulement d'yeux, je lui répétai une énième fois de sortir de ses livres d'aventures et de s'intéresser à la réalité. Toutefois, je me penchai sur le bord avec lui et affirmai que ça ne devait être qu'un calmar géant. Ce monstre ne vivait-il pas en profondeur? Je pâlis et mon sang se glaça. Ou des dauphins... Mon meilleur ami éclata de rire et me donna une tape gentillette dans le dos.

 Je restai dans cette position quelque peu inconfortable pendant un long moment, à scruter l'eau noire reflétant le ciel assombri. Le vent faisait voler mes cheveux et dévaler les larmes sur mes joues. Je ne pleurais pas, j'étais bien trop heureuse pour cela, mais peut-être que l'émotion accompagnait ces gouttes d'eau salées, coulant de mes yeux.

 Les côtes lointaines défilaient au rythme du bateau, et je réussis à entrevoir des plages de sable blanc parsemées de coquillages échoués, des arbres fleurissants de toutes les couleurs: du rose, du jaune citron, du bleu ciel, du violet... Je vis aussi quelques habitations, certaines en bas, d'autres en pierres mates.

 Au moment où mon angoisse commençait à s'estomper, un cri m'interpella et je me tournai vers l'autre bord du navire pour voir une baleine bleue surgir des fonds marins et retomber dans l'eau en faisant claquer sa queue à la surface, provoquant des vagues qui vinrent ébranler notre bateau et un autre que nous avions croisé peu de temps auparavant.

 Une belle jeune femme qui travaillait sur le navire avait vu ma poigne sur le garde-corps s'affermir et mes yeux s'écarquiller, et elle s'approcha de moi pour poser une main réconfortante sur mon épaule.

 « Ne t'inquiète pas des baleines. Nous en croisons beaucoup à cet endroit et nous n'avons jamais eu d'accident. »

 Mais quel endroit? Où étions-nous? Nous étions-nous perdus?

 Le rire mélodieux de la demoiselle parvint à mes oreilles quand elle m'annonça que les côtes que nous commencions à voir étaient celles de l'Australie et que nous arrivions à destination.

 Je me trouvai rougir face à celle qui me faisait penser à la sirène. Mais elle semblait, au contraire, remplie de joie. Une joie probablement contagieuse car je ne pus m'empêcher de sourire en voyant son visage radieux se tourner à nouveau vers moi, illuminant mon cœur et faisant fuir mes pensées noires.

 Je me sentis soulagée de retrouver la terre ferme, tenant la main de la jolie jeune femme qui nous avait proposé, à mon meilleur ami et moi, de nous servir de guide à travers l'Australie.

 En fin de compte, j'étais satisfaite de ce voyage qui m'avait apporté beaucoup, entre les anecdotes croustillantes du vieux capitaines et les connaissances de ma sirène sur la faune et la flore sous-marine; sans parler de tout ce que j'ai appris sur l'Australie.

 Si je pouvais, je referais ce voyage avec plaisir, et peut-être un peu moins d'appréhension.

𝐿𝑒𝑡𝑡𝑟𝑒𝑠Où les histoires vivent. Découvrez maintenant