"Voici le Capitole, j'y arrête mes pas".
Toulouse. Quelle pauvre conne. Tu m'en as fait voir, ma belle. De toutes les couleurs même.
Qu'est que j'ai souffert en ton sein. Qu'est-ce que je me suis langui de toi. Qu'est-ce que je t'ai attendu. Qu'est que tu m'as fait espérer.
Toulouse, ville morose. Ville qui va à vau-l'eau, ville où je m'égare, ville de spirales infinies de perdition, ville de merde.
Tu ne m'as jamais fait peur, c'est vrai. Jamais tu ne m'as impressionné aussi, peut-être un peu au début. Je savais dès le premier jour qu'on aurait cette relation si étrange.
Tu m'exploses au visage, Toulouse. Ta vigueur, ta force brute, tes lumières, tes foules, ta nouveauté constante. Je suis ému, intrigué, déconcerté, épuisé, allumé, fier, perdu, la liste ne s'arrête pas.
Tu n'as pas de mode d'emploi, c'est certain. Même si les villes en avaient, toi pour sûr tu n'en aurais pas. Il faut te vivre, te lire, te rire, te boire pour le croire.
Dans le ciel comme sous terre, partout tu t'insinues, tu creuses furieusement comme une bête enragée des milliers de chemins pour mieux nous dévorer.
Tes rues sinueuses, désorganisées, toutes différentes mais toutes similaires aspirent et piègent impartialement étrangers comme habitués. La différence s'inscrit peut-être en cela que ces derniers ne nagent pas contre ton courant, ils sautent à pied joints dans les rapides sans peur de ton inconnu."Ici, si tu cognes, tu gagnes".
On ne triche pas avec toi. On te prend à bras le corps ou tu nous envoies valser sur le bas-côté.
Pour te garder, les obstacles s'érigent de toutes parts. Il faut savoir danser au diapason de la gentrification qui vide ton cœur fragile de sa culture populaire, artistique et politique sur l'autel rutilant qu'est la place du Capitole. Il faut aussi tromper les aprioris des uns, confondre les intentions des autres, sur d'où l'on vient, sur qui on est, le tout dans une joyeuse mascarade artificiée sur toile de précarité et de lutte
sociale.
Au cœur de tout ce fouillis, une lueur : la promesse vacillante d'un avenir incertain, pour lequel il faut combattre sans relâche comme un acharné pour enfin atteindre l'œil du cyclone.
Car oui Toulouse, si tu es bien attrayante, ce n'est pas par choix que nous, gens en tous points ordinaires, nous maintenons
sous ton égide de briques, pourtant si chaleureuse quand le soleil couche tendrement ses rayons sur la Garonne.
Qualités comme défauts, rien ne compte plus quand il faut se sortir d'une réalité enfermante pour poursuivre ses rêves.
Alors si, dans les joies comme dans les peines, à coup de fêtes trop arrosées, de discussions soucieuses saupoudrées de fumée, et même de belles gamelles en vélo parce que trop fier et trop émerveillé, on finit par s'enticher de tes promesses ensoleillées, aujourd'hui je le dis, le crie, le clame : "Toulouse, tu n'es qu'une étape".
Je te regarde enfin yeux dans les yeux. Je peux enfin te dépasser, quitter ton confort duveteux.
J'ai compris que circonscrire mon destin en ton sein c'était te laisser me dévorer de chauvinisme, d'avarice, de cupidité, me soumettre à un confort illusoire qui nourrit la machine vrombissante que tu es.
Ma victoire n'est sans doute pas acquise, mais après t'avoir élucidée et percée à jour, il ne me reste qu'à habilement méditer mon chemin du retour vers la personne aboutie dont Toulouse n'aura connu que l'esquisse.
En songeant à toi lorsque je partirai, murmurera dans mon oreille l'hommage mélodieux de celui qui t'a si bien chanté :"Un torrent de cailloux roule dans ton accent.
Je revois ton pavé, ô ma cité gasconne.
Si l'un me ramène sur cette ville,
Pourrais-je encore y revoir ma pincée de tuiles...?".
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Révolte estudiantine
PoetryRecueil de poèmes autour de ma vie de garçon, d'étudiant, d'être humain.