Chapitre 2-Odell Industries

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Une fille avec un pull et un sweat l'un sur l'autre, au beau milieu du mois de juillet, c'était peu commun -sauf si on avoisinait minuit, et qu'on se trouvait sur le toit d'une usine à Chelsea. Les vents balayaient sans cesse les toits, et même si ça permettait à Elin d'y demeurer sans se faire dévorer par les moustiques, il y faisait terriblement froid. A la base, Elin comptait simplement s'installer dans un des bureaux de l'établissement de Odell Industries, qui fermaient l'été, mais le temps avait suffi à la convaincre de dormir à la belle étoile.
Elle avait établi sa chambre provisoire entre un conduit d'aération et le local des escaliers. C'était là qu'elle était le moins atteinte par les vents, mais elle conservait cette vue imprenable sur l'Hudson River et sur la Statue de la Liberté. Elle était perdue dans leur contemplation, en attendant le bn moment pour paniquer.
Son téléphone était en mode avion, mais elle l'enlevait à peu près tous les quart d'heure pour se mettre un peu au courant de qui s'inquiéter. Les appels avaient commencé dans les alentours de dix-huit heures avec ceux d'Abriana, une de ses sœurs adoptives, qui rentrait de son travail vers cet horaire-là.
Quand Elin ne vérifiait pas ses messages, elle fixait le paysage, à peine sombre. Il était neuf heures et la nuit commençait seulement à tomber. Elle aurait bien sorti son carnet à dessins, mais il avait disparu avec le sac de Sam.
Je me hais.
Elin avait du mal à croire qu'elle puisse être aussi douée à griller toutes ses chances avec lui. Elle se savait assez nulle, mais pas à ce point. Mais elle aurait aussi dû prévenir Sam quu'elle n'était pas sportive. La jeune fille était incapable de traîner un sac pesant des tonnes pour elle, plus ses propres affaires -et son bagage émotionnel, tout en échappant à la police.
Sa dernière chance était que quelqu'un aie récupéré le sac avant la police, et qu'il se manifeste dans les deux nuits et deux jours à venir. Les coordonnées d'Elin étaient marquées dans son carnet : son numéro de portable et son adresse e-mail « secrète ».
Ses parents adoptifs, Lauren et Pierce, lui avaient toujours interdit d'accéder à des réseaux sociaux ou d'avoir quelque présence que ça soie sur Internet, mais Elin postait régulièrement ses dessins sur tumblr via les ordinateurs de la National Library ou du lycée. C'était dans ces moments qu'elle se sentait un peu rebelle. Quand elle fuguait et dormait sur les toits d'une usine, aussi.
Malgré la situation et ses erreurs récentes, Elin faisait son maximum pour apprécier les sensations et la vue. New York était un peu son terrain de jeu, et elle avait l'impression d'être au sommet, juste avant de redescendre via le toboggan.
Vers dix heures du soir, Elin recut enfin un texto d'un numéro inconnu.
[inconnu] donc est-ce que tu es le propriétaire du sac que j'ai plus ou moins volé sur times square cette après-midi ? Parce qu'il y avait deux numéros et je savais pas qui appeler
Malgré sa panique, Elin écrivit une réponse en quelques secondes. Le numéro inconnu était peut-être en train de raconter tout à Sam, alors elle devait agir vite.
[elin] oui c'est à moi, l'autre numéro doit être une erreur
Une minutes après, sa sonnerie retentit ; la jeune fille regarda le contact. Sam. Au même moment, elle recut une réponse de l'inconnu.
[inconnu] trop tard désolé
Elin lâcha un rire nerveux pour l'ironie de la situation, avant de prendre son courage à deux mains et de décrocher :
-Je te promets que je peux tout expliquer, commença-t-elle.
Il s'ensuivit un court silence de la part de Sam. Elin pouvait presque voir sa moue disant « encore heureux ».
-Il m'a déjà tout expliqué. Honnêtement, je trouve ça plutôt badass, mais t'aurais franchement dû me prévenir quand t'as paumé le sac.
L'adolescente écarquilla les yeux. Exactement le contraire de ce à quoi elle s'attendait. « Badass » ? Ou Sam était complètement irresponsable, ou il était un peu trop sympathique et mature pour son âge. Elin lui accorda un semblant d'excuses :
-Je pensais pouvoir m'en sortir seule et te le rendre normal à la date prévue.
Sam poursuivit sans vraiment y prêter attention. Comme s'il n'attendait même pas des excuses de sa part :
-Il y a, tu sais, un de ces petits porte-clés et après tu peux le localiser avec une application. En plus j'imagine que t'as dû salement paniquer. Sérieux, c'est vraiment classe, j'ai l'impression d'être au téléphone avec une criminelle internationale.
Là, Elin sourit brièvement. C'était quasiment un compliment. Elle fit de son possible pour réduire son « exploit » :
-Alors que je me suis juste barrée de chez moi sans mes médicaments pour l'asthme.
-Oui, tout de suite, ça a moins de gueule. Enfin bon. Le mec veut absolument qu'on soie là tous les deux pour vérifier qui est le vrai proprio. Je lui dit quoi ?
Elin haussa les épaules, désemparée face à la prévenance de Sam :
-Je suis en vacances et j'ai pas de parents pour l'instant. Jusqu'à nouvel ordre, je suis libre tout le temps.
-OK, laisse-moi deux secondes alors.
Elin patienta, et profita de ce laps de temps pour se rendre compte que toute cette histoire, plus sa fugue, l'avaient complètement crevée. Ca faisait du bien d'être débarassée de ce poids.
-D'accord. On se retrouve à onze heures devant le Metropolitan Museum. Tu veux que je t'accompagne, ou tu penses pouvoir aller jusque-là sans te faire poursuivre par les flics ?
Malgré le fait que la proposition était tentante, Elin refusa poliment.
Après avoir salué Sam et raccroché, Elin retourna se lover sur son sac de couchage, en remettant son portable en mode avion. Après avoir enfoncé ses écouteurs dans les oreilles, elle se mit à contempler les étoiles. Elle était tout de même montée sur les toits pour ça.
Je suis sûre qu'une journée en montagnes russes ressemble à ça.

Comme convenu, Elin se rendit avec cinq minutes en avance sur le parvis du Met. Il y avait eu des orages la nuit, et le marbre des marches glissait. Du fait de la même pluie, elle avait mal dormi : à trois heures du matin, elle avait dû tout déplacer à l'intérieur pour que ses affaires ne soie pas trempées. Pas la plus agréable des activités nocturnes. Elle poiireautait sous son parapluie, déterminant les traits des passants sans pouvoir les coucher sur le papier. L'envie de dessiner la démangeait.
A onze heures tapantes, elle fut abordée par un individu en fauteuil roulant. Il avait été déposé deux minutes plus tôt, par une voiture qui patientait un peu plus haut dans l'avenue. Elin avait déjà eu le temps de déterminer son trait dominant : la sagesse. Elle remarqua qu'il avait le sac de sport bleu marine sur les genoux.
-Excuse-moi, lanca-t-il. Est-ce que tu es la propriétaire du sac ?
La jeune fille hocha, puis secoua la tête successivement :
-Oui, enfin non. Je suis un peu la baby-sitter, si tu préfères.
Elle l'étudia pendant qu'un silence s'installait. Si elle avait eu l'occasion de le dessiner, elle aurait probablement eu un résultat sympa. Sur son crayon, il vieillirait, vieillirait, mais sourirait sous ses rides, de ce sourire à la fois calme et moqueur dont les moines et les personnes âgée avaient le secret. Dans la tête d'Elin, ce sourire voulait dire « je sais tout mieux que toi, mécréant », bien qu'elle n'aie rien contre les personnes âgées.
Sam arriva enfin en courant comme un dératé. Elin craignit pendant une fraction de secondes qu'il glisse et se fracasse le crâne à terre, mais il arriva entier.
-Désolé. Bonjour. Sam, se présenta-t-il rapidement. Je viens récupérer mon sac.
Le sauveur du sac eut une expression pincée, traduisant qu'il n'aimait pas trop les retardataires.
-Je veux pas trop poser de questions, mais pourquoi elle l'avait, à la base ? Demanda-t-il en gardant ses mains posées sur le sac.
Sam haussa les épaules :
-Mon frère veut pas de ce qu'il y a dedans à la maison ou en dehors. A la base, j'étais censé l'amener à la déchetterie.
Leur interlocuteur haussa les épaules en retour, comme si tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes, avant de tendre son sac à Sam. Celui se tourna vers Elin, qui était surprise qu'il porte le sac aussi facilement alors qu'elle avait eu l'impression qu'il pesait des tonnes hier soir :
-Tu peux le garder jusqu'à demain midi, ou pas ? C'est une question sérieuse.
Elin croisa son regard, avant de pencher la tête sur le côté :
-Je te rappelle qu'à la base, j'avais refusé. Mais oui, demain midi, c'est faisable.
Comme pour s'assurer qu'elle s'en sentait capable, Sam fit une dernière piqûre de rappel :
-D'accord. Je te fais confiance, hein !
Il lui tendit enfin le sacro-saint sac de sport. Elin passa la bandoulière sur son épaule non sans mal, avant de récupérer son carnet à dessins dans la poche frontale du sac, qui n'était pas verrouillée, contrairement à la principale. Se rappelant de ce détail, Elin jeta un coup d'oeil au cadenas ; il avait été scié.
-Tu l'as ouvert ? Demanda-t-elle avec stupéfaction.

N/A : Holà ! J'avais oublié de vous dire que je vais poster un chapitre de cette histoire tous les dimanches -sauf chapitre surprise, jusqu'à ce que je boucle ma première fic en cours (il doit rester quatre à six chapitres). Jusqu'ici, qu'est-ce que vous en pensez ?

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