Chapitre II

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POINT DE VUE DE GROSSE TRUIE

À première vue, un sourire en coin se formait sur mon visage. Un homme grand au long cou... ma came. Je veux, je veux. Mais en m'attardant sur son visage, mes idées coquines s'arrêtent net. Jordan Merdella ?! Il sourit à pleines dents en voyant que la foule d'étudiants l'acclame. Dont Malcolm. C'est la première fois que je le vois aussi agité, c'est perturbant, lui qui est si calme et réservé. J'espère que le garçon au physique d'Hitler n'est pas un fan du RN. Jordan Bardella s'avance derrière le bureau pour serrer la main au professeur d'origine burkinabée. La vieille dame à ses côtés reste derrière lui tel un toutou. Pff, il respecte tellement pas les femmes qu'il a employé cette mamie comme agente de sécurité... Après cette poignée virile, Merdella essuie sa main contre son pantalon, comme s'il avait touché une sale bête. Non mais je rêve ?! Je me tourne vers Stéphane pour voir si elle a vu la même chose que moi. Elle aussi est ébahie.

— Allons, allons, calmez-vous ! dit-il d'un air faussement modeste, alors que les étudiants font le contraire. Ils commencent même à chanter la Marseillaise, ces boloss.

— Bon, fermez vos sales gu**les maintenant. Respectez Jordan Bardella et laissez-le parler, s'impose le professeur de droit en hurlant dans le micro.

Tout le monde se la ferme. Jordan rit nerveusement et desserre sa cravate. Ouh, c'est très chaud tout ça. Le professeur s'excuse de son langage vulgaire et lui offre le micro. De là, Bardella commence à débiter je ne sais quoi...

— Utaing Stéphane, c'est Jordan Bardella.

— C'est qui ?

— Bah c'est le mec là, espèce de grosse vache. C'est un candidat qui s'est présenté aux élections européennes là ! Et y a plein de gens qui sont pour lui.

— Ce gros raciste là ? Tchiiip.

— Gênante, tu sais pas tchiper.

— Tu te la fermes.

— Oh my God, c'est un FDP par contre comment il est trop beau...

— Beau et alors ?! Je l'ai croisé tout à l'heure et il m'a fait des remarques racistes !

— Jure ? Il a dit quoi ?

— Feur.

Je roule des yeux. C'est moi qui dis "feur", pas elle. On ne suit aucunement le discours de ce facho, et je pense que la plupart des filles présentes sont dans le même cas. Mais pas pour la même raison que nous ; nous, on est des bad girls qui parlons entre nous, alors qu'elles, elles sont juste envoûtées par le sourire impeccable du député. Mais bon, je ne vais pas juger. Je les comprends... Je saisis mon téléphone et envoie un message à mon groupe de sœurs : Adidas Krasovki.

MOI |
Wsh vous allez jamais deviner y a qui à la fac

AKUNAMATATA |
Ton mari

Je souris en coin comme Debby Ryan. Si on oubliait le comportement ignoble et enfantin de Bardella, je l'accepterais bien en mari... Il fait plus d'1m85 quand même... J'active l'appareil photo et zoome sur le corps de mannequin de l'homme politique. Mais alors que je prenais la photo, le flash s'active subitement, alors que Stéphane et moi sommes plongés dans la rangée sans lumière. Le flash attire l'attention de Jordan, l'arrêtant net dans son discours.

— Merle ! chuchotais-je, alors que Stéphane me regarde d'un air blasé.

— C'est qui qui vient de prendre une p**ain de photo ? hurle le professeur dans son micro, sous les yeux jugeurs de Bardella. C'est illégal de prendre en photo quelqu'un à son insu, on va porter plainte contre v-

— Fermez-la, monsieur Mamadou, je vous prie, balance-t-il d'un ton totalement calme qui n'a pas l'air de choquer les étudiants. Allumez la lumière du fond que je vois la belle jeune fille qui m'a pris en photo.

Stéphane a la bouche ouverte en forme de O en entendant ses propos racistes. Le "Mamadou" obéit à son ordre. Soudainement, Stéphane et moi sommes éblouies par la lumière, mais aussi par les centaines de yeux posés sur nous. Dont ceux de Bardella. Le sourire qu'il avait au départ s'estompe en voyant à qui il a affaire. Une noire et une voilée. Il ne s'attendait pas à ça...

— Ah. Une négresse pas ponctuelle et une islamiste qui prend des photos pour envoyer aux terroristes. Vous voulez qu'ils fassent un attentat à l'Assemblée ? C'est ça ?

La classe entière demeure silencieuse. Stéphane et moi, ébahies, ne disons rien.

— En plus, comme par hasard, c'est vous qui êtes assises tout au fond. On pouvait pas faire plus cliché...

— Monsieur, c'est discriminatoire ce que vous dites, intervient Abel.

— Fermez-la le gros, je ne vous ai pas sonné. Même si vous aussi, à votre teint basané, je pourrais vous remettre à votre place.

— Mais vous êtes complètement malade ! criais-je telle une T/P, en me levant de ma chaise.

— Elle veut quoi la grosse voilée ? pouffe le brun au regard ténébreux.

— Vous vous prenez pour qui à nous insulter ? Vous nous connaissez même pas !

— TRUE, en plus si vous nous provoquez, Grosse Truie va vraiment finir par envoyer vos photos à ses frères islamistes, continue Stéphane. En plus devinez quoi ? Elle est tchétchène.

J'envoie un coup de pied à Stéphane sans que personne ne le remarque. Mais quelle grosse dinde ! Bardella prend peur face à ces menaces. J'ai l'impression qu'il va se chier dessus, et que sa merde va couler sur ses chaussures.

— Vous ne gagnerez jamais aux élections européennes ! continuais-je. Personne ne vous prend au sérieux, vous êtes là juste parce que vous êtes beau ! Vous ne posez meme pas d'amendements alors que c'est votre travail, espèce d'idiot !

— Et en plus vous vous êtes chié dessus à l'amphi N de Tolbiac ! renchérit Stéphane.

— Vive Manon Aubry ! dis-je en me sentant comme une héroïne avec le vent soufflant dans mon voile.

La classe entière nous suit dans le mouvement, et répète "Vive Manon Aubry". Jordan Bardella ne sait pas quoi faire, il est visiblement paniqué face à la foule qui, tout à l'heure, l'acclamait, et qui maintenant se moque ouvertement de lui. Mais les sifflements et les protestations se font couper par une voix stridente : celle de l'alcoolique hawaïenne de la classe, Maria.

Habillée comme toujours d'un pyjama et de son casque sur les oreilles, elle s'est elle aussi mise debout. Elle essaye de me voler la vedette, cette pauvre canette.

— Vous n'avez pas honte de manquer de respect à un homme politique ? Il s'est déplacé pour venir vous voir et vous le remerciez comme ça ? Bande d'ingrats !

— Merci jeune négresse, sourit Bardella.

— C'est un Français qui veut le bien pour son pays ! s'incruste son bouche-trou. Moi, je suis certes tunisienne, mais je soutiens complètement notre Jordan Bardella !

— Dis juste que tu veux te le taper sale vendue, dit Étienne.

Si je pouvais embrasser mon Étienne à ce moment précis, je l'aurais fait. Tout le monde se fout des deux bolosses immigrées, et Jordan Bardella finit par craquer. Sans un mot, il quitte les lieux suivi de sa mamie, déboussolé. Hanine et Maria les bolosses courent après lui.

— J'ai jamais vu une classe pareille, hurle le professeur dans son micro, au malheur de nos tympans.

APRÈS LES COURS, 19:30

DANS LA PEAU DE STÉPHANE

Assises autour d'une table, Sissi, Akunamatata, Carotte, Grosse Truie et moi dégustons notre G La Dalle. Ma meilleure amie est en train de pleurer de rage en mâchant son burger.

— Wesh pourquoi elle pleure la oukhty ? demande un inconnu à la coupe dégradée.

— Parce qu'elle est énervée contre Bardella, répond Sissi.

— La prochaine fois qu'il nous reparle comme ça, je lui en fous une, pas deux, crache la voilée.

— Tu vas jamais le revoir, grosse vache, dis-je.

— True, répond-elle.

— Au moins il vous a remarquées... dit Carotte avec un sourire en coin.

— J'avoue... sourit Grosse Truie à son tour en ravalant ses larmes. Quelle grosse BDH.

— Pff, qu'est-ce que vous êtes superficielles ! Vous pensez qu'au physique ! râlais-je.

— J'avoue, les filles, vous n'êtes pas sérieuses. Soyez dignes, mince ! nous gronde Sissi, de ses yeux émeraudes intimidants.

— Pardonne-nous, Sissi... disent les sœurs en chœur.

Le nez dans son téléphone, Akunamatata est dans sa bulle. Mais alors qu'elle scrollait indéfiniment sur son écran tel un zombie, elle se stoppe dans son mouvement. Ses yeux s'arrondissent.

— Euh... je crois pas que ça soit la dernière fois que vous voyez Bardella...

— Quoi ?! s'écrie la Tchétchène aux traits maghrébins.

Akunamatata tourne son téléphone vers nous, et une musique d'horreur se joue dans mon cerveau en lisant le contenu de celui-ci.

TWITTER

@UniversitéStSerge
Pour des raisons confidentielles, le professeur de responsabilité juridique sera remplacé par @JordanBardella à notre plus grand honneur, pour une durée indéterminée.

On est dans la merle.

***

OMG ! Notre Jordan est professeur à l'UA ! Les deux immigrées n'auront pas fini entendre parler de lui... pour le meilleur, et pour le pire !

J.B. : L'amour contraire Where stories live. Discover now