Chapitre 5

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Amy

Je suis complètement désorientée par ce qui vient de se produire. Encore contre la table de billard, je tente de reprendre mes esprits avec difficulté. Ma respiration est saccadée et mon souffle est court. Je relève les yeux vers Montgomery. Il tourne en rond dans la pièce, le regard projeté vers le sol. Ses mains passent à plusieurs reprises sur son visage, comme pour retirer de ses pensées ce qu'il venait de faire. Soudainement, il m'observe. Ses yeux, je ne les avais jamais vus comme ça. En eux, j'y discerne une part de fragilité.

— Je suis désolé, madame Cortez, je ne voulais pas...

Il affirme qu'il est désolé, pourtant il est si impassible.

— C'est ce que vous faites à toutes les femmes lorsque vous les voulez dans la poche ?

Une mine dégoutée s'affiche sur son visage. Il n'a pas l'air de saisir ce que je viens de lui lancer.

— Comment ? Me questionne-t-il.

— Si vous croyez que je vais m'égarer de mes fonctions pour avoir une quelconque histoire avec vous, vous vous trompez lourdement.

Ma voix déraille, et un nœud se forme dans ma gorge. En dépit du fait que je lui reproche son comportement dans des soucis hiérarchiques, je ne peux nier que je me suis sentie vulnérable. Je ne comprends pas les sentiments qui me parcourent. Mon cœur me fait souffrir, et je ne cesse de revoir son visage si proche du mien. Pourquoi me fait-il si mal ? Je tente avec difficulté de me reprendre, afin qu'il ne remarque pas ma faiblesse.

— Ce n'était pas mon intention, ajoute-t-il fermement.

— À bon ? Alors que cherchiez-vous en vous approchant de moi de cette façon ?

Le pilote se redresse et me contemple, intrigué. Une fois encore, il se joint à moi avec fierté.

— Vous avez ressenti quelque chose, n'est-ce pas ?

Je le scrute avec dédain. Comment ose-t-il ? Comment pourrais-je ressentir quoi que ce soit envers une personne comme lui ? Il n'est qu'orgueil et mépris, rien chez lui ne peut être enviable. Je le repousse une fois de plus, avec bien plus de force qu'il y a quelques instants.

— Rentrez chez vous ! Vous n'avez plus rien à faire ici.

— Je ne partirai pas tant que vous ne m'expliquerez pas quels sentiments vous ont traversé l'esprit.

J'emprunte le couloir, m'emmenant sur la porte d'entrée, que je n'hésite pas à ouvrir en grand. Je ne souhaite qu'une chose, qu'il parte le plus loin possible d'ici. Montgomery se trouve toujours dans la pièce de vie, attendant désespérément que je ne réponde à ses interrogations. Mais ne trouvant pas de réponses de ma part, il comprend rapidement qu'il est préférable pour lui de quitter les lieux. Il reprend rudement sa veste en jean étendue sur une des chaises du salon, avant de passer la porte.

— Pas besoin de me contacter, je ne vous répondrai pas. Je vous rejoindrai au Grand-Prix du Canada, je lui lance en lui indiquant la sortie.

Je ne prends pas la peine de le regarder partir, refermant violemment la porte derrière moi tandis qu'il se trouve être encore sur le palier. Une fois la porte close, je m'adosse contre celle-ci. Je me laisse péniblement tomber au sol, mes mains recouvrant mon visage. Mon cœur me fait toujours aussi mal, et ma respiration est toujours aussi rapide. Je n'arrive pas à saisir ce sentiment, qui me préoccupe autant. Pourquoi je me retrouve ainsi ? À cet instant, je me sens si faible... En tendant l'oreille, j'entends la voiture de Montgomery redescendre le chemin menant à la maison. J'ai très bien compris quel type de personnage il peut être. Un homme qui collectionne les femmes grâce à son statut et qui pense qu'elles sont toutes à sa botte. Misérable, c'est le terme qui le définit le mieux à mon sens. Après de longues minutes assise au sol, je me relève finalement avec difficulté. Du couloir, j'aperçois son verre de whisky encore posé sur la table de billard. Je m'en approche afin d'en boire les dernières gorgées. Le liquide glacé me brûle la gorge, tandis que je le bois cul sec.

— Pourquoi est-ce que je me retrouve dans cette position, je me demande à moi-même. Et pourquoi je me sens si mal ?

Sans réponses à mes questions, je me dirige vers ma chambre plongée dans le noir. Je ne cesse de me ressasser la personne que je voudrais être, une avocate rigide et une femme de caractère. C'est absolument tout l'inverse de ce que je suis ce soir. Mais... Je décide de ne pas perdre pied. Demain est un autre jour. Je n'aurais qu'à me réaffirmer devant Montgomery, et nous oublierons cet épisode.

Le lendemain matin, je suis réveillée avec sauvagerie par le son aigu de mon réveil. Je prends tellement peur que je me lève en sursaut afin de l'éteindre. Mon Dieu... Je ne sais pas pourquoi je continue de garder une telle sonnerie. Chaque matin, c'est la même scène. Mon téléphone déjà allumé, je parcours les réseaux sociaux, curieuse de découvrir ce que les utilisateurs ont pu poster. Mais soudainement, une image retient mon attention. Le décor qui s'y trouve me semble familier. Mes yeux s'écarquillent de stupeurs lorsque je comprends ce qu'il se trouve sur la photo. J'y reconnais sans nul doute la voiture de Montgomery, celle qu'il avait empruntée hier soir en venant me rendre visite. Un titre évocateur est inscrit en description de la photo.

« Qui est la femme aperçue avec le pilote ?

Le jeune pilote Wyatt Montgomery, suspect dans une affaire de meurtre, a été aperçu hier quittant une des locations de Monaco. Il semblerait qu'il soit accompagné d'une mystérieuse jeune femme. »

Je me lève de mon lit, submergée par l'inquiétude. Comment cette photo s'est retrouvée dans ce journal. Encore une fois, c'était bien le moment que les médias ne s'en mêlent... Même si je m'étais promis de ne pas contacter Montgomery avant de le voir lors du grand-prix du Canada, mon devoir d'avocate prend le dessus. Je décide de lui envoyer la capture d'écran, afin qu'il soit au courant de la situation. À l'heure qu'il est, il doit déjà être dans l'avion pour le Canada... Étant donné qu'il ne me répondra avant un moment, j'écris à Hannah pour l'informer de cet imprévu. Ce n'est pas très éthique, mais je lui demande de faire jouer nos contacts journalistes à New York afin qu'ils écrivent un article favorable envers le pilote, afin que les lecteurs oublient cet incident. Tout comme hier, Hannah me répond sans tarder. Elle m'explique que cela devrait prendre effet dans les plus brefs délais, ce qui étouffera cette affaire. Je suis rassurée. Si cela peut calmer les foules, alors ça ne coute rien d'essayer. Tandis que je souris devant mon écran, la notification de Montgomery attire mon attention. Même par message, je vois bien que son ton est glacial et que me parler semble être une épreuve.

Montgomery : « Que voulez-vous que j'y fasse ? C'est vous qui m'avez invité. »

C'est vrai que pour une fois, il n'a pas tort. Ce n'est pas vraiment sa faute. Depuis le départ, nous nous montrons en public sans avoir expliqué aux médias que je suis son avocate. Au prochain grand prix, il sera important que je me montre comme son avocate et non comme son amie.

Moi : « L'affaire est réglée. Je décale mon vol à aujourd'hui afin de vous retrouver au plus vite au Canada. »

Avec surprise, Montgomery lit directement mon message. C'est comme s'il l'attendait avec impatience. Après quelques secondes à attendre sa réponse, c'est en fin de compte un pouce levé qu'il finit par m'envoyer. Cette réponse si brève et pourtant si porteuse de sens me met en rogne. Je le déteste. Et néanmoins, je le retrouverai dans quelques heures. Je n'ai pas réellement hâte de le revoir. Des questions plein la tête, je prépare mes affaires pour prendre l'avion ce soir.

Bientôt, je serai au Canada, aux côtés de Montgomery.

Dans l'Ombre du PodiumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant