III

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La journée était bien entamée, on sortait de notre dernière heure de cours avant l'entraînement de San à 15h00, rien que d'y penser je ressentais déjà les courbatures dans mon corps. Ces séances étaient de mon point de vue le plus dur dans notre formation, San était un véritable tortionnaire qui carburait à la discipline, l'endurance ou le sadisme en fonction des jours. Je soufflais en refermant mon casier, la césure n'avait pas été suffisante pour me permettre de me reposer. Du moins pour moi, car de son côté Eva qui était appuyée contre le casier voisin avait une mine radieuse. Même avec cette ride du lion au milieu de ses sourcils tandis que sa plume donnait vie au travers de ses doigts courant sur l'écran de son téléphone à son nouvel article.

- Alors ? S'exclama-t-elle en rangeant son téléphone.
- Alors quoi ? Demandais-je en ramassant mon sac que j'avais nonchalamment déposé par terre.
- J'ai appris qu'il était en ville...

Je souriais devant toute la volonté qu'elle employait pour ne pas prononcer son prénom, sans forcément dénier répondre à sa question. C'était le seul tabou dans sa vie, un de trop disait-elle. En toute franchise Eva n'avait rien à faire ici, à l'Institut, bien sûr c'était une étudiante exceptionnelle mais son truc, son vrai talent, c'était le journalisme d'investigation. Et Hunt, un peu malgré lui, est devenu sa source. J'ignore à combien il lui vendait ses informations et s'il les lui vendait réellement, mais dès qu'il revenait en ville, le rendez-vous était fixé et Hunter cuisiné à toutes les sauces. Au début de cette collaboration Hunt avait tout mis en œuvre pour l'éviter, et quand je dis tout, c'est tout. Mais Eva était déterminée et rien ne l'aurait empêché d'atteindre le but qu'elle s'était fixée, si bien qu'à force de ruse et de persévérance elle finissait toujours par avoir ce qu'elle voulait. Je crois que ce qui m'épate le plus dans cette histoire c'est que désormais il ne cherchait plus à l'éviter, à un certain niveau j'avais compris qu'il préférait garder le contrôle sur ce qu'Eva diffusait et de son degré d'information c'est pourquoi c'était lui qui venait la trouver. A d'autres égards, elle avait forcé son respect quand elle l'avait poussé dans ses retranchements, et Lucifer savait que Hunt ne perdait jamais son sang-froid. Mais elle avait été faite pour l'exaspérer au point de le faire craquer, ce qui m'amusait plus que ça n'aurait dû.

- La moindre des choses quand on te pose une question c'est de répondre.
- La moindre des choses quand on pose une question s'est d'être clair.
- Tu sais très bien de qui je veux parler.
- Laisse-moi réfléchir, dis-je une main sur mon front et les yeux clos en feignant de creuser mes méninges. Désolée, je ne vois pas de qui tu parles, décrétais-je en soupirant de dépit.
- Ça ne m'amuse pas.
- Moi non plus, ce n'est pas interdit de l'appeler par son prénom Eva.
- Très bien, puisque tu veux jouer à ça, Hunter De LaCroix est en ville ?
- Oui il est là.
Je passais mon bras sous le sien, il ne lui en fallut pas plus pour clore le sujet. Elle savait qu'il était là, et elle n'avait pas besoin de ma confirmation, juste d'une réponse sarcastique à lui jeter au visage.

Après une heure d'entrainement mon souffle était court, quant à mon corps il était déjà bien engourdi. Face à l'épuisement qui me terrassait je devais admettre que je manquais clairement de concentration, San m'avait dans son viseur, à la moindre erreur il me tomberait dessus.
Les entraînements s'étaient considérablement intensifiés en un trimestre, les programmes hebdomadaires avaient doublé nos heures et le niveau d'exigence s'était accru drastiquement. Maintenant qu'on avait triplé nos heures, je pensais à la meilleure façon d'annoncer à Mima que j'aurais moins de temps pour l'aider à la pharmacie. La connaissant elle trouverait forcément une solution pour que je fasse le quota d'heure pour lesquelles je n'étais pas payées soit dit en passant.

Dans le gymnase, la forte odeur de transpiration mêlé à quelques éclaboussures de sang en imprégnait chaque recoin. Les coups valsaient sur les six rings où l'on s'entraînait depuis déjà plus de deux heures, je transpirais tellement dans ma nouvelle tenue d'entrainement que le tissu me collait à la peau. J'avais dû en commander une nouvelle après avoir déchiré la précédente lors des examens, et bon sang elle était tellement confortable que je la sentais à peine sur moi. Mes articulations étaient protégées par une doublure en mousse, le ventre, la poitrine et les fesses avaient un type de doublure différente, un peu plus rigide. Malgré ça, elle n'était efficace pour me protéger des coups puissants de Ronnie. Il m'épuisait l'animal. Je ne sais pas d'où il puisait autant d'énergie mais ça devenait compliqué pour moi de suivre, si bien que mes cheveux que j'avais noués autour de ma tête menaçaient de se défaire. S'ils se détachaient ils risqueraient de me gêner davantage songeais-je en reculant. Au-dessus des cris animés par la rage chez mes camarades, la voix de San s'éleva depuis l'autre bout de la salle.

RED RIDDING WOODSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant