VII

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Je passais une main sur mon visage en me demandant à quel moment il était parti. Mon regard glissa lentement vers ma grand-mère qui s'était figée aussitôt après être entrée dans ma chambre. Elle était là.

— Tara ? Tout va bien ?

Je clignais plusieurs fois des paupières en croyant à une mauvaise blague. Elle ne pouvait pas sérieusement être en train de me demander ça après ce qui s'était passé.

— Toi, tu vas bien ? Demandais-je. Je t'ai entendu crier, j'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose.

— Crier ? Je n'ai pas crié, je viens tout juste de finir le petit déjeuner.

Impossible !

— Pourtant, je t'ai entendu d'en bas, insistais-je.

— D'en bas ? Où étais-tu ? Tu n'étais pas dans ta chambre ?, reprit-elle plus sévèrement.

— J'étais dans la pharmacie, j'ai entendu un bruit et je suis allée voir. C'est la vitre de la porte qu'on a cassée, mentis-je. J'ai ramassé les débris, mais il va falloir changer la vitre.

— Oh... dit-elle simplement. Voilà qui est fâcheux.

Ne voyant pas ce que j'aurais pu dire ou faire de plus, je me contentais d'hocher la tête, décontenancé par son comportement. Pas d'insulte sur le coupable, pas d'inquiétude sur les produits ou les stocks, pas de stress sur la possibilité que ça ait été un cambriolage. Juste un, c'est fâcheux.

— Donc, ce n'est pas toi que j'ai entendu, insistais-je en fronçant les sourcils.

— Puisque je te dis que non, tu m'agaces à la fin !

— Pardon, j'étais juste... Inquiète.

— Je comprends, maintenant viens prendre ton petit déjeuner, ça va refroidir. Pendant ce temps, j'appellerai Marcel pour qu'il vienne réparer cette vitre avant mon départ.

— Ton départ ? Demandais-je en la suivant dans la cuisine.

— Tara, tu es sûre que ça va ?, dit-elle après un long moment à me jauger. J'ai ma convention annuelle.

— Tu es sûre ? Demandais-je en avalant une bouchée de mes œufs. Je croyais qu'elle avait déjà eu lieu cette année.

— Oui, je suis sûre.

— Tu pars quand ?

Elle me regarda en silence, les bras croisés.

— Ce soir, mais enfin, qu'est-ce qui te prend ce matin ?

— Pardon, je crois que je suis fatiguée, je me reposerai ce week-end.

— La pharmacie restera fermée pendant les deux prochaines semaines, les clients sont prévenus, continua-t-elle en décrochant le téléphone fixé au mur près de la porte.

Je hochais la tête en relevant ma jambe sur la chaise. Le menton posé sur mon genou, je la regardais composer le numéro de Marcel. Deux semaines ? D'habitude, c'était une semaine. L'insistance de mon regard dans son dos doit lui peser, car elle retourna, haussa ses sourcils gris, l'air de dire "qu'est-ce que tu as ?". Perturbée par son attitude, je lui rendis son geste en levant les mains en l'air, après tout, ce n'est pas moi qui suis bizarre. Du moins pas plus que d'habitude. Surement lasse de toute cette cérémonie, elle posa sa main sur le micro du téléphone pour le couvrir.

— Va te préparer si tu as fini ! chuchota-t-elle en agitant sa main dans ma direction.

Dans la langue des signes, ça voulait dire : "Oust, du balai !". Au moins, elle n'avait pas changé sa façon de me congédier comme une malpropre. Je finissais mes œufs d'une traite avant de m'attaquer au bacon que je plaçais entre deux pancakes, tandis que j'entendais Mima s'excuser. Sa cuisine aussi était toujours aussi divine. C'était peut-être moi qui me faisais des films, peut-être que j'avais imaginé les dernières 24 heures.

RED RIDDING WOODSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant