Cordyceps

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Cela fait déjà plusieurs heures que j'erre dans la forêt amazonienne à la recherche d'une araignée, l'araignée Goliath, tout me fascine chez elle. Sa taille immense comparable à une assiette, ses crochets qui peuvent mettre fin à la vie d'un oiseau, elle possède aussi des poils urticants qu'elle projette à son agresseur ou à sa proie, ce qui lui permet de la paralyser. Le journal Emrine, spécialisé dans les arachnides, ma envoyé observer l'habitat naturel de cette araignée nocturne, pour pouvoir compléter nos informations.

Mes jambes me guident entre broussailles et racines. Le soleil sur mon front me fait perler de fines gouttes de sueur. Mon appareil photo, accroché d'une lanière à mon cou, se balance au rythme de mes pas. Mes yeux noisettes balaient toute cette verdure pour me permettre de ne pas tomber. Mes cheveux d'un brun d'ébène me cachent à certain moment la vue. Je me dois donc de les recoiffer à chaque fois pour éviter une mauvaise surprise. J'apprécie énormément cette ambiance sous les tropiques.

Des milliers voire des milliards d’insectes m’entourent. Que ce soient des fourmis, des chenilles, des coccinelles, des phasmes, des arachnides ou même des libellules. Ils m’entourent tous. Il faut dire que je suis dans leur territoire après tout. Certains me montent dessus, comme cette petite fourmi d’un noir profond qui se tient sur le bout de mon doigt. Elle me mord à l’endroit où elle se tient, mais, fort heureusement pour moi, c’est une Lasius Niger, aussi appeler fourmi noire des jardins. C’est une fourmi inoffensive dont le régime alimentaire se résume aux liquides. Il faut connaître la forêt amazonienne avant de s’aventurer en son cœur.
Bon nombre de personnes y ont déjà perdu la vie dû à leur manque d’information. Surtout en ce moment, pour je ne sais trop quelle raison, les décès se font de plus en plus fréquents. Même si la peur de pouvoir perdre la vie dans cette forêt me noue la gorge, je garde la tête haute car heureusement, moi, je connais cette forêt comme ma poche.

Mes pas se font de plus en plus lourds au fil du temps qui passe, des courbatures commencent à se faire ressentir et ma bouche se fait sèche. Je m’assois donc par terre pour boire. J’ouvre ma gourde avec délicatesse pour boire quelques gorgées. Je sens l’énergie revenir en moi malgré mes membres engourdis et une certaine oppression qui naît dans tout mon corps,ce qui est sûrement du à l’avion de cette matinée et à la pression atmosphérique.

Après cette courte pause, je reprends mon expédition à la recherche d’un endroit pour observer la mangeuse  d’oiseaux en action à la nuit tombée. Sur ma route, je croise plusieurs animaux comme des paresseux, des toucans, des singes, deux trois serpents et même des sangliers.
A force de marcher, je me retrouve à côté de l’amazone. C’est tout simplement le fleuve qui traverse la forêt amazonienne. Avec ses 7025 kilomètres, c’est le plus long fleuve de la Terre devant le Nil.

Sur ce fleuve, une famille de capybara se baigne. Ils sont si mignons ! Mais d’un coup, un énorme serpent du nom d’anaconda surgit du fleuve et avale le plus petit de la famille. Outré de la situation, mon corps ne réagit pas pendant que la famille capybara essaie de fuir leur prédateur de l’eau. Les capybaras agitent leurs pattes à une vitesse hallucinante pour esquiver le monstre de six mètres tendis, que lui, se faufile dans l’eau avec une facilité déconcertante. Mon corps se détend quand je vois le reste de la famille atteindre la Terre ferme.
La famille capybara s’éloigne dans les poumons de la planète, le cœur sûrement lourd de la perte de leur progéniture.

Mais malgré mon cœur soulagé, je ne bouge pas. Ou plutôt, je n’y arrive pas. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi je ne bouge pas ? Je veux pourtant bouger. Mon corps ne le veut juste pas. Pourquoi ? Je ne comprends pas.

Je ne possède qu’une seule pensée à ce moment précis : Je veux bouger.
En plus de ne pas pouvoir bouger, ma bouche devient sèche, ne voulant que de l’eau.  Cela me semble durer de longues minutes alors qu’en réalité, seulement trente pauvres secondes se sont écoulées. Pour éviter que cela ne se reproduise, je m’empresse de sortir ma bouteille d’eau, pouvant enfin bouger, et d’en boire de nouveau quelques gorgées. Je ne comprends pas comment j’ai pu me retrouver dans cette situation. Est-ce la peur qui m’a tétanisé ? Ai-je eu un simple manque d’eau ? Ou peut-être est-ce tout simplement de la fatigue.
Je n’en sais rien.
Mais est-ce que je veux vraiment le savoir ?
Ou est-ce que je préfère rester dans l’ignorance ?
Ça non plus, je n’en sais rien.

J’ai à peine le temps de faire trois pas que mon corps ne me répond de nouveau plus. Tout mon être commence à trembler de panique et de douleur. Des sueurs froides coulent le long de mon front. Un bourdonnement horrible retentit dans mes oreilles, me provoque une terrible nausée. Je tombe par terre en me tenant la tête de douleur. J’essaie de reprendre possession de mon corps, mais n’y parviens pas.
Mon corps ne me répond définitivement plus. Il ne me reste que ma conscience qui part, elle aussi, petit à petit. Je me sens mourir de l’intérieur. Je sens mon corps se décomposer. Je sens mes organes se détériorer à une vitesse hallucinante. Et cela me terrifie. Je grimpe dans un arbre contre mon gré. Je veux descendre, tout mon être le veut. Mais rien de cela ne se passe. Je continue à grimper.

Pourquoi ?

J’ai si mal… La nausée me torture, ma bouche sèche veut de l’eau, la fatigue me vient petit à petit, mais malheureusement il m’est impossible de m’endormir face à la douleur de mon corps. Et même si je voulais dormir mon corps ne me le permettrait point. Bon sang…  Mais que se passe t’il à la fin ? Pourquoi est-ce que je monte aussi haut dans un arbre ?
Pourquoi suis-je venu dans cette forêt déjà ? Je commence à perdre la tête. Je n’arrive plus à réfléchir. Je ne comprends pas. Comment est-ce que j’en suis arrivé là. Au sommet de cet arbre avec cet vision d’horreur. Devant moi se trouvent des cadavres.
Il y a des cadavres.
Mon Dieu… J’ai si peur, aider moi je vous en prie. Que quelqu’un me vienne en aide, par pitié !
Je ne veux pas finir disparu comme eux !
Je ne veux pas !
Je ne veux pas reposer à mon tour ici...
On vas moi aussi m’oublier ? N’est-ce pas ?
Quel était mon but si c’était pour finir comme ça?
Quel était son but ?

J’ai compris.

Cette chose immonde a réussi à prendre possession de mon corps.
Voilà pourquoi, je me retrouve allongé au sommet de cet arbre sur une pauvre branche, entouré de tous ces corps remplis de cette chose, et vidés de toute humanité.
Voilà pourquoi, mon corps ne me répond plus.
Voilà pourquoi, il ne va rester que ma carcasse, habitée par cette chose, sur cette branche avec mes congénères.
Voilà pourquoi, je m’éteins.
Toutes ces choses sécrète en moi une peur incommensurable.
C’est donc comme ça que je vais partir ? Abandonné à mon triste sort, telle une fourmi ouvrière ? Seul ? Ce ne sera pas ma famille qui ramassera mon corps sans vie pour me déposer plus loin. Mais le vent.
Et après tout je ne suis pas une fourmi.
Mais un humain.
Alors comment a-t-il réussi à prendre possession de moi ? Comment est-ce possible ?!
C’est une bonne question à laquelle personne ne répondra.
Car je suis seul dans cette forêt, sur le point de mourir.


Nda:
J'espère que cette petite histoire vous aura plus et que vous comprendrez ce qui c'est réellement passé. Merci d'avoir lu. N'hésitez pas à poster des commentaires constructifs ou même des questions !

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