Chapitre 1

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Les pages dorées de l'aube

FINN

« Astronomy - Conan Gray »

Le bruit assourdissant de mon réveil me tire brutalement de mon sommeil alors que la musique "Astronomy" de Conan Gray résonne encore dans ma chambre. À trois heures du matin, j'étais encore plongé dans mes rêves de dragons et de sorts, avec des personnages prêts à affronter le monde. Mais maintenant, c'est à mon tour d'affronter la réalité ; moi aussi, je dois faire face à mes propres monstres. Je toussote tandis que la douce odeur de chocolat chaud et de cannelle s'échappe de la cuisine et s'infiltre dans mes narines.

— MAMAN !

— Oui ? Tu es encore resté éveillé toute la nuit, mon petit sucre d'orge ? - la voix de ma mère résonne dans le hall.

— Je n'ai pas entendu mon réveil, je n'aurai pas le temps de petit-déjeuner. Est-ce que tu peux préparer mon lunch pour les cours ?

— Bien sûr, mais dépêche-toi, Phineas. Nels ne va pas arriver en retard en cours à cause de toi.

— Ne t'inquiète pas, le lycée ne commence qu'à huit heures et quart. Il lui reste encore du temps avant que je prenne mes jambes à mon cou pour partir sans lui.

Nelson était déjà dans la cuisine avec ma mère, probablement en train de prendre leur petit-déjeuner ensemble. Des moments de complicité que j'observe avec une pointe de jalousie.

— Je me douche et je suis prêt... Et arrête de m'appeler ton sucre d'orge, maman, dis-je en roulant des yeux.

Je suis certain qu'il est arrivé chez nous bien avant mon réveil. C'est un peu « leur truc » à ma mère et lui. Depuis le décès de sa mère, il vit seul avec son père. Et moi, je vis avec ma mère.

​​Mon père est parti le lendemain de ma conception. Selon ce que j'ai compris, il avait été repéré par un casteur hollywoodien pour un rôle dans une série jamais diffusée. En bref, il a sorti une excuse bidon et a laissé ma mère m'élever toute seule alors qu'elle sortait à peine de l'université.

Heureusement pour elle, Richard, l'ancien colocataire de mon père, a su lui apporter le soutien qui lui manquait et l'accompagner pendant sa grossesse. Il est devenu mon parrain, mais aussi le père de Nelson. Il est né d'un amour sincère et est devenu mon meilleur ami. Ses parents étaient amoureux l'un de l'autre depuis aussi longtemps qu'ils se connaissent, d'après Richard.

Aussi loin que je puisse me rappeler, Nelson a toujours été là pour me protéger. C'était cool d'avoir quelqu'un sur qui s'appuyer durant toutes ces années. C'était l'épaule sur laquelle je pouvais me reposer quand j'étais fatigué. L'oreille qui écoutait mes pleurs quand je tombais, mes histoires de premiers baisers, mes cachotteries et tout ce qui va avec.

Son père a su incarner la figure paternelle dont j'avais besoin, me prouvant que la famille, ce n'est pas toujours une question de liens de sang, mais de soutien et d'amour inconditionnel.

— Finn ! Dépêche-toi, mec, on démarre dans cinq minutes. La voix de Nelson me sort de mes pensées alors que j'étale ma crème solaire sur mon visage.

— Oui, oui, je suis prêt.

— Tu peux me passer le sèche-cheveux s'il te plaît ?

Ses cheveux blonds trempés dégoulinent de sa tête qui dépasse de l'entrebâillement. Je lui tends et la porte se referme derrière lui. Il a sûrement été courir, comme tous les matins.

Je recoiffe une dernière fois mes cheveux bouclés. Le reflet de mes yeux est vitreux tellement j'ai veillé tard hier soir. J'ai enfreint plus d'une fois la règle du « encore un chapitre et au dodo » car je m'enfile le bouquin en une nuit ou alors, dans ce cas de figure, je passe ma nuit à écrire mon nouveau manuscrit. Maintenant, je dois aller au lycée avec seulement trois heures de sommeil et un visage blanc comme neige alors qu'on est seulement en automne.

En dévalant les escaliers, j'enfile le sweat que maman me donne avec mon sac à dos où elle a sûrement pris le temps d'y glisser des cinnamon rolls bien chauds et mon sandwich pour ce midi.

— Nelson t'attend sous le porche, me dit-elle en ajustant le col de mon sweat avec des gestes rapides mais affectueux.

— D'accord, bisou maman, j'y vais !

Elle dépose un léger baiser sur mon front. J'attrape la poignée avec un dernier regard vers elle tandis que ses yeux désapprobateurs me scrutent de haut en bas.

— Tu es sûr que tu as tout ? Ta carte magnétique ? Et tu n'oublies pas de bien manger à midi, d'accord ?

— Oui, maman, tout est dans mon sac. Ne t'inquiète pas.

Elle semble encore hésitante et continue de me bombarder de questions.

— Tu as mis des chaussettes chaudes ? Il fait froid dehors. Et n'oublie pas de dire à Nelson que je le trouve très brave, surtout après ce qu'il a traversé.

— Oui, maman, j'ai des chaussettes chaudes et je lui dirai !

Avant de partir, je me tourne vers le placard à manteaux et en sors une écharpe que j'enroule autour de mon cou. Elle me sourit.

— Bisou, mon sucre d'orge. Je t'aime. Sois sympa avec Nelson aujourd'hui, ça fait cinq ans que... tu sais.

Elle ne finit pas sa phrase, mais son expression est lourde de sous-entendus.

— Je sais. À ce soir, lui dis-je en faisant un signe de la tête, signe que j'ai compris ce qu'elle voulait dire.

Ça fait cinq ans que sa mère est morte, et que Nelson n'est plus lui-même. Cinq ans que mon meilleur ami n'est plus celui qu'il était avant cet événement qui nous a tous détruits.

— Et n'oublie pas, si tu as besoin de quelque chose, tu m'appelles, d'accord ? insiste-t-elle une dernière fois.

— Promis, maman. À ce soir.

Je descends les marches du porche, ressentant le froid mordant de l'air matinal contre ma peau encore tiède de la douche. Les feuilles mortes craquent sous mes pieds, ajoutant un bruit familier à cette scène quotidienne. Nelson est là, m'attendant patiemment avec un sourire complice, ses cheveux blonds légèrement ébouriffés par le vent. Il me lance un regard chaleureux, celui qui semble dire que tout va bien. Sauf que derrière cette façade se cache une cicatrice qui saigne encore.

Cette douleur, bien qu'invisible à l'œil nu, est toujours présente, poignante et vive. Je l'ai vue se manifester dans ses silences prolongés, dans ses regards perdus dans le vide et dans ces moments où son sourire s'efface trop rapidement.

J'essaye tous les jours de lui montrer que même si cette cicatrice fait partie de nous, elle ne doit pas nous définir. Depuis tout ce temps, Nelson n'a pas encore fait son deuil. Il était bloqué dans un trou noir, et j'ai tenté de lui montrer qu'il y avait encore de la lumière au-delà des ténèbres. J'ai essayé de lui transmettre l'idée que, même si nous sommes tous marqués par cette perte, nous avons également la capacité de trouver un nouvel équilibre et de découvrir une nouvelle manière d'avancer. Je fais partie de ceux qui pensent qu'on ne se remet jamais vraiment de ce genre d'événement. On apprend plutôt à vivre avec, à intégrer cette absence dans notre quotidien.

Il a toujours été là pour moi, même dans les moments les plus difficiles. Son amitié et sa présence constante m'ont aidé à traverser des périodes où tout semblait perdu. Il est ma force, mon refuge, celui qui me comprend sans que j'aie besoin de parler. Savoir qu'il est à mes côtés me donne le courage de continuer, de croire en un avenir meilleur malgré les épreuves.

Je voudrais tellement qu'il comprenne à quel point il est important pour moi, à quel point il a su combler le vide laissé par l'absence de mon père. Nelson est plus qu'un ami ; il est ma famille, ma lumière dans les ténèbres.

Fading lights Où les histoires vivent. Découvrez maintenant