Chapitre 3

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                             Murmure de l'ombre


                                           Finn



                   « photograph – Ed sheeran»

Le soleil se lève doucement, étirant ses rayons dorés dans le lycée d'une facilité apaisante. Les couloirs sont déjà pourtant semblables à une fourmilière en plein essor. On  marche, côte à côte.
— Alors, tu es prêt pour le contrôle de maths aujourd'hui ? demande Nelson, un sourire malicieux aux lèvres.

Un frisson parcourt mon dos, je déteste cette matière.
— Aussi prêt que je peux l'être. J'ai passé la moitié de la nuit à réviser.
Nelson éclate de rire.
— Encore une de tes nuits blanches, hein ? Je me demande vraiment comment tu fais pour tenir.
Je souris de toutes mes dents. Lui autant que moi savons que j'ai passé ma nuit réveillé à écrire tout sauf de l'algèbre.Notre discussion est interrompue par le retentissement de la cloche, marquant le début de la journée de cours. Nous nous dirigeons vers notre première classe, l'anglais. M. Thompson, notre professeur, est déjà là, il nous scrute de haut en bas comme si nous étions des pommes dans une corbeille de choux,il déteste les retards.

— 3 minutes de retard pour les jumeaux. C'est bon pour cette fois mais j'espère que ça ne se reproduira plus.

Je ne comprendrai jamais pourquoi ce surnom nous à été attitré. Il est bien le seul à nous appeler comme ça bien que ça ne me déplaise pas. On est constamment fourré ensemble matin midi et soir alors pourquoi pas imaginer cette relation de frère.
Même si j'aimerais qu'elle en soit tout autre...

J'aime bien l'anglais, c'est une matière où je peux laisser libre cours à mon imagination, je me plais à imaginer qu'un jour mes romans seront traduits dans le monde entier .
Pendant que M. Thompson nous parle de la poésie romantique, je sens ma gorge se serrer. Chaque mot prononcé me demande un effort supplémentaire. Je mets ça sur le compte de la fatigue et essaye de ne pas y prêter attention.
— Phineas, pourrais-tu nous lire le passage suivant ? demande M. Thompson, me tirant de mes pensées.
Après le cours d'anglais, nous enchaînons avec le cours de sport, un véritable changement de rythme et d'ambiance. Le calme et la concentration cèdent la place à l'énergie et à l'effort physique. Nous quittons la salle de classe aux murs couverts de posters éducatifs pour rejoindre le gymnase, un espace vaste où résonnent cris et encouragements. L'atmosphère passe du studieux au dynamique, et la transition n'est pas toujours facile pour moi. Le professeur de sport nous attend déjà, prêt à nous faire courir, sauter et transpirer, tandis que Nelson, excité à l'idée de se dépenser, affiche un sourire radieux, prêt à donner le meilleur de lui-même tandis que moi, je peine à suivre le rythme. Pendant que nous courons autour du terrain, Nelson ralentit pour me parler.

— Finn, ta voix... ça ne s'améliore pas. Ça m'inquiète vraiment.
— Ne t'inquiète pas, ce n'est rien. Probablement juste un rhume qui traîne. Ça va passer, réponds-je en essayant de paraître détendu.
— Eh bien, si tu perds ta voix, qui va me raconter toutes ces histoires de dragons avec une proximité forcée et  one bed trope ? Tu sais que je compte sur toi pour ça, plaisante Nelson en mixant des types d'histoires qui n'ont rien à voir pour alléger l'atmosphère.
Je ris, mais ce rire se transforme en une quinte de toux sèche qui fait froncer les sourcils de Nelson encore plus. Nous finissons notre cours de sport, moi essoufflé et lui, toujours autant en alerte.

Le reste de la matinée se déroule sans incident majeur. Les cours s'enchaînent avec une monotonie rassurante, malgré la fatigue qui commence à peser sur mes épaules. Lorsque nous entrons en cours de biologie, l'odeur de produits chimiques flotte déjà dans l'air. Aujourd'hui, nous devons disséquer une grenouille, un exercice qui ne m'enchante guère. En regardant la pauvre créature étendue devant moi, je me demande brièvement si je ne préfère pas encore les maths, malgré mon aversion pour les chiffres et les équations.
— Tu crois qu'elle savait qu'elle finirait sur notre table de dissection ? me murmure Nelson avec un air conspirateur, un sourire narquois aux lèvres.
Je ne peux m'empêcher de sourire, même si la perspective de disséquer cette grenouille me dégoûte un peu.
— Peut-être qu'elle espérait devenir une princesse, réponds-je en haussant les épaules, essayant de détendre l'atmosphère.
Nelson éclate de rire, attirant quelques regards curieux de nos camarades. Nous nous mettons rapidement au travail, suivant les instructions de notre professeur, M. Brown, qui nous surveille avec un œil attentif. Nelson et moi travaillons ensemble, comme toujours, formant une équipe efficace. Ses mains habiles manient les instruments avec une précision étonnante, tandis que je prends des notes détaillées, essayant de ne pas laisser mon malaise transparaître.
— Tu sais, Finn, commence Nelson avec un sourire en coin, je pense que M. Brown a un petit faible pour toi. Il passe toujours plus de temps à côté de notre table.
Je lève les yeux vers notre professeur, qui, effectivement, est en train de nous observer de loin. Il se dirige vers nous et s'arrête à notre table.
— Très bon travail, les garçons, dit-il en regardant nos progrès. N'oubliez pas de bien observer la structure musculaire.
Nelson me jette un regard complice, et je me retiens de rire.
— Oui, monsieur, répondons-nous en chœur, feignant le sérieux.
M. Brown hoche la tête et s'éloigne pour vérifier le travail des autres élèves. Dès qu'il est hors de portée, Nelson ne peut s'empêcher de murmurer à nouveau.
— Sérieusement, il devrait te donner des points bonus pour ton sourire de charmeur.
Je ris doucement, appréciant la légèreté de nos échanges. Nelson a ce don de rendre les moments les plus ennuyeux ou les plus désagréables un peu plus supportables. Ses commentaires sarcastiques sur le professeur et la situation en général me font oublier un instant la fatigue et l'inconfort qui se logent timidement dans ma gorge depuis quelque semaine.
Alors que nous continuons notre dissection, Nelson commence à inventer des histoires absurdes sur la vie passée de notre grenouille, prétendant qu'elle était une espionne secrète ou une star de cinéma déchue. Je secoue la tête, amusé, tout en essayant de rester concentré sur notre tâche.
— Tu as vraiment trop d'imagination, dis-je en souriant, admirant la facilité avec laquelle il transforme une situation banale en une aventure divertissante.
— Et toi pas assez avec la jeune demoiselle qui se situe sur notre table d'opération, réplique-t-il en riant. C'est pour ça qu'on fait une bonne équipe.
Nous passons le reste du cours à terminer notre dissection, tout en échangeant des plaisanteries et des commentaires sarcastiques. La matinée avance, et bientôt, la sonnerie retentit, annonçant la pause déjeuner. Tandis que nous rangeons notre matériel, je me sens légèrement plus détendu , sûrement grâce aux grands blonds à mes côtés.
— Prêt pour le déjeuner ? demande-t-il en récupérant son sac.
— Plus que prêt, réponds-je, mes pensées se tournant déjà vers les cinnamon rolls que ma mère m'a préparés ce matin.
L'heure du déjeuner arrive enfin. Nous nous installons sous notre arbre habituel dans la cour, profitant de la relative tranquillité. Je sors les cinnamon rolls que ma mère m'a préparé et en tends un à Nelson. Il prend une bouchée de son sandwich, l'air pensif, avant de se tourner vers moi.
— Tu penses à quoi pour ton prochain chapitre ? demande-t-il, ses yeux brillants de curiosité.
— J'ai cette idée de bataille épique entre deux royaumes, dis-je, les yeux étincelants d'excitation. Ça va être génial. Il y aura des intrigues politiques, des trahisons, et des personnages qui devront faire des choix déchirants.
Nelson hoche la tête, son regard attentif fixé sur moi. Il y a une intensité dans son regard qui me pousse à continuer, à partager davantage de mes rêves.
— J'en doute pas une seconde. T'es vraiment doué, Finn. Sa voix pleine de sincérité et de conviction.
Je rougis légèrement à son compliment, sentant une chaleur agréable envahir mes joues. Ses paroles résonnent en moi, non seulement parce qu'elles sont flatteuses, mais parce qu'elles viennent de lui, mon meilleur ami. Avant que je puisse répondre, une nouvelle quinte de toux me coupe la parole. Je vois l'inquiétude se dessiner sur son visage alors qu'il pose une main rassurante sur mon épaule.
— Vraiment, Finn, fais attention à toi. Dit-il, sa voix tremblant légèrement sous le poids de l'inquiétude.
Je hoche la tête, essayant de paraître rassuré et de dissiper ses craintes.
— Je vais bien, Nels. Promis. C'est probablement juste le froid qui arrive, dis-je, tentant de masquer ma propre inquiétude sous une couche de rationalité.

Il me lance un regard scrutateur cherchant une quelconque assurance dans mes yeux. Le silence qui suit est lourd de sous-entendus et de préoccupations non exprimées. Finalement, il hoche la tête, bien que je puisse voir qu'il n'est pas totalement convaincu.

Après le déjeuner, nous nous dirigeons vers notre prochain cours. Nelson continue de parler de ses projets de course à pied, et je l'écoute avec attention, appréciant la normalité de notre échange. Pourtant, chaque fois que je sens ma gorge se serrer ou que je dois m'éclaircir la voix, je ne peux m'empêcher de penser à ses paroles et à l'inquiétude que j'ai vue dans ses yeux. La fatigue commence à se faire sentir, et ma voix me trahit de plus en plus. Chaque mot prononcé semble porter le poids d'un secret inconnu, un présage sombre qui serre mon cœur avec une étreinte glaciale.
La dernière cloche de la journée sonne enfin, marquant la fin des cours. Nelson et moi ramassons nos affaires et prenons le chemin du retour. Le soleil commence à décliner, peignant le ciel de teintes roses et orangées. Nous marchons en silence pendant un moment, chacun perdu dans ses pensées.
— Finn, ta voix... tu devrais vraiment faire attention. Promets-moi que tu prendras soin de toi, dit-il finalement, brisant le silence avec une douceur empreinte de préoccupation.
Je soupire, ma main tremblant légèrement en ajustant la sangle de mon sac.
— C'est juste une maladie passagère,le froid de l'hiver arrive. Je vais bien.
Nelson me regarde, toujours inquiet, mais il finit par hocher la tête.
— D'accord, si tu le dis. Mais fais attention à toi, d'accord ?
Je lui souris, reconnaissant de sa préoccupation.
— Promis.
Nous continuons à marcher en silence, chacun perdu dans ses pensées. La journée a été longue et éprouvante, et l'incertitude non avouée pèse lourdement sur mes épaules. Mais malgré tout, la présence de Nelson à mes côtés me donne la force de continuer.
Arrivés chez moi, nous décidons de nous installer dans le salon pour réviser. La maison est calme, ma mère étant encore au travail. Nous travaillons en silence pendant un moment, l'ambiance seulement interrompue par mes quintes de toux occasionnelles.
Après une demi-heure de révisions, Nelson se lève et se dirige vers la cuisine pour vérifier la cuisson des cookies qu'il a mis au four. Cette scène me fait sourire. Il se déplace chez moi avec une aisance naturelle, connaît chaque recoin de la maison comme s'il s'agissait de la sienne. Il ouvre les placards, sort des ustensiles, et jongle avec les ingrédients sans hésitation, comme s'il avait déjà fait cela mille fois. Nelson a toujours eu ce talent particulier pour la cuisine, et il semble prendre un plaisir sincère à préparer des petites douceurs pour moi.
Il ramène une assiette de cookies fraîchement cuits, l'arôme sucré envahit la pièce. Nous nous installons à nouveau à la table, alternant entre révisions et dégustation de ces délices. La présence de Nelson, son dévouement et sa simplicité à rendre chaque moment spécial, m'apaisent. Ses gestes de soin et d'attention ne passent jamais inaperçus.

La fatigue me pèse , mes yeux se ferment tout seul. Je sens juste une couverture se glisser sur moi sans que je me déplace pour la prendre.
A mon réveil, Nelson n'est plus là. Seulement une assiette de cookies trône devant moi sur la table basse. Je sors mon téléphone de ma poche où il affiche dix-huit heures, maman ne devrait pas tarder. Je parcours ma liste de contacts et j'appuie sur le premier nom qui apparaît. Sa voix résonne de l'autre côté de mon appareil.

Le castor s'est enfin réveillée ?
—Je te le fais pas dire, ça m'a fait un bien fou. Mais t'aurais dû me réveiller avant de prendre la poudre d'escampette.

Il s'est trompé d'animal dans sa métaphore , mais je sais que en réalité qu'il ne fait pas allusion à celui-ci...

— Tu avais l'air apaisé dans ton sommeil, je n'ai pas voulu te déranger pour te dire aurevoir. De toute façon demain matin je suis sur le pas de ta porte à attendre comme depuis 18 ans. N'oublie pas de te reposer et de prendre soin de toi.
Je hoche la tête par réflexe alors qu'il ne peut même pas me voir, sentant une lueur d'espoir malgré la fatigue qui m'étreint encore.
— D'accord, à demain, Nels.
Je reste seul dans le silence de la maison.Un frisson glacé parcourt ma voix, une ombre silencieuse qui se glisse dans mes paroles comme un serpent dans l'herbe, invisible mais terriblement réel. Mais je refuse de céder à la peur. Ce n'est qu'une maladie passagère. Je vais
m'en sortir.

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